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SEPT ANS AU TIBET, Jean-Jacques Annaud, Brad Pitt
A la fin de l'été 1939, l'alpiniste autrichien Heinrich Harrer, premier vainqueur de la face Nord de l'Eiger et qui rêve de conquérir le Nanga Parbat, sommet inviolé de l'Himalaya, accepte de l'argent nazi pour y planter le drapeau à croix gammée. La guerre éclate. Prisonnier des Britanniques à la frontiere de l'Inde, il s'évade. Commence alors la véritable aventure de sa vie : une longue errance qui se termine à Lhassa, résidence du jeune Dalaï-lama avec qui il se lie d'amitié.

TELERAMA
A la fois 'Zinzin au Tibet', 'Danse avec les yaks' et 'Little dalaï-lama', le film d'Annaud réussit l'exploit d'esquiver le drame tibétain.
Au moment même où des types en manteau rouge et fausse barbe blanche font la retape devant les grands magasins, Jean-Jacques Annaud revient, les bras chargés d'un nouveau film gros comme une montagne. Et qui déborde de partout : Brad Pitt et sa belle gueule pour les midinettes, le jeune dalaï-lama et son parfum d'encens pour les mystiques, et des sommets enneigés pour les fanas d'air pur. Tout cela par l'homme qui a fait L'Ours plus grand que la plus grande peluche, inventé le polar en robe de bure (Le Nom de la rose), conjugué exotisme chic et érotisme choc (L'Amant), chaque fois avec un succès considérable.
Sur un sujet aussi « chaud » que le Tibet, soumis de force par la Chine depuis un demi-siècle, et vers lequel convergent depuis peu toutes sortes de sollicitude occidentale, Annaud se devait de faire fort. D'abord, il a entièrement reconstitué le pays du dalaï-lama dans la cordillère des Andes : c'est sûr, son Tibet est plus spectaculaire que celui des rares images télé. Mais son vrai « plus » est ailleurs : dans sa volonté de faire grand, gros et beau, ce n'est pas un seul film qu'il nous propose, mais carrément trois pour le prix d'un.
Le premier pourrait s'appeler « Zinzin au Tibet ». Il est un peu fêlé en effet, cet Heinrich Harrer, authentique alpiniste autrichien qui, en mai 1939, abandonne femme et enfant à naître pour s'en aller escalader le Nanga Parbat. Un peu fêlé, sympathisant nazi et passablement arrogant. Difficile de se rallier à son brushing blond comme on le fait à la houppe de Tintin. Autant le héros d'Hergé, lisse jusqu'à la transparence, est un guide exemplaire, autant l'épaisseur de Heinrich, que Jean-Jacques Annaud s'efforce assez mollement de rendre sympathique au fil de ses acrobaties puis de ses errances, nous gâche le voyage. Et puis son capitaine Haddock, le brave Peter, manque vraiment de consistance.
C'est donc raté, de ce côté-là. Voyons le deuxième film : un genre de « Danse avec les yaks ». Ces Tibétains ne font-ils pas penser à une tribu indienne miraculeusement préservée près du ciel ? Mais gaffe aux nuances ! Kevin Costner chez les Sioux, c'était un modèle d'intégration qui prenait la peine d'apprendre la langue et devenait le gendre idéal en épousant une indigène. Heinrich/Brad Pitt a, lui, pour les Tibétains, le regard un brin condescendant du touriste américain. Comme ils sont pittoresques avec leurs costumes et leurs coutumes ! L'ennui, c'est que Jean-Jacques Annaud ne se démarque pas de ce regard-là, ne nous en dit rien. Et, accessoirement, que chaque Tibétain rencontré par Heinrich semble avoir bénéficié d'un cours d'anglais accéléré.
Jusqu'ici, Annaud peut encore plaider qu'il a seulement souhaité raconter une aventure. Mais voici le « troisième film » : « Little dalaï-lama ». Fourbu par les escalades, la prison, les évasions, les privations, le fougueux Heinrich est arrivé à Lhassa. Là, il est présenté au jeune dalaï-lama, souverain encore enfant d'un pays où les rites religieux se confondent avec ceux du pouvoir. Et il devient son grand pote (« précepteur » serait exagéré). Il lui construit... une salle de cinéma. Plus on avance dans cette dernière partie, plus le panneau « rédemption » se met à scintiller virtuellement sur l'écran.
La pureté gagnée dans un éden inaccessible, voilà donc le fin mot de l'histoire. Et tant pis si l'Histoire vraie, celle de l'invasion chinoise, celle du bouddhisme tibétain, est expédiée avec une certaine désinvolture. Mais cette fois ce n'est plus seulement le rythme, le charme ou l'humour qui font défaut, c'est un souffle, une inspiration. Annaud s'attache, faute de mieux, aux détails, au décorum et c'est tout son film qui sonne creux ; ses « trois films pour le prix d'un » qui ressemblent à des poupées russes, pas même emboîtées l'une dans l'autre. Il reste à faire le film qui comprendrait le Tibet. Attendons celui que vient de finir Martin Scorsese.