![]() | APOCALYPSE NOW, Francis Ford Coppola 2001, Marlon Brando, Martin Sheen, Harrison Ford (histoire guerre)@@@Pendant la guerre du Vietnam, un agent de l'armée américaine s'aventure au Cambodge à la recherche d'un tyran dangereux, le colonel Kurtz, autrefois un soldat modèle qui s'est converti plus tard à la cause de l'ennemi. TELERAMA Palme d’or à Cannes en 1979, Apocalypse Now s’est d’emblée imposé comme le film définitif sur la guerre du Vietnam. Mais, paradoxalement, ce chef-d’œuvre n’a pas eu de forme définitive avant son quarantième anniversaire, avec ce montage qui ajoute trente minutes à la première version et ôte vingt minutes à la version longue. Finalement, Coppola a réussi à atteindre l’équilibre dans l’excès, qui est ici partout. On retrouve, bien sûr, dans Apocalypse Now Final Cut, les morceaux de bravoure qui scandent le voyage halluciné du capitaine Willard (Martin Sheen), traquant le colonel renégat Kurtz (Marlon Brando) au milieu du chaos. La musique des Doors s’enflamme comme les paysages. Le lieutenant-colonel Kilgore bombarde une plage du Vietnam avec l’US Army au son de La Chevauchée des Walkyries, de Wagner. Et lâche ces mots comme une bombe de plus : « J’adore l’odeur du napalm au petit matin »… Apocalypse Now a pris place dans l’histoire du cinéma. On redécouvre aujourd’hui, grâce à cet ultime montage, la dimension purement majestueuse de ce film monumental et aérien, fait d’immenses destructions et d’incroyables harmonies. Pendant la guerre du Vietnam, un agent de l'armée américaine s'aventure au Cambodge à la recherche d'un tyran dangereux, le colonel Kurtz, autrefois un soldat modèle qui s'est converti plus tard à la cause ... |
![]() | CHICAGO, Rob Marshall 2002, Catherine Zeta-Jones, Renee Zellveger, Richard Gere (musical)@@A Chicago, dans les années 20, Roxie Hart, une jeune femme qui rêve depuis toujours de monter sur la scène de l'Onyx Club, tout comme son idole, Velma Kelly, est accusée du meurtre de son amant indélicat et envoyée en prison. Derrière les barreaux, elle retrouve bientôt celle qu'elle admire : Velma Kelly, condamnée à une très longue peine pour avoir tué son mari et sa soeur, pris en flagrant délit d'adultère. Le très populaire avocat Billy Flynn va brillamment plaider leur cause et attirer l'attention des médias sur ces deux jeunes femmes à la superbe voix. Roxie, dont Billy a fait l'emblème de la naïveté abusée, devient en quelque temps une véritable star à Chicago... TELERAMA Le Chicago des années 1920 est ultra photogénique. Le cinéma en a répertorié les figures essentielles dans des postures glamour de légende. Les deux héroïnes qui se retrouvent en prison pour avoir tué leur « homme » n’y échappent pas. Roxie Hart, c’est la godiche blonde et naïve qui se fait avoir par tout le monde ; Velma Kelly, la garce brune qui ne se laisse bousculer par personne. Et la plus forte des deux n’est pas celle qu’on attend… À l’origine, il s’agit d’un show, créé à Broadway par Bob Fosse en 1975. Une revue enchaînant les numéros musicaux plutôt qu’un véritable musical. Rob Marshall s’y est risqué en imaginant que les séquences chantées et dansées sont rêvées par l’héroïne, en contrepoint d’une réalité enluminée par les artifices d’un cinéma rien moins que naturaliste. Et ça marche. Entre le pastiche et l’hommage, le déjà-vu et la performance rénovée de frais, tout en flashs et rebonds incessants, Chicago est une expédition de reconnaissance, dans tous les sens du mot : on explore avec allégresse un genre passé de mode, et on y devine l’ombre portée de maîtres admirés. A Chicago, dans les années 20, Roxie Hart, une jeune femme qui rêve depuis toujours de monter sur la scène de l'Onyx Club, tout comme son idole, Velma Kelly, est accusée du meurtre de son amant indélicat et ... |
![]() | LE CHEMIN DE LA LIBERTE, Phillip Noyce 2003 (saga)@@@En 1931, à Jigalong, près du désert de Gibson, trois filles aborigènes, Molly, Gracie et sa soeur Daisy, vivent heureuses auprès de leurs mères. Sur ordre de Mr Neville, protecteur en chef des Aborigènes pour l'Australie occidentale, les fillettes sont arrachées à leur famille et transférées au camp de Moore River, situé à l'autre bout du continent. Là-bas, les trois filles décident de s'échapper et entament un périple de plus de 2.000 kilomètres. TELERAMA En 1931, trois jeunes métisses aborigènes arrachées à leurs familles, et placées de force en internat, s’enfuient… Une odyssée inspirée d’une histoire vraie que le réalisateur Phillip Noyce raconte avec tact. Jusque dans les années 1970, l’Australie a fabriqué des générations d’orphelins, de jeunes métis volés à leurs mères aborigènes et « éduqués » dans des camps pour devenir domestiques et ouvriers agricoles chez les Blancs. Le film de Phillip Noyce, tiré du récit de Doris Pilkington, l’une des victimes de ce racisme institutionnel, raconte une histoire vraie : l’incroyable odyssée de trois petites Aborigènes fuyant à travers l’Australie, dans les années 1930. Molly, Gracie et Daisy (interprétées par d’attachantes actrices non professionnelles) vont parcourir à pied plus de 2 000 kilomètres pour fuir le camp de Moore River et rejoindre leur famille dans le bush, à Jigalong. Seules, la police aux trousses, longeant la clôture qui coupe le pays en deux et préserve les pâturages des lapins, luttant contre la soif, la faim, la fatigue et le découragement. Le Chemin de la liberté dénonce une réalité terrible. Personnages, musique, décors, tout sue l’angoisse : l’inquiétant bureaucrate (Kenneth Branagh), responsable en toute bonne conscience de la politique eugéniste britannique ; l’étrange pisteur chargé de débusquer les fuyardes, mû par l’instinct du chasseur ; les étendues désertiques, jaunies, râpées, brûlées, à perte de vue… Une course-poursuite lyrique et poignante. En 1931, à Jigalong, près du désert de Gibson, trois filles aborigènes, Molly, Gracie et sa soeur Daisy, vivent heureuses auprès de leurs mères. Sur ordre de Mr Neville, protecteur en chef des Abori ... |
![]() | MINORITY REPORT, Steven Spielberg 2002, Tom Cruise (policier)@En 2054, la société du futur a éradiqué les crimes en se dotant d'un système de prévention, de détection et de répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés de tous, trois extras-lucides transmettent les images des crimes à venir aux policiers de la Précrime. Cependant, un jour, John, le chef de brigade, reçoit l'impossible : sa propre image assassinant un inconnu. Démarre alors une course contre la montre pour prouver son innocence. TELERAMA Spielberg signe un film futuriste haletant, adapté de Philip K. Dick : une brigade de police spéciale arrête les criminels avant qu’ils ne passent à l’acte. Aux côtés d’un Tom Cruise survolté, un débutant qui tapait dans la rétine : Colin Farrell. Voeu pieux du petit Steven, 55 ans, réalisateur à Hollywood : dans le meilleur des mondes, tous les assassins seraient neutralisés, mis hors d'état de nuire juste avant d'avoir commis leur forfait... Dont acte. En 2054, soit après-demain, une nouvelle division de la police américaine utilise les pouvoirs paranormaux d'un trio de voyants, les « précogs » (de « précognitifs »). Le cerveau bousillé dès le stade foetal par une drogue de synthèse qu'utilisaient leurs parents donc, nos enfants, brr... , ces modernes pythies lisent le futur, quand celui-ci est criminel : les meurtres à venir à plus ou moins longue échéance, selon qu'il y a ou non préméditation leur parviennent sous forme de flashs, d'images flottantes, de courtes séquences disjointes et floues. Aux flics de la « précrime » d'assembler ces saynètes, transmises du cerveau des oracles à des ordinateurs transparents super design, de les interpréter et d'aller cueillir les criminels avant le crime. Est-on aussi coupable de vouloir tuer que de tuer réellement ? Oui, si l'avenir est écrit, certifié intangible. John Anderton, policier d'élite, virtuose de la manipulation d'images précognitives, et par ailleurs Tom Cruise dans le civil, ne se pose donc pas la question. Jusqu'au jour où le prochain meurtrier qu'il doit menotter n'est autre que lui-même. Alors, notre héros prend la tangente, fuit dans la ville ultramoderne, et tente d'échapper à ses poursuivants. On ne nous la fait pas : au-delà de leur première incarnation de flics du futur avec casques, uniformes et armes inédites la « vomitrique », gourdin qui fait dégobiller le délinquant chopé ! , ces chasseurs d'hommes représentent le destin, qui colle poisseux aux basques du simple mortel. Destinés d'abord au public ado, bourrés de technologie et d'invraisemblances, les films de science-fiction n'ont pas forcément bonne réputation. Il en sort un tous les quatre ou cinq ans qui fait date, parce qu'il prend le genre au sérieux : Blade Runner, de Ridley Scott, L'Armée des douze singes, de Terry Gilliam, dans une moindre mesure Strange Days, de Kathryn Bigelow, ou Bienvenue à Gattaca, d'Andrew Niccol. Minority Report est de cette trempe-là, et rassure ceux qui n'avaient plus tout à fait reconnu Steven Spielberg dans sa dernière fable futuriste, A.I. Ou qui avaient trop reconnu son sentimentalisme... Car Minority Report est tiré d'une nouvelle de Philip K. Dick, et le film bénéficie fortement de cette rencontre : le nihilisme amer de l'écrivain altère et enrichit l'humanisme souvent béat du cinéaste. Et inversement. C'est 1984 avec une lueur d'espoir, en quelque sorte, un film qui dose finement le spectaculaire et le devoir de philo (mention assez bien), bref qui a tout pour hanter longtemps notre imaginaire. Là où Spielberg est convaincant, en premier lieu, c'est dans la représentation de la société de demain. Les objets et gadgets d'alors home cinema en 3D, minitéléphones de la taille d'une oreillette, quotidiens électroniques en prise directe avec l'actualité, etc. sont une extrapolation astucieuse de ce que l'on vit déjà. Mieux, le flicage permanent par flashage de la rétine très Big Brother utilisé à des fins commerciales jolie séquence de pub interactive et policières ne fait que pousser jusqu'à l'extrême la « traçabilité » déjà avérée de nos actes (achats par carte de crédit, connexions Internet, cliquez, vous êtes surveillé). Ce futur, on y est presque. Y croire, c'est d'ailleurs la condition sine qua non de la réussite du film : pour mieux faire passer l'impossible postulat de départ (des « précogs » lisent l'avenir), Spielberg lui-même a su s'entourer de futurologues compétents. Le film joue ce parallélisme permanent, et le personnage de Tom Cruise s'affirme, dans les premières scènes, comme un double du réalisateur. La course-poursuite donne au récit une formidable dynamique, et, au fur et à mesure que s'éclaire la machination (car machination il y a), les rebondissements s'enchaînent sans que l'intérêt ne se relâche. Peut-être Spielberg délaie-t-il trop la résolution de l'énigme, peut-être certains exploits physiques du beau Tom sont-ils too much sa traversée d'une usine de bagnoles frôle le grotesque. En cherchant à toucher tous les publics, le film paraît parfois curieusement hétérogène : à une belle séquence burlesque et baroque (une greffe d'yeux par un savant fou) succèdent ainsi quelques scories pleurnichardes (un éloge récurrent de la vie de famille). Mais la force du propos est magnifiée par son unité stylistique. Récemment et notamment pour les Jurassic Park, Spielberg s'était appuyé sur ses réalisateurs de seconde équipe, coauteurs des films à des degrés divers. Ici, il reprend la main. Les choix plastiques belle photo de Janusz Kaminski donnent au futur une monochromie quasi orwellienne. Un plan magnifique montre aussi les visages de Tom Cruise et de Samantha Morton (étonnante dans le rôle d'Agatha, la « précog ») , l'un tourné vers le passé qui le hante, l'autre vers le futur. Image parlante d'un Janus bifront qui offre la clé du récit : la réconciliation, la communication passeront par l'acceptation du présent, la nécessité de faire avec le monde tel qu'il est. Minority Report s'impose in fine comme un éloge du libre arbitre, un refus presque inattendu dans le contexte hollywoodien de l'obscurantisme. Non seulement l'homme n'est pas le jouet d'un fatum aveugle, mais le futur qui l'attend, c'est à lui de l'imaginer et de le bâtir. Steven Spielberg a triomphé de Philip K. Dick... En 2054, la société du futur a éradiqué les crimes en se dotant d'un système de prévention, de détection et de répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés de tous ... |
