TOUCHEZ PAS AU GRISBI, Jacques Becker 1953, Jean Gabin, René Dary (thriller)@@@
Max-le-menteur et Riton viennent de réussir le coup de leur vie: voler 50 millions de francs en lingots d'or à Orly. Avec ce "grisbi," les deux gangsters comptent bien profiter d'une retraite paisible. Cependant, Riton ne peut s'empêcher de parler du magot à sa maîtresse Josy.
TELERAMA
Un refrain à l’harmonica, des gangsters quinquas, l’envie de se retirer avec leur grisbi, et une femme qui s’en mêle.
Gabin, au creux de la vague, a du mal à retrouver le succès qu’il a eu avant guerre. Il se refait avec ce grand film policier sec et réservé, signé Jacques Becker. Il y joue un truand fatigué et embourgeoisé, qui vient de réussir un gros « coup » et aspire à se retirer des affaires. Mais une imprudence de Riton, son ami de toujours, le rappelle à un autre destin. L’action est ici secondaire. Ce qui compte tient à l’argot, à l’amitié, aux traits de caractère, à l’ambiance mélancolique (soutenue par un air lancinant d’harmonica, composé par Jean Wiener).
Costume croisé, cravate, pochette, et mitraillette si besoin, Gabin en impose. C’est un caïd à l’ancienne, forçant le respect, mais pantouflard, presque dépassé par la nouvelle génération, sans foi ni loi et plus violente, incarnée par Lino Ventura. Le film cristallise très précisément le début de sa vieillesse, digne, pas encore caricaturale (celle du « pacha » patriarche ou président). Un dur au grand cœur qui argotise sans faillir, un séducteur pépère, valoches sous les yeux et traits empâtés par les années, encore capable d’envoûter une dame de la haute. Grâce à lui et aux autres comédiens (dont une certaine Jeanne Moreau, débutante, qui se prend une sacrée volée), grâce à sa mise en scène impeccable de sobriété, Jacques Becker réussissait là un classique du genre, dès sa sortie.