355, Simon Kinberg 2021, Jessica Chastain, Penélope Cruz (thriller)
L'agente de la CIA Mason "Mace" Brown s'associe à une agente allemande rivale, une informaticienne de pointe et une psychologue colombienne lorsqu'une arme top secrète tombe entre les mains d'un groupe de mercenaires. Ensemble, les quatre femmes se lancent dans une mission effrénée pour sauver le monde tout en gardant une longueur d'avance sur une mystérieuse figure qui suit chacun de leurs mouvements.
TELERAMA
Déclinaison 100 % féminine et en talons aiguilles des blockbusters du type “Mission : Impossible”, le film de Simon Kinberg, produit par Jessica Chastain, ne renouvelle en rien le genre.
L'idée lui serait venue sur le tournage du dernier X-Men (Dark Phoenix, 2019). Pour rétablir un peu l’équilibre, mettre en pratique cette foutue parité post-#MeToo, affirmer, une fois encore, son indéniable « badasserie » dans un milieu toujours gangrené par le patriarcat et, pourquoi pas, palper au passage quelques millions de dollars à la barbe de la gent masculine, Jessica Chastain a vendu au scénariste et réalisateur Simon Kinberg le concept, moyennement original, d’un film d’espionnage cent pour cent féminin. Un Mission : impossible en talons aiguilles, un James Bond qui boirait du thé. Gary Ross avait déjà tenté le coup en 2018 avec Ocean’s Eight, déclinaison féminine, et très peu féministe, de la trilogie de Steven Soderbergh, avec Sandra Bullock, Cate Blanchett, Rihanna et Anne Hathaway en braqueuses en robes de soirée.
Le casting de 355, coproduction américano-chinoise, fait encore mieux question diversité (ou marketing, le doute persiste). Aux côtés de l’agente secrète de la CIA (Jessica Chastain), s’agrégeront une ancienne du MI-6 britannique (Lupita Nyong’o), une Franco-Allemande ayant eu maille à partir avec le KGB (Diane Kruger), une psychologue colombienne et mère de famille (Penélope Cruz) et une mystérieuse Chinoise (Fan Bingbing). Cinq femmes issues de différentes agences de renseignement, cinq personnages lourdement lestés en clichés.
Hormis la composition progressive, tout au long du film, de l’équipe de choc, affaire d’habitude réglée dans le premier quart d’heure, le cahier des charges jamesbondien (dernière période) est dupliqué au double chromosome X près : cascades à moto dans les passages couverts parisiens, chasse à l’homme dans un souk marocain, milliardaire tchétchène dragué lors d’une vente aux enchères, explosions dans un gratte-ciel de Shanghai, corruption et haute trahison au sommet de la hiérarchie et, bien sûr, menace d’une troisième guerre mondiale à cause d’un disque dur diabolique capable de contrôler à distance tout système électrique, de l’avion de ligne à la centrale nucléaire.
Côté mise en scène, on frise aussi l’overdose : les scènes de baston sont tellement découpées qu’elles deviennent illisibles, la caméra tournoie en permanence autour des actrices dès qu’elles se posent pour discuter, manger un couscous avec les doigts, ou boire un thé, sans oublier (tout est fait pour qu’on ne l’oublie pas) cet insupportable nappage musical ininterrompu qui dramatise à outrance la moindre scène, muette ou non. Le récit rebondit paresseusement, sans véritable surprise, vers un dénouement qui laisse présager que le film pourrait, en cas de succès, devenir une franchise… Pitié !
Comme cela nous l’est scolairement expliqué par le personnage de Jessica Chastain, le titre fait référence à l’Agent 355, surnom d’une espionne qui a sévi au XVIIIe siècle pendant la guerre d’Indépendance des États-Unis contre le Royaume-Uni. Était-ce la peine d’évoquer la mémoire de cette illustre pionnière dans un film de filles aussi bas du front que ceux des garçons ?