![]() | GOOD BYE LENIN, Wolfgang Becker 2003, Daniel Bruhl, Katrin Sass (histoire)@@@Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1989, le Mur est tombé, et dans les semaines qui ont suivi des millions de personnes ont littéralement changé de planète. Good Bye Lenin... Mais la camarade Christiane Kerner, une militante émérite vivant à Berlin-Est, n'en a rien su. Depuis la veille, elle était dans le coma. Terrassée par un infarctus foudroyant en découvrant une manif pacifique contre le régime sauvagement réprimée par la police. L'Histoire joue d'emblée un rôle essentiel dans ce film. Mais rien n'y est plus décisif que l'amour d'un fils pour sa mère. TELERAMA Good Bye Lenin ! est d'abord une belle démonstration de l'art et la manière de mêler avec légèreté l'intime et l'universel, le destin d'un peuple déboussolé et celui, tout aussi problématique, d'une famille aux abois... Quand Christiane Kerner va rouvrir les yeux, huit mois plus tard, il ne reste plus rien de cette « patrie socialiste » dont elle demeurait, avec une désarmante sincérité, l'avocate idéaliste. À Berlin-Est, on a procédé à un frénétique nettoyage par le vide. Sur les façades des immeubles où flottaient les immenses bannières écarlates célébrant le 40e (et dernier) anniversaire de la RDA se déploient désormais des publicités géantes pour Coca Cola. En huit mois, on a bazardé, liquidé, mis au rebut tout ce qui renvoyait à « l'ancien monde », et en particulier le moche, le tarte, le ringard, cette empreinte supposée indélébile du régime défunt sur le quotidien de chacun. Changer de vie, c'était aussi, symboliquement, se débarrasser des papiers peints marronnasses et des chandails made in Bulgaria... Problème. Les médecins ayant averti Alex, le fils de Christiane, que le moindre choc émotionnel pouvait lui être fatal, comment lui cacher l'invraisemblable vérité ? A partir de cette donnée qu'on peut prendre, d'abord, pour un simple « truc » scénaristique, Good Bye Lenin ! va développer une cascade de péripéties, où la satire pointilliste d'un système totalitaire ossifié jusqu'au ridicule fait contrepoids aux désillusions nées du trop brutal basculement collectif des Ossis. Cette mère si fragile, il s'agit d'organiser sa survie par la plus aléatoire des méthodes : en inventant un énorme mensonge. En clair, Alex décide de faire revivre une RDA disparue, volatilisée, de réinventer entre les quatre murs d'une chambre un microcosme conforme à la vision de sa mère. On ne dévoilera pas à quelles improvisations funambules le fils recourt pour mener à bien son ingénieux travail de « reconstitution historique ». Reconstruire la société est-allemande à l'identique, c'est aussi simple et aussi compliqué, donc aussi drôle, que de partir en chasse d'une marque de cornichons est-allemande disparue des supermarchés de la nouvelle Allemagne... La comédie change d'échelle quand Alex décide de se servir de la télévision pour peaufiner l'illusion. Bricoler une actualité fictive dans de pseudo-journaux télévisés avec présentateur récitant les vérités truquées du catéchisme socialiste : cela devient du grand art. La télé, c'est l'arme absolue d'Alex, et le réalisateur de Good Bye Lenin ! s'en sert pour une savoureuse illustration du pouvoir de l'image quand il ne reste qu'elle pour faire croire à une réalité qui n'existe plus. Comment rendre plus vrai que vrai ce qui n'était qu'un leurre mis en scène par la machine de propagande du Parti ? Tout se passe comme si Alex réinventait, sans le chercher, cet ordre ancien où l'on manipulait l'information avec la complicité plus ou moins consentante des figurants (ici les voisins de palier) « jouant » à acclamer les bienfaits du régime. Au comble d'une inspiration débridée, il ira jusqu'à changer radicalement le sens de la chute du Mur en une parodie carrément absurde des contrevérités distillées par un régime en déroute. Surtout, entre deux gags, le réalisateur insuffle une émotion contenue, une forme de mélancolie, qui est cette « ostalgie » de certains Allemands de l'Est moins pour la vie d'avant, si triste et sans horizon, que pour tous ces repères disparus (une certaine marque de café ou le programme de télé favori des petits enfants de la RDA...) où s'accrochent les restes d'une identité perdue. Good Bye Lenin ! est une comédie intelligente, une fable futée, jamais manichéenne. Cela aurait suffi à assurer son succès. Si ce « petit » film, écrit par un scénariste débutant et réalisé par un metteur en scène de modeste réputation, a connu un triomphe sans égal en Allemagne, c'est sans doute parce qu'il reflète bien ce sentiment diffus que la « réunification » allemande, brutalement entrée dans les faits après la chute du Mur, reste toujours en jachère dans les esprits. Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1989, le Mur est tombé, et dans les semaines qui ont suivi des millions de personnes ont littéralement changé de planète. Good Bye Lenin... Mais la camarade Christiane Kerner, une ... |
![]() | MYSTIC RIVER, Clint Eastwood 2003, Sean Penn, Tim Robbins, Laura Linney, Kevin Bacon (policier)@@Boston, 1975. Jimmy, Sean et Dave sont trois amis d'enfance, mais un jour Dave est enlevé par deux hommes sous les yeux de ses deux amis impuissants. Les ravisseurs abusent sexuellement de Dave pendant quatre jours, jusqu'à ce que ce dernier réussisse à leur échapper.25 ans plus tard, alors que les trois amis ont suivi des voies différentes, leurs chemins vont à nouveau se croiser lors d'un autre événement tragique : le meurtre de Katie, la fille de Jimmy. Boston, 1975. Jimmy, Sean et Dave sont trois amis d'enfance, mais un jour Dave est enlevé par deux hommes sous les yeux de ses deux amis impuissants. Les ravisseurs abusent sexuellement de Dave pendant quatre jours, jusqu'à ce ... |
![]() | STARSKY AND HUTCH, Todd Phillips 2004, Ben Stiller, Owen Wilson (thriller)@ STARSKY AND HUTCH, Todd Phillips 2004, Ben Stiller, Owen Wilson1975. Les inspecteurs David Starsky, flic acharné, et Ken "Hutch" Hutchinson, considéré comme trop cool, sont contraints par leur supérieur, le capitaine Dobey, de faire équipe. Les deux policiers découvrent un cadavre sur la côte de Bay City. Avec l'aide d'Huggy "les bons tuyaux", ils plongent dans une enquête qui va les conduire à un homme d'affaires intouchable. TELERAMA Les deux télé-flics cultes des années 1970 reprennent du service. Intrigue moyenne, mais interprétation excellente : Ben Stiller et Owen Wilson se renvoient la balle avec un plaisir communicatif. Réussite mineure, mais réussite tout de même… Filon nostalgie, bis : après les Drôles de dames, relookées XXIe siècle avec pas mal d'esprit, voici leurs homologues mâles, David Starsky et Ken Hutchinson, exhumés dans leurs frusques, bagnole et habitat d'origine, certifiés seventies. Idée à la noix, du reste, comme Hollywood en produit à la chaîne : la nostalgie téléphile devient gênante quand elle est récupérée en concept marketing. Ici, un soupçon d'imprévu change la donne : le duo d'acteurs. Ben Stiller, le brun, et Owen Wilson, le blond, valent mieux que les films qu'ils interprètent. Ils possèdent un sens de la comédie assez finaud, qu'ils exploitent ici avec bonheur : Stiller dans le rôle du flic intègre, super nerveux et un peu bas de plafond ; Wilson dans celui du détective hyper cool, play-boy tête à claques. Peu importe l'intrigue, très standardisée : leur opposition amicale installe une ironie qui fait merveille. Outre des blagues potaches (dont l'interrogatoire d'une pom-pom girl très nature), le charme culmine lors d'un irrésistible concours de danse disco. Quelques gags et gaffes plus loin, ça s'essouffle. Quand arrivent in fine les Starsky et Hutch d'origine (Paul Michael Glaser et David Soul, gravement ridicules), c'est comme si le film incluait son propre bêtisier, et la ligne très étroite, assez fragile, sur laquelle le rire s'était installé devient une autoroute de beauferie. 1975. Les inspecteurs David Starsky, flic acharné, et Ken "Hutch" Hutchinson, considéré comme trop cool, sont contraints par leur supérieur, le capitaine Dobey, de faire équipe. Les deux policier ... |
![]() | DE BATTRE MON COEUR S EST ARRETE, Jacques Audiard 2005, Romain Duris, Niels Arestrup (societe)@@@À 28 ans, Tom semble marcher sur les traces de son père, un marchand de biens véreux et irresponsable. Une rencontre fortuite le pousse à croire qu'il pourrait être le pianiste concertiste de talent qu'il rêvait d'être, à l'image de sa mère. Sans cesser ses activités, il prépare une audition. TELERAMA Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d'un article, sans l'autorisation écrite préalable de Telerama, est strictement interdite. Pour plus d'informations, consultez nos Conditions Générales d'Utilisation. Pour toute demande d'autorisation, contactez droitsdauteur@telerama.fr. Il y a une heureuse allergie à tout ce qui ferait français dans ce vrai-faux polar dont Jacques Audiard est allé chercher l'argument dans un film américain méconnu, Fingers (1978), de James Toback. Tout ici, de la manière de filmer à la manière de voir la vie, dit l'envie d'une échappée loin des repères connus. C'est ce que raconte Audiard : l'histoire d'un jeune type qui veut tout changer. Il magouille dans l'immobilier, il est petite frappe et décide de devenir pianiste virtuose. Peut-être parce qu'il veut échapper à son père, malfrat qui lui a montré l'exemple et qui le tient comme un chien en laisse. Peut-être parce qu'il croit pouvoir se rapprocher de sa mère, qui lui a fait apprendre le piano mais qui est morte. Il y a des fantômes, des règlements de comptes et de l'étrangeté dans l'air. Audiard se garde du registre psychologique. Il invente un univers de sensations fortes, subtiles et, par-dessus tout, nouvelles. Pour creuser le portrait de son héros, il impose un style neuf. À 28 ans, Tom semble marcher sur les traces de son père, un marchand de biens véreux et irresponsable. Une rencontre fortuite le pousse à croire qu'il pourrait être le pianiste concertiste de talent qu'il r ... |
![]() | MUNICH, Steven Spielberg 2005, Daniel Craig, Eric Bana (histoire)@@Après le meurtre de onze athlètes israéliens et leur entraîneur aux Jeux Olympiques de 1972, le gouvernement israélien confie secrètement à Avner Kaufman une série de représailles stratégiques. A l'aide d'un conducteur, d'un faussaire, d'un fabricant de bombes et d'un ancien soldat, Avner mène une opération mondiale visant onze personnes. Comme les assassinats s'accumulent, Avner commence à douter de la moralité de ses actions. TELERAMA A Munich, pendant les jeux Olympiques de 1972, un commando de la faction palestinienne Septembre noir prenait en otages onze athlètes israéliens, qui allaient tous mourir. Munich est un film hanté par la violence. Comme son héros, Avner, prisonnier de son passé… Ce jeune agent du Mossad, chargé de diriger le commando qui éliminera les responsables de la tuerie, représente une sorte d’idéal pour Spielberg : il aime sa famille, son pays et s’engage à le défendre. Pourtant, Avner se trompe : ses bonnes intentions pavent son enfer intérieur. Réveiller la conscience de ses personnages, c’est l’objectif de Spielberg, qui changea véritablement d’image avec ce film, loin du divertissement dont il était le maître. Il y met sa foi d’homme et d’homme d’images, s’emploie à arracher la violence des conventions où le cinéma la maintient : chaque fois qu’elle surgit, elle est authentiquement traumatisante. Si Spielberg plonge au cœur du conflit israélo-palestinien, ce n’est pas pour livrer un propos politique, mais pour défendre les valeurs qui sont les siennes. On se souvient des larmes d’Oskar Schindler à la fin de La Liste de Schindler, désespérant de n’avoir pu sauver que les Juifs inscrits sur la liste. En sauver un de plus, c’était atteindre vraiment l’humain, l’unique. Le message est ici le même : retrouver l’humain derrière la liste. Après le meurtre de onze athlètes israéliens et leur entraîneur aux Jeux Olympiques de 1972, le gouvernement israélien confie secrètement à Avner Kaufman une série de représaille ... |
![]() | VA, VIS ET DEVIENS, Radu Mihaileanu 2005, Yael Abecassis, Roschdy Zem1984. Des centaines de milliers d'Africains de vingt-six pays frappés par la famine se retrouvent dans des camps, au Soudan. À l'initiative d'Israël et des États-Unis, une vaste action, l'opération Moïse, est menée pour emmener des milliers de Juifs d'Éthiopie (Falashas) vers Israël. Une mère chrétienne pousse son fils de 9 ans à se déclarer juif, pour le sauver de la famine et de la mort. L'enfant arrive en Terre sainte. 1984. Des centaines de milliers d'Africains de vingt-six pays frappés par la famine se retrouvent dans des camps, au Soudan. À l'initiative d'Israël et des États-Unis, une vaste action, l'opération Moïs ... |
![]() | LA VIE DES AUTRES, Florian Henckel von Donnersmarck 2006, Ulrich Muhe, Sebastian KochAllemagne de l'Est, 1983. Ayant exprimé le doute qu'un dramaturge célèbre soit loyal envers la ligne communiste, Gerd Wiesler, un officier de la Stasi, reçoit l'approbation d'espionner l'homme et sa maîtresse, l'actrice Crista-Maria. TELERAMA Gerd Wiesler enseigne les méthodes qui permettent d’arracher à un être humain tout ce qu’il cache derrière ses mines d’innocent. Avec Wiesler, les lâches qui comptent fuir à l’Ouest doivent tomber le masque. Simple affaire de savoir-faire. En quelques minutes, tout est là : l’atmosphère d’un pays, la peur de ceux qui y vivent, leur fragilité. D’emblée, un personnage s’impose : Wiesler, l’instrument parfait du régime, dont les yeux perçants sont un étau (excellent Ulrich Mühe, disparu l’été dernier). Mais la machine inhumaine peut se dérégler, dès lors qu’y interfèrent désirs et sentiments, tout ce qui est humain, et donc incontrôlable. Von Donnersmarck se montre un habile conteur et donne toute sa saveur à l’histoire du revirement de Wiesler, touché par l’amour et l’art, réunis en une actrice finalement moins douée que lui pour jouer la comédie. On assiste à une partie d’échecs entre volonté de pouvoir et envies de possession, loi et transgression. Le spectacle est prenant, à la manière d’un thriller. La justesse de cette reconstitution offre un accès inédit à une réalité qu’on n’a guère eu l’occasion de revisiter au cinéma, tout en prenant une dimension de fable universelle sur le totalitarisme. Allemagne de l'Est, 1983. Ayant exprimé le doute qu'un dramaturge célèbre soit loyal envers la ligne communiste, Gerd Wiesler, un officier de la Stasi, reçoit l'approbation d'espionner l'homme et sa maîtres ... |
