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JUSQU A LA GARDE, Xavier Legrand 2017, Léa Drucker, Denis Ménochet (societe)@@@

(taille reelle)
Miriam et Antoine Besson ont divorcé et Miriam demande la garde exclusive de leur fils Julien pour le protéger d'un père qu'elle qualifie de violent. Antoine plaide son cas comme un papa méprisé dont les enfants ont été retournés contre lui par leur mère.

TELERAMA
Mêlant l’effroi à des dialogues d’une justesse remarquable, Xavier Legrand fait de la guerre d’un couple pour la garde de son fils un thriller remarquable. Léa Drucker et Denis Ménochet sont formidables.

La violence est d’abord étouffée. C’est une tension palpable. Nous sommes dans le bureau de la juge. Miriam, muette, comme pétrifiée, et Antoine, un peu plus loquace, sont côte à côte mais s’affrontent, par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs. On sent que chaque mot compte. Il est question de la garde du fils, Julien, 11 ans, qui préfère rester chez sa mère. Son père est meurtri de ne pas le voir, demande la garde par­tagée. L’avocate de la mère parle de « grande insécurité ». Sa consœur réagit, avance des arguments convaincants. On en vient à douter. La juge elle-même semble tiraillée.

Entrée saisissante. Par son réalisme et ses silences, son sens de la durée, la justesse tranchante des dialogues. Xavier Legrand poursuit avec ce film le propos entamé dans son court métrage, Avant que de tout perdre (multiprimé au festival de ­Clermont-Ferrand 2013). Une femme (Léa Drucker, déjà) y cherchait à fuir, avec ses deux enfants, la violence de son mari. Jusqu’à la garde est une ­variation sur le même thème : la violence conjugale. Ce fléau — près de trois femmes en meurent chaque semaine, en France — est rarement traité au ­cinéma : Xavier Legrand l’aborde sous l’angle de la peur. Les coups, il ne les montre pas. Mais ils restent une menace omniprésente.

C’est un pur thriller, domestique et familial. Passé le moment d’incertitude lors de l’audience dans le bureau de la juge, il apparaît assez vite que le père est un danger. Oppresseur, impérieux, tortueux. Il fait de plus en plus pression sur Julien pour lui soutirer des informations, a même recours au chantage. L’enfant, sur le qui-vive, cherche à protéger sa mère tout en ayant peur lui aussi. Il est poignant, ce gamin, rendu extrêmement émouvant grâce au jeu de Thomas Gioria et par le regard que Xavier Legrand pose sur lui. Sur tous ses personnages, d’ailleurs, y compris le père, représenté comme un colosse malheureux : un grand ­enfant blessé, en rage, qui cogne sur sa propre impuissance. Il suffit d’une scène de repas chez ses parents pour qu’on devine comment il a pu être ­rabaissé dans son enfance. Denis Ménochet apporte ce qu’il faut d’humanité à ce rôle ingrat. Face à lui, Léa Drucker s’impose en femme dense, tétanisée parfois mais prête à parer, protectrice plus que victime, qui se cuirasse.

Car c’est bien un combat qu’elle mène, face à une menace constante, un risque d’intrusion, d’invasion. D’emprise : ainsi, ce moment de suspension où le mari, anéanti, enlace sa femme, pour être consolé ou pour la broyer, on ne sait pas. Le malaise, l’anxiété, l’angoisse, la panique traversent la plupart des séquences de ce film épuré, où rien n’est en trop, sauf peut-être une scène de fête d’anniversaire un peu longue. Tout tend vers le piège, l’étau se resserre peu à peu, dans un crescendo ­absolument terrorisant. Et bouleversant.