Bill, ouvrier en fonderie, sa soeur Linda et sa petite amie Abby quittent Chicago pour le Texas où ils sont embauchés dans un grand domaine. La beauté, l'humour et les tragédies de la vie quotidienne un relief particulier à ce grand spectacle de Terrence Malick.
TELERAMA
Des grappes d'ouvriers agricoles sont en partance pour les moissons dans des wagons du début du siècle. Les blés suivent la chorégraphie du vent. Les journaliers à 3 dollars, l'échine courbée sur la terre, ont l'aura des paysans de L'Angélus, de Millet. Le soleil incendie les champs, la colère embrase les hommes, l'eau des torrents se trouble sous les chevilles des femmes... Aidé par la photo somptueuse de Nestor Almendros, Terrence Malick fond la nature et les hommes en une unité organique.
A ce grand tout, il offre une conscience extérieure, une voix off philosophe : celle de Linda, gamine sauvage et sage. Elle raconte comment sa vie itinérante avec Bill, son grand frère, et Abby, la petite amie de celui-ci, les conduisit à suer sur les sacs de blé d'un riche propriétaire terrien. Et pourquoi Bill, tout à sa rage d'exploité, persuada Abby d'accepter les avances de ce fermier au coeur pur...
D'après cette drôle de gosse se rêvant « médecin de la terre » (comme pour sauver l'humanité à la racine), tous les hommes sont « un peu anges, un peu démons ». Sauraient-ils éviter le pire si la nature, soudain hostile, ne le précipitait ? Des nuées de sauterelles pleuvent sur ces êtres rongés par d'autres plaies. Au courroux du ciel succède le feu, puis le sang. C'est la fuite en avant. Pour les femmes, plus question de semailles ou de maison, mais d'une liberté à vivre en souvenir de leurs hommes. L'une prend un train, l'autre suit sa route. Terrence Malick clôt son drame panthéiste, douloureux et radieux, en les regardant juste partir... Une splendeur. — Guillemette Odicino