![]() | 4 MOIS 3 SEMAINES 2 JOURS, Cristian Mungiu 2007 (societe avortement)@@@En 1987 en Roumanie, la journée éprouvante d'une étudiante qui aide son amie à se faire avorter clandestinement. TELERAMA C’est l’histoire de deux filles, l’une enceinte, l’autre pas, en Roumanie, peu avant la chute de Ceausescu. Cristian Mungiu chronique cet avortement clandestin à la manière d’un thriller. Pour Une petite chambre, dans une résidence universitaire. La lumière et les couleurs sont blafardes, le décor, d'une morne symétrie ; deux lits identiques, une table sous la fenêtre. Le lieu est banal, mais cadré pour évoquer la perspective étroite d'une cellule de prison. Deux filles, Gabita et Otilia, y préparent fébrilement un départ. Le récit de ce douloureux « voyage » de quelques heures, sans sortir de la ville, grise et oppressante, a valu une palme d'or méritée au réalisateur roumain Cristian Mungiu, lors du dernier festival de Cannes. Une odyssée minuscule, éprouvante et dangereuse, parmi des milliers d'autres, en 1987, peu avant la chute du régime de Ceausescu. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, ou le décompte exact d'une grossesse non désirée, dans un pays et à une époque où l'avortement est illégal. C'est la brune Gabita, passive et fragile, qui est enceinte. Mais c'est à la blonde Otilia, à son dévouement résolu, à l'extrême tension de ses mouvements que la caméra s'attache surtout. Otilia déniche l'hôtel où se cacher pour avorter. Otilia contacte et ramène « M. Bébé », l'inquiétant faiseur d'anges. Elle ira même jusqu'à partager avec son amie le paiement en nature du sordide marché qu'impose ce dernier, au cours d'un long et glaçant huis clos, scène cruciale du film. Cette histoire intime progresse à la manière d'un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l'état psychologique des héroïnes que sur leur sécurité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l'attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel. Chaque scène se déroule en un seul plan-séquence aussi minutieux que dépouillé ; plan fixe ou caméra à l'épaule. Pas de pathos, pas de surlignage inutile pour évoquer la peur, l'oppression ou la solidarité. On n'anticipe rien, on ne voit que ce qui se montre : un ensemble de signes extérieurs, d'échanges et de malaises, une trajectoire nerveuse sur les pas d'Otilia dans une nuit hostile, une longue négociation avec une ordure ordinaire, une porte fermée, un dîner de famille... Rien ne vient adoucir le prodigieux et habile effet de réalité. Ce parti pris esthétique radical se confond avec la matière même du propos : deux filles au corps inquiet, prises dans le cadre d'une société aliénante, et pourtant le franchissant sans cesse, comme on passe une frontière, de l'obéissance à la transgression. Portrait en creux de la fin du communisme en Roumanie, le film évite toute démonstration trop évidente. Sur la question de l'avortement, pourtant centrale, Cristian Mungiu fait montre d'une sorte de féminisme désenchanté : il ne cherche pas à transmettre une leçon de morale, un point de vue confortable, mais à observer le viscéral, douloureux élan de liberté qui s'exprime à travers Gabilia et Otilia, en elles. Cette prise de risque cloue la première au lit avec une sonde, et conduit la seconde à la rencontre d'elle-même, de son indépendance. Anamaria Marinca donne à ce beau personnage une densité électrisante. Elle est la révélation de ce drame banal et fascinant. — Cécile Mury Contre Un film emballant ? Non, un film emballé, ficelé, bouclé. Avec sa caméra qui semble programmée pour la virtuosité, Cristian Mungiu enserre tout dans une tension infaillible. On dirait un coureur qui ne reprend jamais son souffle. Il y a de l'artifice, comme une sorte de dopage, dans ce système de mise en scène si pressé d'imposer une forme, quel que soit le fond. Mungiu se plaît d'ailleurs à se débarrasser du fond : pendant la première partie de 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, il nous prive de tout repère, de toute information sur ce qui se passe. Une façon de prouver qu'il peut retenir l'attention rien que par sa manière de filmer. Mais cette démonstration tombera à plat face à ceux qui iront voir le film en sachant, évidemment, qu'il s'agit d'une histoire d'avortement clandestin. Ça, Cristian Mungiu ne semble pas y avoir pensé, enfermé dans ses idées de cinéma un peu théoriques. Il faut regretter que ce jeune Roumain apparaisse d'emblée comme un suiveur, même s'il ne marche pas dans les traces de n'importe qui : en ne quittant pas d'une semelle la jeune femme qui mène son film, en se servant de l'urgence et de l'angoisse qui la minent comme carburant, il applique des leçons des frères Dardenne. Au risque d'en faire de simples recettes de Palme d'or. Car les Dardenne couraient après quelqu'un : Rosetta ou L'Enfant sont d'abord des portraits d'êtres humains qui se battent avec le monde ou se débattent avec eux-mêmes, et qui nous touchent. Mungiu, lui, se contente de personnages simplistes. Otilia, la bonne copine qui s'occupe de tout, traîne la fatalité du monde avec elle. On comprend qu'elle doit s'endurcir, mais fallait-il en faire un tel bloc ? Quant à Gabita, la jeune fille enceinte, elle est irresponsable, incapable de faire face à ce qui lui arrive. Aucune chance ne lui est donnée de montrer un autre visage, et elle est finalement clouée au pilori par un plan terrible montrant le foetus expulsé sur le carrelage de la salle de bains. Mungiu sait-il qu'une telle image est du pain béni pour les anti-avortement ? On voudrait que cette palme soit celle de la jeunesse. C'est celle de l'immaturité. — Frédéric Strauss En 1987 en Roumanie, la journée éprouvante d'une étudiante qui aide son amie à se faire avorter clandestinement. TELERAMA C’est l’histoire de deux filles, l’une enceinte, l’au ... |
![]() | LA GUERRE SELON CHARLIE WILSON, Mike Nichols 2007, Tom Hanks, Julia Roberts (histoire)@@Au début des années 80, le délégué du Deuxième District du Texas Charlie Wilson était surtout connu à Washington comme un noceur et un bon vivant accumulant conquêtes et scandales. Cependant sa personnalité flamboyante dissimulait un sens politique aigu, une solide connaissance de la scène internationale, un patriotisme à toute épreuve et un attachement viscéral aux causes qu'on dit perdues. TELERAMA Au début des années 1980, un sénateur, une femme d’affaires et un flic décident d’abattre définitivement l’URSS en aidant les moudjahidin afghans… Histoire vraie et passionnante, gâchée par un scénario bavard et répétitif. Au début des années 80, en Amérique, un petit clan décide d'abattre définitivement l'URSS, embourbée en Afghanistan, en armant les résistants afghans. Parmi ces zozos, on compte un sénateur noceur, le Charlie Wilson du titre, une femme d'affaires folle de Dieu et un gros vulgos de la CIA, snobé par les siens. Le trio parvient à faire passer l'aide financière aux moudjahidin de 5 à 100 millions de dollars en une décennie... Sur le papier, c'est formidable. Mais le scénario d'Aaron Sorkin, certes politiquement compétent (on lui doit le feuilleton A la Maison-Blanche), est assez soporifique. On sent Mike Nichols, en vrai homme de spectacle, essayer de lutter contre cette mécanique bien huilée. Très en forme, que ce soit dans le psychologique (Closer) ou l'éthique (le feuilleton Angels in America), il pimente ces péripéties répétitives au moyen d'effets boulevardiers (portes claquées à gogo) ou franchement vaudevillesques (Julia Roberts utilisant le sexe comme arme essentielle de sa croisade religieuse). Mais il lui est difficile de lutter contre des dialogues surabondants et redondants. Tout est vrai, certes, mais on s'ennuie un brin... Au début des années 80, le délégué du Deuxième District du Texas Charlie Wilson était surtout connu à Washington comme un noceur et un bon vivant accumulant conquêtes et scandale ... |
![]() | LE COME BACK, Marc Lawrence 2007, Hugues Grant, Drew Barrymore (sentimental)@@Alex Fletcher, ex-chanteur et compositeur d'un groupe des années 1980. La star du moment, Cora Corman, lui offre une chance de faire son retour. Elle lui propose de composer un morceau pour son prochain album et de le chanter en duo. Il fait la rencontre de Sophie Fisher, la jeune femme qui se charge de ses plantes et qui s'avère avoir, elle, davantage de talent pour l'écriture. Une histoire d'amour va alors naître entre eux... Alex Fletcher, ex-chanteur et compositeur d'un groupe des années 1980. La star du moment, Cora Corman, lui offre une chance de faire son retour. Elle lui propose de composer un morceau pour son prochain album et de le chanter en duo. ... |
![]() | LES CERF VOLANTS DE KABOUL, Marc Forster 2007, Khalid Abdalla, Atossa Leoni (societe afghanistan)@@@Hassan, le fils des domestiques, protège Amir, peureux fils d'un commerçant de Kaboul. Les deux garçons sont comme des frères. Mais un jour, au lieu de secourir son ami agressé, Amir prend la fuite. Cette trahison résonne avec l'histoire qui se joue au même moment en Afghanistan : les Soviétiques envahissent le pays, tandis qu'Amir et son père le quittent. Vingt ans après, Amir l'exilé reçoit un appel de son ami Rahim Khan, lui disant qu'il peut encore réparer ses fautes. TELERAMA Au début des années 70, au cœur de Kaboul, deux amis, Amir et Hassan, partagent le bonheur d’un après-midi à faire voler des cerfs-volants. Une bouleversante histoire d’amitié, tirée du roman du même nom de Khaled Hosseini. Voilà une curiosité : un film américain, soutenu par une major, avec des comédiens d'origine égyptienne, iranienne ou afghane, et dont les deux tiers des dialogues sont en dari, la langue afghane. Hollywood au pays des talibans, on craint le pire... Mais Marc Forster (À l'ombre de la haine) s'empare avec ferveur d'un livre remarqué de Khaled Hosseini et signe une authentique épopée romanesque. En 1979, le jeune Amir, fils d'un notable de Kaboul, est inséparable de Hassan, fils des domestiques. Rêveur et craintif, Amir vit en réalité sous la protection de son ami, qu'il trahira un jour honteusement. Vingt ans plus tard, installé en Californie, Amir reçoit un coup de téléphone qui va le ramener sur la terre de son enfance. Les marchés colorés et les concours de cerfs-volants y ont fait place à un paysage de ruines et de terreur... Ces deux Kaboul décrivent le martyre de l'Afghanistan sous le joug soviétique, puis sous le régime des talibans. Histoire d'exil et de pardon, de fraternité et d'intégration, Les Cerfs-volants de Kaboul est souvent d'une véracité saisissante. Hassan, le fils des domestiques, protège Amir, peureux fils d'un commerçant de Kaboul. Les deux garçons sont comme des frères. Mais un jour, au lieu de secourir son ami agressé, Amir prend la fuite. Cette ... |
![]() | ZODIAC, David Fincher 2007, Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo (thriller)@@Zodiac, l'insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l'Eventreur de l'Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Robert Graysmith, jeune et timide dessinateur de presse, se lanca corps et âmes dans ce qui deviendra, l'enquête de sa vie. TELERAMA 1969, San Francisco. Un flic et un jeune journaliste enquêtent sur “le Zodiac”, un tueur en série insaisissable. Fincher transforme l’épais dossier (bien réel) en objet de cinéma. En réaffirmant notamment sa foi dans les acteurs et dans le récit. Pour raconter comment, à la fin des années 1970, un flic de San Francisco et un journaliste ont pisté un tueur en série, le Zodiac, Fincher tourne le dos aux architectures narratives complexes qui jusque-là étaient sa signature. À la manière d’un rapport de police que l’on compulserait page après page, il collecte des faits, rien que des faits, et les met bout à bout. Des meurtres, d’abord — filmés avec une sécheresse terrifiante —, et d’éventuels survivants. Et puis la longue et tortueuse enquête pour déchiffrer les indices que laisse volontairement l’assassin : conjectures, interrogatoires, perquisitions. Pas une séquence sans repères, lieu, date et heure. La dramatisation naît de l’accumulation. David Fincher s’appuie aussi sur la puissance évocatrice du cinéma hollywoodien, sur le sens de la composition des acteurs américains, sur une mise en scène fluide, jamais tape-à-l’œil, qui transforme l’épais dossier en objet de cinéma. Même éclaté, émietté, le récit finit par prendre corps. La structure est toujours plus forte que le chaos de la vie, semble dire le cinéaste… Zodiac, l'insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l'Eventreur de l'Amérique. Prodigue en messages cry ... |
