TOUT LE MONDE AIME JEANNE, Céline Devaux 2022, Laurent Laffitte, Marthe Keller (sentimental)@@
Tout le monde a toujours aimé Jeanne. Aujourd'hui, elle se déteste. Surendettée, elle doit se rendre à Lisbonne et mettre en vente l'appartement de sa mère disparue un an auparavant. À l'aéroport elle tombe sur Jean, un ancien camarade de lycée fantasque et quelque peu envahissant.
TELERAMA
Un premier film attachant, entre blues et fantaisie.
Quelle agilité ! Scénariste, réalisatrice mais aussi dessinatrice, une jeune femme qui jongle avec les talents signe ce premier film où elle nous raconte sur tous les tons et sous toutes les coutures une drôle d’héroïne, jouée par cette drôle de Blanche Gardin. Quasiment femme de l’année, Jeanne passe à la télé pour les machines dépolluantes qu’elle destine aux océans, et qui vont faire plouf ! Pratiquement ruinée et poursuivie par sa petite voix intérieure qui lui dit qu’elle a raté sa vie, la visionnaire de la lutte contre les microplastiques part à Lisbonne pour vendre l’appartement de sa mère, qui s’était suicidée après l’avoir appelée en vain. Ah, Jeanne !
Entre blues et fantaisie, un portrait très attachant se tisse, complice et tranchant à la fois. Une réplique bien envoyée, un plan sur une moue qui vaut son poids de solitude et d’abattement, un dessin joliment animé pour donner la parole aux tourments de l’âme : l’inventive Céline Devaux n’a pas choisi pour rien un personnage d’inventeuse. On sent chez cette cinéaste une envie d’expressivité nouvelle, de comédie moins balisée. Et quand Jeanne rencontre Jean (Laurent Lafitte), c’est le happening permanent avec cet ancien camarade de lycée à l’évidence pas encore tout à fait remis d’une « bouffée délirante » qui l’avait conduit aux urgences psychiatriques…
La facilité à varier les registres crée un climat sensible. La lumière et les couleurs vives de Lisbonne se mêlent à des angoisses qui s’accrochent. À travers la figure de la mère disparue, mais aussi en donnant une place à des enfants, le film nous parle d’une nostalgie précoce pour un passé où tout était simple. Davantage que cette vie d’adulte dont Jeanne s’échappe à travers un flirt formidablement adolescent. On a alors le sentiment de la perdre un peu. C’est parce qu’elle se trouve.