arpoma.com - Rep. / Data
(805 sur 843)   (liste)
◀◀         (805 sur 843)         ►►


























(grand format)   (taille reelle) (loupe: alt+cmd+8)
UN ETE 42, Robert Mulligan 1970, Jennifer O Neill, Gary Grimes (sentimental guerre)@@
Hermie se souvient avec nostalgie de cet été 42 lorsqu'il avait 15 ans. Garçon timide et rêveur, il avait bien du mal à aborder les filles de son âge. Lorsqu'apparut dans sa vie Dorothy, une jeune femme dont le mari était à la guerre.

LE MONDE
Comme les Deux Anglaises de Truffaut, Un été 42 se réclame Implicitement de la grande tradition romantique hollywoodienne (quand Hollywood était Hollywood), et tous deux élargissent le propos en jetant sur un passé plus ou moins éloigné un regard d'homme de 1971, celui de la " permissive society ". Mais là où François Truffaut risque tout pour dire la passion sans frein et le romanesque éternel, au sens fort, Robert Mulligan propose un travail " enlevé ", un récit sans faille, fonde même l'essentiel de son film sur le décalage entre hier et aujourd'hui, traitant hier ses conventions ridicules, son puritanisme dévergondé, avec la franchise, disons la complaisance, sexuelle aujourd'hui de mode.

Trois garçons entre quinze et dix-sept ans traînent des vacances prolongées et leurs premières obsessions érotiques sur la côte océane, l'été suivant l'entrée en guerre des Etats-Unis. Plage solitaire où se détache une maison en bois habitée par une jeune femme, Dorothy, que courtise un G.I. à la veille de partir au front. L'un des garçons, Hermie (Gary Grimes), ne pense plus qu'à cette sculpturale beauté, de dix ans son aînée. Mais les trois amis, se provoquant mutuellement, courent les teen-agers du village, conduits par le " fort en gueule " Oscy (Jerry Houser). Ce qui nous vaut deux sketches parodiques à base d'équivoque et de salace : Hermie confondu de terreur à la perspective d'une demande, au drugstore local, d'un préservatif, Oscy jouant les gais lurons dans les buissons par étapes successives, manuel du parfait amoureux en main.

Parfois Mulligan fait mouche, dépasse la simple application, le guignol et atteint l'émotion authentique. Quand Hermie et Oscy emmènent deux petites amies de rencontre dans une salle obscure où, sur l'écran, Bette Davis et Paul Henreid égrènent de pathétiques déclarations (du film d'époque Now, Voyager, d'Irving Rapper). Lorsque, véritable morceau d'anthologie, " climax " d'une intrigue cousue de fil blanc, Dorothy vient d'apprendre la mort de son G.I. au champ d'honneur, elle s'abandonne dans les bras de Hermie émerveillé. De lents mouvements de caméra, une utilisation super-hollywoodienne de la musique (la rengaine plusieurs fois entendue en arrière-plan devient le disque qui rapproche les amants d'un soir), un montage raffiné de Folmar Blangsted, orfèvre en la matière.

Le film est parfois émouvant, sorte de reportage enjolivé sur les embarras de l'adolescence, un spectacle tout d'une pièce, où cœur et voyeurisme trouvent de larges satisfactions. Une remarquable direction d'acteurs, surtout Jennifer O'Neill, la jeune femme, et Gary Grimes, l'amoureux éperdu. On saisit mieux, en comparant le film de François Truffaut et celui de Mulligan, la différence entre une œuvre de raison et une recréation de l'intérieur, par la sensibilité de l'artiste. Robert Mulligan " illustre " un drame définitivement enterré dans la nuit du temps, Truffaut nous parle en direct de l'amour et de la mort.