![]() | DISCO, Fabien Onteniente 2008, Patrick Dubosc, Emmanuelle Beart, Gerard Depardieu (musical)@Didier Graindorge, 40 ans, est endetté jusqu'au cou. Après avoir lamentablement échoué à commercialiser des "waterbeds", il se retrouve dans une situation très compliquée. Surtout, il est dans l'incapacité d'accueillir son fils de 8 ans pour les prochaines vacances. Par hasard, Didier apprend qu'une boîte de nuit locale organise un grand concours disco dont le premier prix est un séjour pour deux personnes en Australie. Pour Didier, ancienne gloire de la disco, c'est la solution rêvée pour emmener son fils en vacances. Il parvient à convaincre ses compères de jadis de reformer leur groupe. Pour retrouver la condition, Didier fait même appel à France Navarre, professeur de danse classique... TELERAMA Pour offrir de vraies vacances à son fils, qui vit en Angleterre avec sa mère, un quadragénaire sans le sou décide de monter avec deux copains un groupe de danse disco. Deux ans après le triomphe de “Camping”, c’est le fiasco pour Dubosc et Oteniente. Mais c'était il y a vingt ans ! On avait 20 ans ! » répètent-ils tous, en référence à leurs années disco, le temps où Didier (Franck Dubosc) se faisait appeler Didier Travolta et gagnait des concours de danse. Rapide calcul : 2008 moins vingt égale 1988. On était donc déjà dix ans après Grease, Travolta était complètement has been (en attendant Pulp Fiction). Bizarre... Cet anachronisme constitue la seule zone d'ombre du film. Pour le reste, tout est limpide : après Camping, voici un nouvel éloge de la crétinerie, incarnée par Franck Dubosc. Les « guest stars » convoquées ont au mieux un mauvais petit rôle, comme Depardieu et Annie Cordy. Mais les vraies vedettes sont de grandes enseignes d'électroménager, de parfumerie et de restauration, citées jusqu'au lavage de cerveau. Didier Graindorge, 40 ans, est endetté jusqu'au cou. Après avoir lamentablement échoué à commercialiser des "waterbeds", il se retrouve dans une situation très compliquée. Surtout, ... |
![]() | ADVENTURELAND, job d ete a eviterviter, Greg Mottola 2009, Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Ryan Reynolds (societe)@@C'est l'été de l'année 1987 et James Brennan, un diplômé de l'université, rêve d'aller en Europe. Malheureusement, les plans de James viennent à une halte quand ses parents ne peuvent pas subventionner le voyage. James commence donc à travailler à un parc d'attractions où il rencontre une femme. TELERAMA l lit de la poésie pour le plaisir ! C’est dire si James, ado atypique de Pittsburgh, est un gentil. Parce que ses parents sont tout d’un coup fauchés, il doit travailler pendant les vacances. Un mois à tenir des stands à Adventureland, la pire punition pour celui qui veut partir à Columbia faire des études de journalisme. Le parc d’attractions est vétuste et les autres jeunes employés qui y travaillent sont tous paumés, comme Emily la rebelle, dont James pourrait bien tomber amoureux… Les comédies dramatiques qui se déroulent l’été juste avant l’entrée en fac sont une sous-catégorie des teenage movies américains. On en a vu beaucoup, mais Greg Mottola instille dans la sienne (qu’il a tournée entre Supergrave et Paul ) une petite musique originale, où le romantisme butte constamment sur le prosaïque. Le tout baigné d’une bande-son années 1980 qui remplit bien son rôle nostalgique : The Cure, David Bowie, le Velvet Underground… Si les jeunes traînent leur spleen, de soirées imbibées en joints fumés à l’arrière des voitures, c’est que leurs parents sont tout aussi paumés qu’eux : alcooliques, séparés et mal remariés, veufs ou tout simplement démissionnaires, ils ne donnent aucun espoir dans l’avenir à leurs enfants. Ce sont les années Reagan, mais pas celles des yuppies. Jesse Eisenberg (qui ne cessera jamais de nous émouvoir) et Kristen Stewart (alors tout juste échappée de Twilight ) apportent à leur personnage une grâce fragile qui sauve toute scène de la mièvrerie. Commencée à Pittsburgh, la romance se termine un jour de pluie à New York, comme dans les meilleurs Woody Allen. C'est l'été de l'année 1987 et James Brennan, un diplômé de l'université, rêve d'aller en Europe. Malheureusement, les plans de James viennent à une halte quand ses parents ne peuvent pa ... |
![]() | ADVENTURELAND, un job d ete a eviter, Greg Mottola 2009, Jesse Eisenberg, Kristen Stewart (sentimental)@@C'est l'été de l'année 1987 et James Brennan, un diplômé de l'université, rêve d'aller en Europe. Malheureusement, les plans de James viennent à une halte quand ses parents ne peuvent pas subventionner le voyage. James commence donc à travailler à un parc d'attractions où il rencontre une femme. TELERAMA Il lit de la poésie pour le plaisir ! C’est dire si James, ado atypique de Pittsburgh, est un gentil. Parce que ses parents sont tout d’un coup fauchés, il doit travailler pendant les vacances. Un mois à tenir des stands à Adventureland, la pire punition pour celui qui veut partir à Columbia faire des études de journalisme. Le parc d’attractions est vétuste et les autres jeunes employés qui y travaillent sont tous paumés, comme Emily la rebelle, dont James pourrait bien tomber amoureux… Les comédies dramatiques qui se déroulent l’été juste avant l’entrée en fac sont une sous-catégorie des teenage movies américains. On en a vu beaucoup, mais Greg Mottola instille dans la sienne (qu’il a tournée entre Supergrave et Paul ) une petite musique originale, où le romantisme butte constamment sur le prosaïque. Le tout baigné d’une bande-son années 1980 qui remplit bien son rôle nostalgique : The Cure, David Bowie, le Velvet Underground… Si les jeunes traînent leur spleen, de soirées imbibées en joints fumés à l’arrière des voitures, c’est que leurs parents sont tout aussi paumés qu’eux : alcooliques, séparés et mal remariés, veufs ou tout simplement démissionnaires, ils ne donnent aucun espoir dans l’avenir à leurs enfants. Ce sont les années Reagan, mais pas celles des yuppies. Jesse Eisenberg (qui ne cessera jamais de nous émouvoir) et Kristen Stewart (alors tout juste échappée de Twilight ) apportent à leur personnage une grâce fragile qui sauve toute scène de la mièvrerie. Commencée à Pittsburgh, la romance se termine un jour de pluie à New York, comme dans les meilleurs Woody Allen. Jesse Eisenberg (V. F. : Donald Reignoux ; V. Q. : Hugolin Chevrette) : James Brennan Kristen Stewart (V. F. : Noémie Orphelin ; V. Q. : Annie Girard) : Emily "Em" Lewin Bill Hader (V.F. : Serge Faliu ; V. Q. : Pierre Auger) : Bobby Kristen Wiig (V. F. : Anne Massoteau ; V. Q. : Viviane Pacal) : Paulette Ryan Reynolds (V. F. : Frédéric Popovic ; V. Q. : François Godin) : Mike Connell Michael Zegen (V. Q. : Nicolas Bacon) : Eric Jack Gilpin (V. Q. : Raymond Bouchard) : M. Brennan Wendie Malick (V. Q. : Claudine Chatel) : Mme. Brennan Martin Starr (V. F. : Stéphane Fourreau ; V. Q. : Philippe Martin) : Joel Paige Howard (V. Q. : Émilie Bibeau) : Sue O'Malley Matt Bush (V. Q. : Nicolas Charbonneaux-Collombet) : Tommy Frigo Barret Hackney (V. Q. : Olivier Visentin) : Munch Margarita Levieva (V. F. : Sandra Valentin ; V. Q. : Magalie Lépine-Blondeau) : Lisa P. Josh Pais : M. Lewin Mary Birdsong (V. Q. : Marie-Andrée Corneille) : Francy C'est l'été de l'année 1987 et James Brennan, un diplômé de l'université, rêve d'aller en Europe. Malheureusement, les plans de James viennent à une halte quand ses parents ne peuvent pa ... |
![]() | GAINSBOURG vie heroique, Joann Sfar, 2010, Eric Elmosnino, Laetitia Casta (biopic)@@Du jeune Parisien arborant l’étoile de David imposée aux juifs durant l'Occupation allemande jusqu'à l'apogée de l'auteur-compositeur-interprète des années 1980, le film est une biographie fantasmagorique de Serge Gainsbourg, créateur qui défraya la chronique et laissa son empreinte dans le monde de la chanson avec de nombreuses œuvres poétiques et subversives. Il retrace la vie de Gainsbourg à travers la plupart de ses tendances artistiques, de son apprentissage de peintre jusqu'au « Gainsbarre » (et son avatar de « La Gueule » en carton/latex avec un long nez et des doigts immenses griffus) des dernières années en passant par le jazz de Saint-Germain-des-Prés et les yéyés. TELERAMA Après une première heure inventive (avec une Laetitia Casta étincelante et émouvante en Bardot), on sent ensuite un peu trop la construction, qui ressemble à une suite de sketchs… Pour interpréter Gainsbourg, Joann Sfar a engagé Éric Elmosnino, mieux que bien. Et pour son double, audacieux et maléfique – une sorte de Gainsbarre, appelé « la Gueule » –, il a choisi, échappée de son imagination de dessinateur, une marionnette vivante, aux grandes oreilles et aux ongles démesurés… Le charme du film tient à ce compagnonnage obligé : la terreur qui saisit Serge de devoir composer avec cet alter ego désiré et haï. D’autres idées surgissent dans la première heure. Toute cette fantaisie irréaliste aboutit à Bardot et à l’irruption d’une Laetitia Casta extra. Casta-Bardot, c’est l’apothéose de Gainsbourg (vie héroïque). Après les « shebam » et les « wizz », Sfar a un peu de mal à cacher ce qu’il avait dissimulé dès le début : un scénario fait de sketchs successifs. Ce que l’on aime, c’est la réunion d’un fan éperdu et de son idole. La rencontre de leurs imaginaires. Et leur déraison. Seulement, comme le chantait Gainsbourg, « Pour être à vous / faut être à moitié fou »… Sfar l’a-t-il été assez ? Du jeune Parisien arborant l’étoile de David imposée aux juifs durant l'Occupation allemande jusqu'à l'apogée de l'auteur-compositeur-interprète des années 1980, le film est une biographie fan ... |
![]() | POTICHE, François Ozon 2010, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini (comique)@@En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l'épouse popote et soumise d'un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d'une main de fer et s'avère aussi désagréable et despote avec ses ouvriers qu'avec ses enfants et sa femme, qu'il prend pour une potiche. À la suite d'une grève et d'une séquestration de son mari, Suzanne se retrouve à la direction de l'usine et se révèle à la surprise générale une femme de tête et d'action. TELERAMA Ozon renoue avec l’adaptation théâtrale au cinéma, déjà explorée dans “8 Femmes”, en s’inspirant du succès de boulevard signé Barillet et Grédy qui vit triompher Jacqueline Maillan. Cette fois, c'est Catherine Deneuve qui tient le rôle de l'épouse contrainte de remplacer son mari (Fabrice Luchini) à la tête de l'entreprise familiale. En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l'épouse popote et soumise d'un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d'une main de fer et s'avère aussi désagr ... |
![]() | FOOTLOOSE, Craig Brewer 2011, Kenny Wormald, Julianne Hough (musical)@La petite ville de Bomont est sous le joug d'une loi dure. La danse, et les musiques qui mènent au mal sont proscrites, depuis l'accident de voiture qui a emporté le fils du révérend Shaw Moore. C'est dans ce contexte que Ren McCormick, jeune homme de Chicago et danseur, débarque un jour. Essayant d'abord d'ignorer la loi, il va finalement décider de la combattre, avec ses amis Willard et Ariel, en essayant de prouver au révérend que la danse ne mène pas nécessairement à la dépravation. TELERAMA Il y a quarante ans, le film attirait les jeunes comme des mouches agitées. En France, le film connut un joli succès, frôlant le million d’entrées. Le jour de sa sortie, le quotidien France Soir titre sur deux pages : « Les jeunes spectateurs américains sont fous de Footloose », alors que l’irrésistible morceau phare occupait la tête du hit-parade américain (« So now I gotta cut loose / Footloose / Kick off the sunday shoes », voilà, vous l’avez dans la tête pour la journée). Globalement, les critiques étaient pourtant épouvantables. Pour Le Quotidien de Paris, « à mi-chemin entre Fame et Thriller, Footloose est l’exemple de la gangrène que canalisent la culture rock et ses rejetons, les clips, dans les milieux du cinéma ». Pour Télérama à l’époque, « plus gnangnan que ça, c’est pas faisable ! Plus démago, plus débile, plus bien pensant non plus […] Footloose va donc rejoindre Grease, Le Lagon bleu et Un amour infini, ces grandes énigmes du box-office américain qui allient la plus grande niaiserie au triomphe commercial ». Puis, lors d’une rediffusion télévisée, quelques années après : « Voici l’un des films les plus conservateurs que l’Amérique nous ait proposé depuis longtemps. » Ouch. Il est vrai que l’histoire de Ren McCormack, jeune rebelle arrivé de Chicago avec sa mère dans une bourgade ultra conservatrice qui interdit aux ados de danser et de lire certains livres, a de quoi faire écarquiller les yeux. Le scénario est pourtant inspiré d’un fait réel : à la fin du XIXe siècle, dans un tout petit village de l’Oklahoma, Elmore City, la danse était interdite, car synonyme, selon le pasteur local, de dépravation. Trente ans plus tard, des lycéens se rebellent contre cette loi, et parviennent à organiser un bal de fin d’année dans leur bahut. Pour Footloose, Kevin Bacon, alors âgé de 26 ans, endosse le rôle de Ren, qui entend bien réveiller la jeunesse endormie sous le joug de la religion. La Paramount avait d’abord envisagé Tom Cruise, Robe Lowe ou John Travolta, avant que Herbert Ross n’impose son acteur. Le couple vedette de Footloose fait d’ailleurs écho à celui formé par ce même Travolta et Karen Lynn Gorney dans La Fièvre du samedi soir (1977). L’inoubliable scène de l’entrepôt Si Lori Singer, dans le rôle d’Ariel, la fille rebelle du pasteur, ne fit pas vraiment carrière ensuite, Kevin Bacon, à peine connu pour avoir joué auparavant l’un des moniteurs assassinés dans Vendredi 13 (1980), accéda à une notoriété fulgurante. Il devint une véritable popstar, à son grand désarroi, puisque la dernière chose qu’il souhaitait était, justement, d’en devenir une… « À l’époque, j’avais envie d’être Dustin Hoffman, Meryl Streep, John Cazale ou Robert De Niro. De travailler avec Martin Scorsese. De jouer du Tchekhov », a-t-il confié dans le podcast Podcrushed, en septembre 2023. Malgré tout, et après une carrière impressionnante (JFK, Apollo 13, Sleepers, Mystic River…), il s’est rendu il y a quelques semaines, sans rancune, dans le lycée d’Elmore City où a été tourné Footloose. Pour célébrer les 40 ans du film, mais aussi récolter des fonds pour son œuvre de charité, SixDegrees.org – clin d’œil au jeu Six Degrees of Kevin Bacon. Si après quatre décennies, Footloose demeure aussi ringard qu’à l’époque, il n’en demeure pas moins un incontestable phénomène pop des années 1980, grâce notamment à une scène d’anthologie : celle dans laquelle Kevin Bacon, ivre de rage, danse comme un damné – il est en réalité doublé par un danseur, un cascadeur et deux gymnastes ! – dans un entrepôt, sur le titre Never, des Moving Pictures. Inoubliable. La petite ville de Bomont est sous le joug d'une loi dure. La danse, et les musiques qui mènent au mal sont proscrites, depuis l'accident de voiture qui a emporté le fils du révérend Shaw Moore. C'est dans ce con ... |
