Sentant sa mort proche, l'oncle Boonmee voit le fantôme de sa femme décédée et son fils disparu et se rappelle ses vies passées.
TELERAMA
Redécouvrons le film thaïlandais quasi expérimental qui a fait chavirer le coeur de Tim Burton, président du jury à Cannes en 2010, et a ainsi remporté la Palme d'or. L'oncle Boonmee du titre est à la fois très faible (il va mourir) et très puissant : il possède le don de voir l'invisible, de communiquer avec les morts, de les reconnaître derrière leurs avatars, hologramme translucide ou superbe singe noir aux yeux rouges lumineux.
Ses visions sont d'une simplicité bouleversante, comme en art brut, mais aussi d'une sophistication mystérieuse. Elles évoquent autant les premiers truquages de cinéma que La Belle et la Bête, de Cocteau, et certaines créatures de Star Wars. En fait, le réalisateur s'inspire du livre d'un moine bouddhiste sur la réincarnation, doctrine très répandue en Thaïlande du Nord, où est située l'histoire. Et il retrouve le style des feuilletons qu'il regardait enfant, à la télé, sources de rêveries érotiques. L'auteur facétieux, inquiet de Tropical Malady et de Blissfully yours possède la qualité rare de ne jamais se laisser deviner à l'avance. Exemple : à la fin du voyage, ce ne sont plus des vies antérieures qu'on aperçoit, mais des vies parallèles. Certains personnages se dédoublent : oui, on peut être soi et un autre, être là et ailleurs, hier et aujourd'hui. Le cinéma délicat d'Apichatpong Weerasethakul fait tranquillement éclater l'espace-temps.