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18 job 06
Alors Job prit la parole et dit :
Oh ! S’il était possible de peser mon affliction, et de mettre toutes ensemble mes calamités dans la balance !...
Elles seraient plus pesantes que le sable de la mer : voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie.
Car les flèches du Tout-Puissant me transpercent, et mon âme en boit le venin ; les terreurs de Dieu sont rangées en bataille contre moi.
Est-ce que l’onagre rugit auprès de l’herbe tendre ? Est-ce que le bœuf mugit devant sa pâture ?
Comment se nourrir d’un mets fade et sans sel, ou bien trouver du goût au jus d’une herbe insipide ?
Ce que mon âme se refuse à toucher, c’est là mon pain, tout couvert de souillures.
Qui me donnera que mon vœu s’accomplisse, et que Dieu réalise mon attente !
Que Dieu daigne me briser, qu’il laisse aller sa main et qu’il tranche mes jours !
Et qu’il me reste du moins cette consolation, que j’en tressaille dans les maux dont il m’accable : de n’avoir jamais transgressé les commandements du Saint !
Quelle est ma force, pour que j’attende ? Quelle est la durée de mes jours, pour que j’aie patience ?
Ma force est-elle la force des pierres, et ma chair est-elle d’airain ?
Ne suis-je pas dénué de tout secours, et tout espoir de salut ne m’est-il pas enlevé ?
Le malheureux a droit à la pitié de son ami, eût-il même abandonné la crainte du Tout-Puissant.
Mes frères ont été perfides comme le torrent, comme l’eau des torrents qui s’écoulent.
Les glaçons en troublent le cours, la neige disparaît dans leurs flots.
Au temps de la sécheresse, ils s’évanouissent ; aux premières chaleurs, leur lit est desséché.
Dans des sentiers divers leurs eaux se perdent, elles s’évaporent dans les airs, et ils tarissent.
Les caravanes de Théma comptaient sur eux ; les voyageurs de Saba espéraient en eux ;
ils sont frustrés dans leur attente ; arrivés sur leurs bords, ils restent confondus.
Ainsi vous me manquez à cette heure ; à la vue de l’infortune, vous fuyez épouvantés.
Vous ai-je dit : « Donnez-moi quelque chose, faites-moi part de vos biens,
délivrez-moi de la main de l’ennemi, arrachez-moi de la main des brigands ? »
Instruisez-moi, et je vous écouterai en silence ; faites-moi voir en quoi j’ai failli.
Qu’elles ont de force les paroles équitables ! Mais sur quoi tombe votre blâme ?
Voulez-vous donc censurer des mots ? Les discours échappés au désespoir sont la proie du vent.
Ah ! Vous jetez le filet sur un orphelin, vous creusez un piège à votre ami !
Maintenant, daignez vous retourner vers moi, et vous verrez si je vous mens en face.
Revenez, ne soyez pas injustes ; revenez, et mon innocence apparaîtra.
Y a-t-il de l’iniquité sur ma langue, ou bien mon palais ne sait-il pas discerner le mal ?