![]() | L ORDRE ET LA MORALE, Mathieu Kassovitz 2011 (histoire drame)@@En 1988, sur l'île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, des troupes militaires françaises donnent l'assaut, après l'assassinat de quatre gendarmes, à la gendarmerie, puis la prise d'otages par des indépendantistes Kanak de 27 gendarmes mobiles. TELERAMA Avril 1988. Sur l’île d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, des indépendantistes kanaks prennent en otages trente gendarmes. Le 5 mai, les forces de l’ordre donnent l’assaut. Bilan : vingt et un morts. Mathieu Kassovitz reconstitue ce bain de sang façon engrenage infernal. Le 22 avril 1988, des indépendantistes kanaks prennent en otages trente gendarmes sur l'île d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. Le 5 mai, les forces de l'ordre donnent l'assaut. Bilan : vingt et un morts. Deux soldats et dix-neuf kanaks, certains achevés ou exécutés après leur reddition... Le négociateur du GIGN Philippe Legorjus tenta d'éviter le bain de sang. Son témoignage, émouvant et amer, a inspiré Mathieu Kassovitz pour la reconstitution, façon engrenage infernal, de la tragédie. Dénonciation du néocolonialisme, rivalités fatales entre hauts gradés, manipulation de l'affaire à des fins de basse politique : rien ne manque à ce successeur des « fictions de gauche » des années 1970 - entre Boisset (en mieux) et Costa-Gavras (en moins bien). Trop de dialogues plaqués sur l'intrigue, trop de manichéisme : l'armée de terre est présentée comme un ramassis de brutes... Mais Kassovitz convainc dans les extérieurs (une marche dans la forêt tropicale à la tension extrême, une pause étonnante de calme sur une plage aux allures de paradis perdu), et surtout dans les scènes d'action - sa spécialité. Le long assaut final devient un chaos assourdissant où la représentation presque abstraite des combats (de l'ennemi, on ne voit que les balles traçantes zébrant l'écran) prend aux tripes. En 1988, sur l'île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, des troupes militaires françaises donnent l'assaut, après l'assassinat de quatre gendarmes, à la gendarmerie, puis la prise d'otages par des ind&eacu ... |
![]() | BARBARA, Christian Petzold 2012, Nina Hoss, Ronald Zehrfeld @@@En RDA, une chirurgienne-pédiatre est mutée par les autorités dans une clinique de province au milieu de nulle part. TELERAMA Tout en elle émeut, tout de suite. Sa beauté. Sa colère rentrée, sa tristesse mal dissimulée. Tout en elle intrigue, sitôt qu’elle apparaît. Barbara, chirurgienne pédiatre, débarque dans un coin paumé de l’Allemagne de l’Est, en 1980. Nommée là parce qu’elle était soupçonnée, à Berlin, de vouloir passer à l’Ouest… Avec cette femme, le réalisateur allemand Christian Petzold retrouve sa première actrice fétiche, la remarquable Nina Hoss, et raconte avec elle une époque sombre de leur pays. Dans cette Allemagne de l’Est finissante, dont Barbara est la belle captive, tous les lieux, choisis avec un sens évocateur magistral, distillent une atmosphère menaçante. Il y résonne une vacuité absurde et la peur que le moindre geste soit vu, dénoncé. Rien ne doit déranger l’ordre immobile. Tout ce que fait Barbara, dès lors, devient signe. Ses trajets à vélo. L’attention qu’elle refuse de porter à un collègue qui, lui, la regarde. Aux yeux de cet homme, Barbara devient fascinante. Comme elle l’est pour l’agent local de la Stasi. Et pour nous. Elle est le mystère d’une grâce qui persiste, d’une liberté qui résistera peut-être. Un beau suspense. En RDA, une chirurgienne-pédiatre est mutée par les autorités dans une clinique de province au milieu de nulle part. TELERAMA Tout en elle émeut, tout de suite. Sa beauté. Sa colère ren ... |
![]() | GANGSTER QUAD, Ruben Fleischer 2012, Josh Brolin, Ryan Gosling (thriller)@@Le parrain de la mafia, Mickey Cohen, dirige Los Angeles et obtient tout ce qu'il veut grâce à la protection de ses hommes de mains, mais aussi de la police et des hommes politiques sous sa coupe. Seuls deux sergents du LAPD, John O'Mara et Jerry Wooters, font tout pour réduire son emprise à néant. TELERAMA L'été dernier, après la tuerie dans le multiplexe d'Aurora qui projetait le nouveau Batman, la bande-annonce de ce Gangster Squad était vite retirée des salles : on y voyait une tuerie dans un cinéma du Chinatown de Los Angeles, en 1950. La scène a été supprimée, retournée et remplacée par l'explosion d'un camion piégé... Mais on sent toujours, dans ce film de gangsters qui rappelle L.A. Confidential (1997) ou Les Incorruptibles (1987), une envie de rendre la violence plus frappante, pour construire un personnage d'ennemi public vraiment dangereux, effrayant. Il s'appelle Mickey Cohen, il a acheté la police et les juges, tué ceux qu'il ne pouvait corrompre. Los Angeles lui appartient et il veut faire de l'Amérique son empire... C'est donc vraiment un scénario à la Batman qui se joue : face au pouvoir du Mal absolu, des justiciers d'un nouveau genre doivent intervenir, des flics avec permis de tuer comme des gangsters... Pas sûr que tout ça reflète l'histoire du véritable Mickey Cohen, joué ici par Sean Penn, avec une volonté de profondeur et d'authenticité inutile. Car le réalisateur, lui, joue plutôt sur les effets de séduction immédiate et sur le glamour du cinéma de studio, assorti aux décors rétro. La brutalité de la guerre contre le crime se coule ainsi dans des atmosphères soignées et un casting de séducteurs au milieu desquels papillonne une vamp. C'est plaisant, mais finalement presque naïf. Ce que le discours final sur les bienfaits de la loi ne cache plus du tout. À Los Angeles, en 1950, la folie sanglante et la soif de pouvoir du gangster Mickey Cohen obligent la police à créer un gang de flics aux méthodes de justiciers voyous. Joli, plaisant, mais un peu naïf aussi. Le parrain de la mafia, Mickey Cohen, dirige Los Angeles et obtient tout ce qu'il veut grâce à la protection de ses hommes de mains, mais aussi de la police et des hommes politiques sous sa coupe. Seuls deux sergents du LAPD, J ... |
![]() | STARS 80, Frédéric Forestier et Thomas Langmann 2012, Richard Anconina, Patrick Timsit, Gilbert Montagne, Lio (musical)@@@Musiciens sans talent, Vincent et Antoine se sont spécialisés dans la reprise de leurs tubes favoris. Mais à l'inverse des difficultés financières, le succès n'est guère au rendez-vous. Les deux potes ont l'idée de mettre sur pied une tournée eighties. Mais pour cela il va leur falloir convaincre les chanteurs un à un. TELERAMA Produit bien ficelé où Thomas Langmann (scénariste, réalisateur et producteur) se donne les moyens de son revival années 1980. Pas très fin, mais les chanteurs sont modestes, pleins d’autodérision, et on connaît toutes les chansons ! Tout part d’un vieux carton de 45-tours. Un soir de déprime, deux tourneurs de spectacles réécoutent les tubes de — attention à la liste — Jeanne Mas, Jean-Luc Lahaye, Lio, Desireless, Jean Schultheis, Peter & Sloane, François Feldman, Début de soirée, Images, Cookie Dingler, Sabrina et Gilbert Montagné... C’est l’éclair de génie : ils décident de monter une tournée avec tous ces « has been »... Stars 80 est un film de producteur. À savoir un produit bien ficelé où Thomas Langmann (c’est lui le producteur) se donne les moyens de sa « madeleine musicale » (il avait 16 ans au moment de Voyage, voyage) : le Stade de France et une séquence hénaurme en hommage aux Blues Brothers... On pourrait redouter l’opportunisme — le cynisme ? — de cette célébration revival, qui va, c’est couru, cartonner. Mais le film pose un regard vraiment tendre sur tous ces chanteurs, pleins de modestie, qui s’éclatent dans l’autodérision, pas toujours fine mais bon enfant. Et puis, avouons-le, on a le même carton de 45-tours à la maison ! On connaît par coeur Confidence pour confidence de Jean Schultheis (grande chanson !), on ne rechigne pas à une petite chorégraphie sur Born to be alive de Patrick Hernandez, et nos gamins se marrent grâce à C’est l’amour de Léopold Nord & Vous... On a même une petite larme à l’oeil, lorsque, dans un restau, ces anciens champions du Top 50 se rendent compte que personne ne les a oubliés. Et que celui qui n’a jamais hululé Femme libérée sous la douche nous jette la première pierre... Musiciens sans talent, Vincent et Antoine se sont spécialisés dans la reprise de leurs tubes favoris. Mais à l'inverse des difficultés financières, le succès n'est guère au rendez-vous. Les d ... |
![]() | DIE HARD BELLE JOURNEE POUR MOURIRL'inspecteur John McClane apprend que son fils, qu'il n'a pas vu depuis longtemps, s'est mis dans un sacré pétrin. Qui plus est, sur le sol russe. Accusé de meurtre, il est incarcéré dans une prison moscovite. Le sang de John ne fait qu'un tour : il endosse le costume du papa sauveur et saute dans le premier avion pour Moscou. Sitôt sur place, McClane réalise que son fils travaille en fait pour la CIA. TELERAMA: Le succès de la série reposait jusqu'ici sur la désinvolture de Bruce Willis/McClane, embarqué dans un contre-la-montre pétaradant, mais avec unité de lieu, de temps et d'action. Depuis, le film viril des années 1980-1990 s'est fait phagocyter par le thriller high-tech à la Jason Bourne. Ingénieusement, cela s'incarne dans le coup de vieux donné au père par le fils : McClane junior est un agent de la CIA, qui voit son géniteur comme un dinosaure aux méthodes de bourrin. Mais quand la technologie le lâche, le rejeton est contraint de reconsidérer son jugement. Au milieu des explosions se dessine alors, en filigrane, le traditionnel éloge de la filiation. — Jérémie Couston L'inspecteur John McClane apprend que son fils, qu'il n'a pas vu depuis longtemps, s'est mis dans un sacré pétrin. Qui plus est, sur le sol russe. Accusé de meurtre, il est incarcéré dans une prison moscov ... |
![]() | EVASION, Sylvester Stallone, Arnold Scharzeneger (policier)@@Ray Breslin est un ingénieur spécialisé dans la conception de prisons ultrasécurisées. Il teste lui-même l'efficacité de ses bâtiments en se faisant enfermer puis en s'évadant. Contacté par une société privée souhaitant tester un concept révolutionnaire de prison hi-tech, il se retrouve prisonnier. TELERAMA Vingt-cinq ans après le nanar Haute Sécurité, Stallone retourne en taule. Et se fait la belle d'un pénitencier dernier cri, en compagnie d'Arnold. Mikael Håfström, qui s'en remet à la présence massive de ces deux « corps » du cinéma d'action des années 1980-1990, bâcle son scénario et néglige les personnages secondaires. Aucun intérêt, sauf, à la rigueur, si l'on considère le film comme une métaphore de la carrière des deux acteurs. Au milieu des années 2000, on les croyait à fond de cale, ringardisés, perdus dans les limbes : ils sont bel et bien sortis du cachot — le « I'll be back » de Terminator n'était pas une promesse en l'air —, comme en témoigne, depuis 2010, le succès de la franchise Expendables. — Nicolas Didier Ray Breslin est un ingénieur spécialisé dans la conception de prisons ultrasécurisées. Il teste lui-même l'efficacité de ses bâtiments en se faisant enfermer puis en s'évadant. Co ... |
![]() | JEUNE ET JOLIE Francois Ozon 2013Durant l'été, alors qu'elle est en vacances au bord de la mer, Isabelle fête ses 17 ans en famille, en présence aussi de la famille de Peter, un proche de ses parents, dont on apprendra plus tard qu'il est l'amant de sa mère. Elle perd sa virginité avec un jeune Allemand, Félix. À son retour à Paris, où elle retrouve le chemin du lycée, elle se livre volontairement et secrètement à la prostitution sous le pseudonyme de Lea. TELERAMA Une lycéenne se prostitue. Ce sujet de société, François Ozon le traite très peu comme tel. Les explications affleurent puis se dissipent. L'héroïne n'a pas besoin d'argent. Si ses parents sont divorcés, elle se sait aimée et protégée. Pour cette petite « belle de jour » contemporaine, coucher avec des hommes dans le cadre de rendez-vous monnayés est peut-être une manière de retoucher l'image d'une première étreinte sexuelle tout sauf concluante... La question du plaisir, ou plutôt de son absence, plane ainsi, constamment. Jeune, jolie et frigide ? Cette hypothèse est la vraie transgression du film, par ailleurs dénué de scènes chocs et de provoc, mais pas de délicatesse. Les quatre titres de Françoise Hardy des années 1960 et 1970, bouffées sentimentales qui émaillent le récit, sont davantage qu'une ponctuation. Le mélange de jeunesse contemporaine et de chansons d'hier crée une drôle de temporalité : un présent déjà au passé. Le défilement rapide et marqué des saisons — tout se déroule en une seule année — ajoute à cette impression de fugacité. D'autant que le cinéma de François Ozon est de plus en plus fluide et élégant, surface presque lisse mais effet tenace. Voir ce superbe mouvement de caméra final, autour de l'héroïne, d'un miroir à l'axe d'une fenêtre : une manière de dire qu'il y a un temps pour se regarder soi et un temps pour regarder vers les autres. — Louis Guichard Durant l'été, alors qu'elle est en vacances au bord de la mer, Isabelle fête ses 17 ans en famille, en présence aussi de la famille de Peter, un proche de ses parents, dont on apprendra plus tard qu'il est l'amant ... |
![]() | POUR UNE FEMME, Diane Kurys 2013, Benoit Magimel, Nicolas Devauchelle, Melanie Thierry (drame sentimental)@Dans les années 1980, au lendemain de la mort de Léna, sa mère, Anne découvre dans une de ses valises une photo qui la bouleverse. Celle-ci révèle l'existence d'un oncle, frère de Michel, son père, dont ce dernier n'a jamais parlé. TELERAMA Elle a puisé dans sa famille la matière de ses réussites : Diabolo menthe (1977) et Coup de foudre (1983). Ici, Diane Kurys déplace son regard : depuis toujours fascinée par sa mère, elle donne ici l'avantage au père. Qui était, lui, tout entier dans la fascination de sa femme ! C'est dire que rien ne change profondément... A travers ce couple né en pleine guerre, la cinéaste décrit l'amour difficile entre ses parents. Tout ce qui touche aux sentiments sonne juste. Dès qu'il reflète le contexte historique, le film devient assez banal. Si un charme persiste, c'est grâce à Mélanie Thierry, dont la présence n'a jamais été si belle, si forte. — Frédéric Strauss Dans les années 1980, au lendemain de la mort de Léna, sa mère, Anne découvre dans une de ses valises une photo qui la bouleverse. Celle-ci révèle l'existence d'un oncle, frère de Michel, son ... |
![]() | RUSH, Ron Howard, Chris Hemsworth, Daniel Bruhl, Olivia Wilde, Alexandra Maria Lara (bio sport)@@Au début des années 1970, sur les circuits de Formule 3, James Hunt pilote une Lotus nerveuse et vit comme si chaque jour était le dernier. Un jour, sur le circuit de Cristal Palace, il se frotte à l'Autrichien Niki Lauda. Hunt et Lauda dominent nettement leurs concurrents et les deux pilotes se lancent dans un âpre duel duquel James Hunt sort vainqueur. Bientôt, l'ambitieux Niki Lauda intègre une écurie de Formule 1. TELERAMA Rush est un biopic sportif avec toutes les conventions, voire tous les clichés du genre. Mais avec un sens du spectacle qui fait la différence. Montage syncopé, images des bolides au plus près des carrosseries, bande-son vrombissante… Ça dépote ! Le faiseur hollywoodien Ron Howard, plus inspiré que d’habitude, admire la volonté surhumaine de Lauda. Mais on ressent davantage encore sa fascination pour le fantasque Hunt. Le pilote au look de rock star est l’incarnation flamboyante des années 1970, dont l’énergie et la démesure sont ressuscitées avec un luxe de détails impressionnant. Au début des années 1970, sur les circuits de Formule 3, James Hunt pilote une Lotus nerveuse et vit comme si chaque jour était le dernier. Un jour, sur le circuit de Cristal Palace, il se frotte à l'Autrichien N ... |
![]() | SNOWPIERCER Le Transperce neige, Bong Joon-ho 2013 (catastrophe)@@À la suite d'une tentative ratée d'une entreprise de géo-ingénierie pour contrebalancer le réchauffement climatique en 2014, par envoi d'un gaz dans l'atmosphère, une glaciation de toute la planète extermine la vie sur terre, ainsi que presque toute l'humanité. Les survivants vivent désormais tous dans un train lancé à vive allure, Le Transperceneige, dirigé par Wilford, le créateur de celui-ci qui réside dans le wagon de tête. TELERAMA La survie de l'humanité se joue à bord d'un train infernal. Dans la famille des blockbusters post-apocalyptiques, voici le plus givré et le plus Rail et cinéma, c'est une vieille histoire. On raconte que la première projection, en 1895, du film des frères Lumière L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat provoqua la panique : les spectateurs crurent que le train allait les écraser. Comment auraient-ils réagi face aux images du Transperceneige, le train qui, justement, ne peut pas, ne doit pas s'arrêter, et tourne autour de la Terre sans jamais ralentir dans les gares ? Cette idée de grande ligne sans départ ni arrivée, née d'une bande dessinée française des années 1980 (1) , le cinéaste coréen Bong Joon-ho en capte toute la poésie anxiogène. Comme dans l'histoire originale, le Transperceneige est un refuge pour les derniers survivants de l'humanité : un traitement contre le réchauffement climatique a provoqué une nouvelle ère glaciaire (oups !), dix-sept ans plus tôt, en 2014. Le train, qui produit de l'eau et de l'énergie en avalant de la neige par l'avant, est donc une arche de Noé, où subsistent quelques espèces animales et végétales à l'abri du froid mortel. A l'arrière, ambiance « radeau de la Méduse » : surpopulation, crasse et famine. On mange parfois son bras ou son voisin quand les rations de cafards en gelée viennent à manquer. A l'avant, les riches, le bar à sushis, la serre, le spa... Et dans la voiture de tête, le concepteur du train, entre chef d'Etat, capitaine Nemo et dieu vivant. Evidente, voire appuyée est l'allégorie de la société, compartimentée entre pauvres et riches, fondée sur l'exploitation des uns par les autres. Elle n'en est pas moins glaçante en ces temps de disparités vertigineuses. A fortiori lorsqu'il s'agit d'une poignée d'insurgés, déterminés, tels des émigrants mal embarqués, à s'extirper de leur misère, et donc à remonter le train en défiant l'ordre policier. C'est dans leur sillage que le récit progresse, des wagons insalubres vers la locomotive sécurisée. Jamais, pourtant, le discours explicite n'affaiblit les visions que cette situation imaginaire engendre. L'extérieur du train, domaine des effets spéciaux numériques, est une succession sans fin de villes gelées. Une fois par an, les passagers aperçoivent les silhouettes alignées des rares qui ont tenté de s'évader, transformés en bonhommes de neige à deux pas de la voie ferrée. L'intérieur est un chef-d'oeuvre de décor de cinéma, chaque nouvelle voiture traversée par les rebelles réservant sa part d'enfer grotesque ou de féerie saugrenue, du wagon-aquarium au night-club fin de siècle. Bong Joon-ho est un drôle de zèbre, expert en mélange de registres et de genres. Il y avait un monstre aquatique dégoûtant, déjà issu d'une aberration écologique, dans son film le plus connu, la fable politique The Host. Il y avait de la pantalonnade dans le polar qui l'a révélé, Memories of murder, et de l'angoisse dans sa comédie de la filiation déréglée, Mother. Avec Snowpiercer, il exerce tous ses talents à la fois, farce et action constamment mêlées. Et il fait du train une tour de Babel pour acteurs, de ses interprètes coréens fétiches au jeune premier hollywoodien Chris Evans (Captain America, Avengers), dont on croirait voir le visage pour la première fois. En passant par l'Anglaise Tilda Swinton, anthologique en garde-chiourme prêcheur et veule, tarte et insensible. De tous les blockbusters post-apocalyptiques sortis cette année (After earth, World War Z, Elysium...), Snowpiercer est le plus inspiré. Sa science-fiction imprégnée de l'air du temps laisse de la place pour d'autres significations, d'autres lectures, plus intemporelles. Car ce train sans destination, cette machine folle qu'on ne peut arrêter, voilà une belle métaphore de nombre d'activités humaines ne tenant que par la fuite en avant. C'est pourquoi la scène tardive, montrant le leader de la rébellion parvenu en tête du train, au coeur de la machine, est tellement saisissante : il se croit au calme et il en pleure, alors qu'il est seulement dans l'oeil du cyclone. À la suite d'une tentative ratée d'une entreprise de géo-ingénierie pour contrebalancer le réchauffement climatique en 2014, par envoi d'un gaz dans l'atmosphère, une glaciation de toute la plan&egr ... |
![]() | LA LOI, Christian Faure 2014, Emmanuelle Devos, Lorant Deutch (histoire bio)@@Ce 29 novembre 1974. L'Assemblée nationale adopte la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Derrière ce texte qui divise, une femme, Simone Veil, seule face à sa majorité. Retour sur les débats qui ont précédé le vote, période durant laquelle rien ne lui sera épargné : solitude, injures, tractations politiques. TELERAMA En 1974, lors du débat sur la loi lagalisant l’IVG, Simone Veil fait face à la violence que suscite son projet. Emmanuelle Devos convainc même si la mécanique narrative reste un rigide. Le 26 novembre 1974, Simone Veil, ministre de la Santé, est à la tribune de l'Assemblée nationale pour défendre son projet de loi légalisant l'avortement. Face à une assemblée d'hommes, elle s'apprête à rappeler l'injustice dont sont victimes les trois cent mille Françaises qui avortent chaque année dans la clandestinité, risquant la mutilation et la mort. Ce téléfilm raconte avec précision les trois jours et deux nuits de débats qui ont donné la mesure des dissonances au sein de la société française, tiraillée entre désir d'émancipation et réflexes archaïques. Au-delà du courage, souvent salué, de Simone Veil, il met en lumière l'habileté qui lui a permis d'emporter la bataille, en plaçant le débat sur le terrain de la santé publique et de l'ordre social plutôt que sur celui, plus risqué, de la lutte féministe. La stratégie politique ainsi décryptée est passionnante, mais on ne peut pas dire pour autant que la fiction se soit aisément faufilée dans les interstices de l'Histoire. L'incarnation d'Emmanuelle Devos convainc mais, pour des questions de respect de la vie privée, ne s'autorise que de très discrets glissements intimistes. Et l'intrigue parallèle, tissée autour d'une jeune journaliste, personnage « prétexte » chargé d'enquêter sur la réalité de l'avortement clandestin, sent trop l'artifice à visée pédagogique. Le 29 novembre 1974, l'Assemblée française adopte la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Derrière ce texte se tient une femme, Simone Veil, seule contre sa majorité. Trois jours de débats précèdent le vote. Durant ces longues heures, la ministre de la Santé, nouvelle venue en politique, doit se défendre devant un Parlement presque exclusivement composé d'hommes. Ce projet, loin de faire l'unanimité, suscite la violence, jusqu'aux relents antisémites. Tractations politiques, injures et agressions accompagnent les débats, à l'intérieur et à l'extérieur de l'arène politique. Consciente d'avoir entre ses mains l'avenir de centaines de femmes, Simone Veil fait face, avec force et dignité... Ce 29 novembre 1974. L'Assemblée nationale adopte la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Derrière ce texte qui divise, une femme, Simone Veil, seule face à sa majorité. Retour sur les d& ... |
![]() | THE GAMBLER (le flambeur), Karel Reisz 2014, Mark Wahlberg, Jessica Lange, Brie Larson (societe)@@Jim Benett est un professeur de littérature qui mène une vie secrète de joueur. Il finit par devoir 200 000 dollars à Lee, le propriétaire d'un cercle de jeu clandestin exclusif à enjeux élevés, et 50 000 dollars supplémentaires à Neville Baraka, un usurier. Lee donne à Jim sept jours pour payer ses dettes ou être assassiné. TELERAMA C'est un honorable remake du Flambeur (1974), de Karel Reisz, inédit dans les salles françaises, où Mark Wahlberg remplace James Caan dans le rôle-titre. Visage émacié, l'air malade, le comédien a perdu trente kilos pour incarner ce prof de littérature qui enseigne Camus à l'université (le jour) et joue compulsivement (la nuit), pris dans les griffes d'usuriers plus ou moins philosophes (John Goodman, fascinant). Avec un style sophistiqué, voire tape-à-l'oeil, Rupert Wyatt (La Planète des singes : les origines) décrit à la fois une sorte de bien-être et d'abîme existentiel, quand son héros double plusieurs fois la mise au black- jack avant de tout perdre. Il brosse le portrait d'un masochiste autodestructeur, qui veut totalement réussir ou totalement échouer. Chez Reisz, le joueur cherchait à rendre possible l'impossible, à faire que « deux plus deux fasse cinq » par la seule force de sa volonté. Le héros de Rupert Wyatt flambe pour dilapider l'héritage de sa riche famille et s'en émanciper, ce qui préserve une certaine ambiguïté. Les scènes de jeu sont vraiment réussies, grisantes à souhait. En particulier le coup de roulette qui conditionne l'issue du film, en la résumant astucieusement à une affaire de probabilités. Rouge ou noir, happy end ou non : une chance sur deux. — Nicolas Didier Jim Benett est un professeur de littérature qui mène une vie secrète de joueur. Il finit par devoir 200 000 dollars à Lee, le propriétaire d'un cercle de jeu clandestin exclusif à enjeux élev ... |
![]() | BIS, Dominique Farrugia, Kad Merad, Franck Dubosc (comique)@Éric et Patrice sont amis depuis le lycée. Au fil des années, chacun a pris un chemin très différent. D'un côté Éric, hédoniste sans attaches aux multiples conquêtes, et de l'autre, Patrice, père de famille monogame à la vie bien rangée. Après une soirée bien arrosée, les deux amis d'enfance se retrouvent propulsés en 1986 alors qu'ils n'ont que 17 ans. Ce retour dans le passé est l'occasion rêvée pour tenter de changer le cours de leur vie. Que vont-ils faire de cette seconde chance ? TELERAMA Deux potes quinquas tombent un soir de cuite et se réveillent en 1986, à la veille des résultats du bac... Une comédie revival un peu trop sage. Deux potes de 50 ans aux CV bien différents, mais au taux d’alcoolémie identique ce soir-là, tombent dans l’escalier de la cave et se retrouvent en 1986, à la veille de leurs résultats du bac. Et s’ils en profitaient pour refaire (et même échanger) leurs vies ? Bon d’accord, on a déjà vu ça quelque part, et en mieux, du côté de chez Noémie Lvovsky (Camille redouble), mais Farrugia ne s’en sort pas si mal. Le film commence en franche comédie et les détails d’époque font mouche : vestes en jean pleines de badges, marques de bonbons et de boissons disparues, bandanas… On se régale quand les deux compères ados tentent de faire du fric en proposant, trente ans avant, le scénario d’un blockbuster français à une société de production ou lorsqu’ils passent une audition chez Eddie Barclay avec un futur tube des Dix Commandements… Puis la raison reprend le dessus — nos vies sont déjà écrites, inutile de lutter, il suffit de les améliorer. Le retour en 2015 des deux copains est, certes, tendre, mais nettement plus plan-plan. Si on nous avait dit qu’un jour on trouverait Dominique Farrugia un peu trop sage… Éric et Patrice sont amis depuis le lycée. Au fil des années, chacun a pris un chemin très différent. D'un côté Éric, hédoniste sans attaches aux multiples conquêtes, et de ... |
![]() | CREED, l heritage de Rocky BalboaAprès quelques victoires faciles sur le ring de boxe, Adonis, fils du grand champion Apollo Creed, tente de se tailler une place parmi les professionnels. Il quitte Los Angeles et se rend à Philadelphie pour rencontrer Rocky Balboa, vieux rival et ami de son père. TELERAMA Racontée dans le tout premier Rocky (1976) et jusqu’à Rocky IV (1985), cette histoire trouve ainsi un héritier, Adonis Creed. Les clins d’œil et les références aux épisodes précédents sont partout, jusque dans la manière de filmer Philadelphie, et par-dessus tout dans la présence de Sylvester Stallone. Cabotin en diable mais convaincant, l’acteur soigne sa légende avec un mélange de déclin physique et de sagesse charismatique. En haut de l’affiche, le jeune Michael B. Jordan retrouve le réalisateur de Fruitvale Station (2013). Ce duo issu du cinéma indépendant donne à l’univers de Rocky un ancrage plus réaliste, une authenticité d’origine. Après quelques victoires faciles sur le ring de boxe, Adonis, fils du grand champion Apollo Creed, tente de se tailler une place parmi les professionnels. Il quitte Los Angeles et se rend à Philadelphie pour rencontrer Rocky B ... |
![]() | LE NOUVEAU STAGIAIRE, Nancy Meyers, Robert De Niro, Anne HathawayBen Whittaker, un veuf de 70 ans s'aperçoit que la retraite ne correspond pas vraiment à l'idée qu'il s'en faisait. Dès que l'occasion se présente de reprendre du service, il accepte un poste de stagiaire sur un site Internet de mode, créé et dirigé par Jules Ostin. Ben Whittaker, un veuf de 70 ans s'aperçoit que la retraite ne correspond pas vraiment à l'idée qu'il s'en faisait. Dès que l'occasion se présente de reprendre du service, il accepte un poste de stagiaire ... |
![]() | MAD MAX fury road, George Miller 2015, Charlize Theron, Tom Hardy (science fiction fantastique)@@Hanté par un lourd passé, Mad Max estime que le meilleur moyen de survivre est de rester seul. Cependant, il se retrouve embarqué par une bande qui parcourt la Désolation à bord d'un véhicule militaire piloté par l'Imperator Furiosa. Ils fuient la Citadelle où sévit le terrible Immortan Joe qui s'est fait voler un objet irremplaçable. Enragé, ce Seigneur de guerre envoie ses hommes pour traquer les rebelles impitoyablement. TELERAMA Trente ans après, le cow-boy motorisé reprend la route sous les traits de Tom Hardy dans un blockbuster à l’imaginaire débridé. Mel Gibson en cuir, Tina Turner en furie…, la trilogie Mad Max, achevée en 1985, avait laissé des images hautes en couleur. Réinventé par son créateur, l’univers des guerriers motorisés se tourne vers une fantaisie où Mad Max (désormais incarné par Tom Hardy) devient le chevalier servant d’une camionneuse nommée Imperator Furiosa, qui veille sur de jeunes beautés dans un monde apocalyptique où des affreux les poursuivent sur de monstrueux engins… Tout au long de cette course-poursuite effrénée, les mots échangés comptent peu. Le seul langage, c’est l’image. Le désert et, dans cette immensité, des gros plans de gueules de toutes sortes — masques carnavalesques ou peaux parcheminées de vieilles dames venant soutenir l’équipe des femmes au sein de laquelle Mad Max trouve sa place avec une virilité douce, assez nouvelle. Le spectacle est un cocktail : du western à Lawrence d’Arabie, du Duel de Spielberg aux héroïnes d’Enki Bilal, dont Charlize Theron a l’apparence, les meilleures comparaisons viennent à l’esprit. Ce cinéma amoureux de tous les imaginaires est celui d’une créativité tous azimuts, saluée par six Oscars (notamment pour les décors, le maquillage-coiffure et les costumes). Un vrai trip, halluciné, mais qui tient la route. Hanté par un lourd passé, Mad Max estime que le meilleur moyen de survivre est de rester seul. Cependant, il se retrouve embarqué par une bande qui parcourt la Désolation à bord d'un véhicule milita ... |
![]() | DALIDA, Lisa Azuelos 2016, Sveva Alviti, Riccardo Scamarcio (musical bio)@@De sa naissance au Caire en 1933 à son premier Olympia en 1956, de son mariage avec Lucien Morisse, patron de la jeune radio Europe 1, aux soirées disco, de ses voyages initiatiques en Inde au succès mondial de Gigi l'Amoroso en 1974, le film Dalida est le portrait intime d'une femme absolue, complexe et solaire. Elle était une femme moderne à une époque qui l'était moins. Malgré son suicide en 1987, Dalida continue à rayonner avec sa présence éternelle. TELERAMA La vision de la bande-annonce de ce biopic de la chanteuse aux deux mille chansons faisait très peur. La réplique « c'est mon poublic qui m'a faite » semblait assez ridicule. Et le premier quart d'heure du film semble confirmer ces inquiétudes : les débuts de Dalida, repérée par Bruno Coquatrix et Lucien Morisse, directeur des programmes d'Europe 1, sont platement reconstitués, gâchés, qui plus est, par un play-back très approximatif. On mise peu sur la belle Sveva Alviti, mannequin italien visiblement choisi pour sa ressemblance relative avec l'interprète d'Il venait d'avoir 18 ans. Et puis, surprise : même si elle obéit aux lois du genre (toute une vie hachée menu en deux heures), Lisa Azuelos nous happe, peu à peu, en assumant pleinement la tragédie, le mélo au féminin éclaboussé par les lumières de la rampe. Car on avait oublié combien l'existence de Iolanda Gigliotti fut un paradis public et un enfer sentimental, avec les suicides successifs de tous les hommes de sa vie. Seul Orlando (subtil Riccardo Scamarcio), son frère, son ombre, fut là, encore et toujours. Au gré des concerts, de mieux en mieux filmés — la crinière et le lamé dorés de Dalida irradient comme au bon vieux temps de Maritie et Gilbert Carpentier —, et alors que le sort s'acharne, la réalisatrice fait saillir la solitude et la malédiction d'une star planétaire. Difficile de situer l'instant exact du basculement, mais Sveva Alviti est devenue Dalida. Et ses lèvres collent maintenant si bien au play-back que son interprétation de Je suis malade est le plus beau moment du film. De sa naissance au Caire en 1933 à son premier Olympia en 1956, de son mariage avec Lucien Morisse, patron de la jeune radio Europe 1, aux soirées disco, de ses voyages initiatiques en Inde au succès mondial de Gigi l'A ... |
![]() | DEEPWATER, Peter Berg 2016 (catastrophe)@@La plateforme pétrolière Deepwater Horizon n'arrête pas de tourner pour tirer profit des 800 millions de litres de pétrole présents dans les profondeurs du golfe du Mexique. Mike Williams connaît les risques de son métier, mais fait confiance au professionnalisme de son patron Jimmy Harrell. TELERAMA: Après Du sang et des larmes (2013), où il dénonçait avec force les ratés de l’armée américaine en Afghanistan, Peter Berg s’empare à nouveau de l’histoire récente de son pays. La catastrophe maritime, il la raconte à partir d’un article du New York Times. Et il en résume, pour les profanes, les enjeux techniques dans une remarquable scène d’ouverture, façon C’est pas sorcier : avec une canette de Coca, une paille métallique et du miel… Ce qui intéresse le cinéaste n’est pas la destruction à tout-va, mais son impact sur l’homme ; sa conscience sociale, héritée du cinéma des années 1970, force l’admiration. Il décrit d’abord, dans un style hyperréaliste, une bureaucratie kafkaïenne, puis l’emballement d’une machine infernale. Ce qu’il fustige, surtout, c’est l’orgueil de décideurs assis sur un volcan (John Malkovich en responsable de la société BP), qui choisiront toujours le profit avant la sécurité. À l’instar du train de Snowpiercer, le Transperceneige, de Bong Joon-ho (2013), la plate-forme devient une allégorie fulgurante d’un capitalisme qui marche sur la tête. La plateforme pétrolière Deepwater Horizon n'arrête pas de tourner pour tirer profit des 800 millions de litres de pétrole présents dans les profondeurs du golfe du Mexique. Mike Williams connaît les ... |
![]() | JULIETA, Pedro Almodovar 2016, Emma Suarez, Adriana Ugarte (societe)@@Valeria (Ana Valeria Becerril), 17 ans, est enceinte . Il vit à Puerto Vallarta , avec Clara (Joanna Larequi), sa demi-sœur , qui est calme et vit avec dépression et surpoids. Elle ne veut pas que sa mère, Abril (Emma Suárez), absente depuis longtemps, soit au courant de sa grossesse mais, en raison de contraintes financières et de l'écrasante responsabilité d'avoir un bébé à la maison, Clara décide d'appeler sa mère. April arrive avec un grand désir de voir ses filles, mais on découvre vite pourquoi Valeria ne voulait pas entrer en contact avec elle. C'est "l'histoire d'une femme adulte qui refuse de se sentir 'dépassée' par ses propres filles en termes générationnels, sans se rendre compte qu'elle a déjà été laissée pour compte dans des aspects plus importants, comme les aspects émotionnels et psychologiques, entre autres" TELERAMA Julieta, la cinquantaine, et son compagnon s’apprêtent à quitter Madrid pour le Portugal. Mais quelqu’un, dans la rue, parle à Julieta de sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis des années… Almodóvar atteint toute l’intensité romanesque dont il est capable, avec cette histoire gigogne brouillant les époques, un peu comme une fuite en avant dans le passé. Le train, théâtre au début d’une disparition bouleversante, puis décor récurrent, est aussi la métaphore du vrai sujet de Julieta : le passage du temps, la fugacité des liens, l’évanescence des êtres, qui apparaissent puis s’éclipsent de nos vies, parfois sans un mot. À cette gravité, le maître espagnol donne une traduction étrangement séduisante. Pour évoquer les années 1980 et la prime jeunesse de l’héroïne, il ressuscite la merveilleuse débauche chromatique de sa période Movida. Quand elle devient une autre femme, transformée par le chagrin et les remords, il passe avec brio d’une actrice à une autre dans la même scène, qui rappelle les métamorphoses de Tippi Hedren dans Pas de printemps pour Marnie. Quant à la maison de pêcheur qui abritera le mariage de Julieta, c’est d’emblée une image mentale, aussi attirante qu’annonciatrice de naufrages… Jusqu’à sa conclusion abrupte, qui suggère une transmission de la culpabilité, le film fascine par cette alchimie entre la noirceur désenchantée du fond et l’éclat rédempteur de la forme. Valeria (Ana Valeria Becerril), 17 ans, est enceinte . Il vit à Puerto Vallarta , avec Clara (Joanna Larequi), sa demi-sœur , qui est calme et vit avec dépression et surpoids. Elle ne veut pas que sa mère, Abril ( ... |
![]() | BARRY SEAL AMERICAN TRAFFIC, Doug Liman 2017, Tom Cruise, Sarah WrightInspiré d'une histoire vraie, ce film raconte l'histoire d'un pilote recruté par la CIA pour mener à bien l'une des plus grosses opérations secrètes de l'histoire des États-Unis : lutter contre la propagation du communisme en Amérique Centrale. Sous secret, il va travailler pour un cartel en tant que passeur d'armes et de drogues. TELERAMA: Tom Cruise veut plaire à tout prix… Il traverse avec le sourire sympa d’un aventurier foufou ce film où il interprète le pilote américain Barry Seal (1939-1986), qui travailla à la fois pour la CIA et le cartel de Medellín. Ce risque-tout amassait des millions de dollars en transportant de la drogue vers les États-Unis et des armes pour les contras du Nicaragua (soutenus par Ronald Reagan pour battre les sandinistes communistes). Une histoire étonnante, mais aussi franchement saumâtre. La gaieté forcée du film, et de sa star, gomme toute aspérité, notamment politique, et rend le personnage inconsistant. Inspiré d'une histoire vraie, ce film raconte l'histoire d'un pilote recruté par la CIA pour mener à bien l'une des plus grosses opérations secrètes de l'histoire des États-Unis : lutter contre la p ... |
![]() | BORG McENROE, Janus Metz Pedersen 2017, Shia LaBeouf, Sverrir Gudnason, Stellan Skarsgård (sport)@@Un film sur une des plus grandes icônes du monde, Björn Borg, et son principal rival, le jeune et talentueux John McEnroe, ainsi que sur leur duel légendaire durant le tournoi de Wimbledon de 1980. C'est l'histoire de 2 hommes qui ont changé la face du tennis et sont entrés dans la légende, mais aussi du prix qu'ils ont eu à payer. TELERAMA Finale de Wimbledon en 1980. La mise en scène des matchs de tennis est, hélas, le point faible de ce biopic solidement interprété. Par le niveau exceptionnel des échanges et, surtout, par son intensité dramatique, la finale de Wimbledon en 1980 entre Björn Borg et John McEnroe est considérée comme l’un des plus beaux matchs de l’histoire du tennis. La rencontre mythique, censée être l’apothéose de ce biopic, est malheureusement mise en scène comme un combat de boxe, avec des effets clippesques de très mauvais goût. Le film convainc davantage quand il sort du court, et s’immisce dans la vie familiale tourmentée des deux légendes. On découvre que Borg (très bien interprété par l’Islandais Sverrir Gudnason, sosie troublant du champion suédois) cachait sous son apparence glaciale un tempérament volcanique. Et si Shia LaBeouf ne ressemble pas du tout à McEnroe, il restitue parfaitement le côté chien fou du génial gaucher, aussi énervant qu’attachant. Un film sur une des plus grandes icônes du monde, Björn Borg, et son principal rival, le jeune et talentueux John McEnroe, ainsi que sur leur duel légendaire durant le tournoi de Wimbledon de 1980. C'est l'histoire de 2 ho ... |
![]() | BRAQUAGE A L ANCIENNE@@Se retrouvant sur la paille, trois retraités s'improvisent braqueurs. Pour Willie, Joe et Al, trois amis octogénaires, la retraite, c'est du passé. Quand ils apprennent que leurs pensions sont parties en fumée, ils décident de passer à l'action. Bousculant tous leurs principes, ils tentent l'impensable: braquer la banque qui a englouti toutes leurs économies. TELERAMA: Dans ce remake d'un film de 1979 avec Lee Strasberg, l'Amérique ressemble à l'Angleterre de Ken Loach : comme si Daniel Blake reprenait du poil de la bête en commettant un hold-up avec deux copains dans la même mouise que lui. Le grand âge apporte un décalage savoureux aux préparatifs des braqueurs néophytes et aux scènes d'action, dont une fuite en caddie de supermarché... Le sel de cette comédie sociale vient aussi de ses dialogues qui stigmatisent une Amérique de plus en plus ingrate avec sa classe ouvrière. Une délicieuse association de malfaiteurs. — Guillemette Odicino Se retrouvant sur la paille, trois retraités s'improvisent braqueurs. Pour Willie, Joe et Al, trois amis octogénaires, la retraite, c'est du passé. Quand ils apprennent que leurs pensions sont parties en fumée, i ... |
![]() | DIRTY DANCING 2017, Wayne Blair 2017, Abigail Breslin, Colt Prattes (musical)@Été 1963, Baby, fille d'une riche famille américaine, passe ses vacances avec ses parents et sa soeur dans la région des montagnes Catskill dans l'État de New York, à la pension de la famille Kellerman. Elle se trouve mêlée à la vie des employés de la pension et se trouve confrontée à un monde qui lui est complètement étranger, celui de la danse. Quelle idée de vouloir reprendre un film aussi culte, celui-ci ne vous fera pas du tout rêver. Il n'y a que les parents que j'ai trouvé crédibles ainsi que Penny. Véritable petite poupée, la soeur aurait mieux collé au personnage de bébé. A croire qu'il fallait lancer la fille d'un copain car l'actrice principale est raide, sans grâce et sans charisme engoncée dans son embonpoint, à la démarche aussi légère qu'un éléphant. Johnny ne bouge guère plus, il se contente de prendre la pose pour accompagner sa partenaire, bref nous sommes très loin du sex-appeal du regretté Patrick Swayze. Le film est fade, les dialogues sont creux, aucune émotion. Vous ne raterez rien de ne pas voir cette caricature grotesque. TELERAMA Elle est innocente, il danse bien. L’éternel éveil à la sexualité, raconté avec les pires coupes de cheveux du cinéma. Bilan : un film cult, La romance musicale la plus moite des années 1980 — ou bien était-ce Flashdance ? — ressort en salles cette semaine. Surprise, Dirty Dancing, d’un certain Emile Ardolino, qui narre les amours de Patrick Swayze (Johnny) et de Jennifer Grey (« Bébé »), est plus populaire que jamais. Ou comment une bluette archi datée — voir la coupe banane-nuque-longue de Johnny, ou la tignasse façon caniche affolé de sa partenaire — a bénéficié de cette évolution quasi darwinienne qui, de temps en temps, peut transformer n’importe quoi en film dit « culte ». N’importe quoi, vraiment ? Rappelons qu’à la base il s’agit d’une gentille fille qui rencontre un (pas si) mauvais garçon pendant les vacances, hop ! il lui apprend à danser, hop ! ils s’aiment. Pas de quoi fouetter un chorégraphe, et pourtant... On ne compte plus, par exemple, les ventes et les reprises (Black Eyed Peas en tête) de l’immortel tube du film (tous en chœur : « I’ve had... the time of my liiiiife ! »). Au cinéma, avec ses scènes de danse romantico-torrides, Dirty Dancing est peu à peu devenu la référence qui fait craquer les filles. Ce n’est plus un film, c’est une technique de drague, utilisée entre autres par Romain Duris dans L’Arnacœur ou par Ryan Gosling dans Crazy Stupid Love. C’est que, derrière la façade kitsch ou la nostalgie des années 1980, se cache un universel récit d’initiation. Mais si : Dirty Dancing (ou, selon le titre évocateur choisi au Québec, Danse lascive) raconte rien de moins que l’éveil du corps à la sexualité. (Cécile Mury) Été 1963, Baby, fille d'une riche famille américaine, passe ses vacances avec ses parents et sa soeur dans la région des montagnes Catskill dans l'État de New York, à la pension de la famille Keller ... |
![]() | KONG SKULL ISLAND, Jordan Vogt-Roberts 2017 (fantastique)@En 1973, Bill Randa monte tant bien que mal une équipe d'explorateurs pour se rendre sur une île reculée de l'océan Pacifique, surnommée Skull Island (l'île du crâne) découverte grâce au programme Landsat. Cependant, personne ne sait que l'île en question est le repère du légendaire King Kong. TELERAMA Les membres d’une expédition doivent affronter le maître respecté d’une île, un énorme singe, et des créatures étranges. Sans forcément d’originalité, ce nouveau remake décérébré de King Kong divertit. Pourquoi Hollywood revient-il, pour la énième fois depuis le classique de 1933, titiller Kong sur son île du Pacifique ? Pour recruter le gorille au rayon « monstres géants », après Godzilla, de Gareth Edwards (2014), et lui faire combattre le lézard en 2020, si tout va bien. Pas étonnant, donc, de voir le singe s’échauffer contre une gigantesque pieuvre devant les explorateurs. Comme le suggère la scène d’ouverture (l’affrontement entre un GI et un soldat nippon), Kong : Skull Island est la fusion improbable du film de kaijū, de la série B hollywoodienne et du roman d’aventures. C’est à la fois divertissant et totalement décérébré. En 1973, Bill Randa monte tant bien que mal une équipe d'explorateurs pour se rendre sur une île reculée de l'océan Pacifique, surnommée Skull Island (l'île du crâne) découverte grâ ... |
![]() | LA PLANETE DES SINGES suprematie, Matt Reeves 2017, Andy Serkis, Woody Harrelson (science fiction)@Les singes menés par César cherchent de la paix après la mort de Koba, mais lorsqu'un méchant colonel décide de perpétrer un massacre auprès des primates, César sait qu'il faut se battre contre cet homme et son armée. Cette bataille déterminera le destin de la planète. TELERAMA Dans ce nouvel opus, un militaire dérangé prend les singes en grippe et relance la guerre... Les deux premiers épisodes de la nouvelle trilogie (La Planète des singes : Les origines, en 2011, et L’Affrontement, en 2014) brassaient des peurs dans l’air du temps, telles que la mutation génétique, la crise sanitaire, le désastre écologique… Ces préoccupations disparaissent dans ce troisième volet, au profit d’un imaginaire qui renvoie au film d’action, de guerre et à… Apocalypse now (1979). Toujours menés par le bon César, les singes ont encore plus à craindre des hommes : un militaire fou devient leur ennemi personnel. Dans le rôle de ce gourou de l’armée, Woody Harrelson fait tout pour évoquer le Marlon Brando du film de Coppola… Inattendue et plaisante, cette référence très appuyée (on peut lire « Apocalypse now » sur un mur !) reste un clin d’œil. Agitant la promesse d’une noirceur audacieuse, le film se limite à un divertissement mouvementé, mais enfantin. C’est la qualité et le défaut de ces singes de cinéma : ils sont bons à tout. Jouer des héros de film de guerre, des personnages de fable ou des animaux rigolos. Le réalisateur n’hésite pas à exploiter différents registres. Il n’en reste pas moins que son spectacle a tout le charme et le punch d’un divertissement de qualité. Les singes menés par César cherchent de la paix après la mort de Koba, mais lorsqu'un méchant colonel décide de perpétrer un massacre auprès des primates, César sait qu'il faut se batt ... |
![]() | MY LADY, Richard Eyre 2017, Emma Thomson, Stanley Tucci, Fionn Whitehead (societe sante)@@@Magistrate à la Haute Cour de Londres, Fiona est spécialiste en affaires familiales. Elle s’attache à faire primer « l’intérêt de l’enfant », comme le stipule le Children Act, voté au Royaume-Uni en 1989. À la veille d’un week-end, une requête urgente : un médecin demande à soigner de force un adolescent atteint de leucémie. Témoin de Jéhovah, Adam refuse toute transfusion sanguine. « L’intérêt » du jeune homme se trouve-t-il dans le respect de ses convictions religieuses ou dans la contrainte d’accepter le traitement médical qui pourrait lui sauver la vie ? TELERAMA Ian McEwan a lui-même adapté pour l’écran son court et magnifique roman sur la responsabilité individuelle. L’Intérêt de l’enfant, devenu My Lady — quel titre curieux… —, est le portrait poignant d’une femme confrontée, à l’aube de la soixantaine, à l’une des décisions les plus douloureuses de sa vie professionnelle, alors même que son mariage part en lambeaux. La finesse psychologique du romancier est illustrée sans fioritures par la sobre mise en scène de Richard Eyre, au prix, parfois, d’un certain statisme… Ce sont les comédiens qui donnent au film son intensité. Face au troublant Fionn Whitehead (le jeune soldat de Dunkerque, remarquable), Emma Thompson livre une des performances les plus riches de sa carrière. Dans son jeu d’une précision millimétrée, la perfection technique, le contrôle du moindre geste, du moindre souffle ne brident jamais l’émotion ; ils la subliment. Magistrate à la Haute Cour de Londres, Fiona est spécialiste en affaires familiales. Elle s’attache à faire primer « l’intérêt de l’enfant », comme le stipule le Children Act, ... |
![]() | TOUT L ARGENT DU MONDE, Ridley Scott 2017, Michelle Williams, Mark Wahlberg, Christopher Plummer, Timothy Hutton @@Rome, 1973. Des hommes masqués kidnappent Paul, le petit-fils de J. Paul Getty, un magnat du pétrole connu pour son avarice, mais aussi l'homme le plus riche du monde. Pour le milliardaire, l'enlèvement de son petit-fils préféré n'est pas une raison suffisante pour qu'il se sépare d'une partie de sa fortune. Rome, 1973. Des hommes masqués kidnappent Paul, le petit-fils de J. Paul Getty, un magnat du pétrole connu pour son avarice, mais aussi l'homme le plus riche du monde. Pour le milliardaire, l'enlèvement de son petit-fil ... |
![]() | A LA DERIVE, Baltasar Kormákur 2018, Shailene Woodley, Sam Claflin, Tami Oldham AshcraftTami Oldham et Richard Sharp décident de convoyer un bateau à travers le Pacifique et se retrouvent pris au piège dans un terrible ouragan. Après le passage dévastateur de la tempête, Tami se réveille et découvre leur bateau complètement détruit et Richard gravement blessé. À la dérive, sans espoir d'être secouru, Tami ne pourra compter que sur elle-même pour survivre et sauver celui qu'elle aime. TELERAMA L'Islandais Baltasar Kormákur, auteur d’excellents films de survie (Everest, 2015), reconstitue l’accident d’un couple de navigateurs en plein océan Pacifique, en 1983. Avec son duo labellisé « dystopies adolescentes » (Shailene Woodley de Divergente, Sam Claflin de Hunger Games), À la dérive glisse davantage vers le mélo pour jeunes adultes. La structure en flash-back — mièvres — dilue l’efficacité des scènes spectaculaires, y compris celle de l’ouragan, censée constituer l’acmé du récit. Tami Oldham et Richard Sharp décident de convoyer un bateau à travers le Pacifique et se retrouvent pris au piège dans un terrible ouragan. Après le passage dévastateur de la tempête, Tami se r&eacut ... |
![]() | A LA DERIVE, Baltasar Kormákur 2018, Shailene Woodley, Sam Claflin (sport drame)@Avec ce long métrage qui reconstitue un accident maritime survenu en 1983, Baltasar Kormákur (“Everest”) rate le mariage entre récit de survie et mélo pour jeunes adultes. La structure du film et le jeu des acteurs sont, parmi d’autres mauvaises idées, en cause. On attendait mieux de Baltasar Kormákur, qui s’est récemment fait remarquer avec deux excellents récits de survie, l’un tourné dans son Islande natale (Survivre, 2012), l’autre à Hollywood (Everest, 2015). Il reconstitue ici l’accident d’un couple de navigateurs, surpris par un ouragan en plein océan Pacifique, en 1983. A la dérive démarre d’ailleurs sous de bons auspices, par un saisissant plan-séquence à l’intérieur d’un bateau de plaisance inondé, où décors et personnages semblent s’être liquéfiés. Le film aurait pu être une version hollywoodienne de Survivre, également inspiré d’une histoire vraie – un marin-pêcheur ayant survécu dans l’eau glacée après un naufrage. Mais, sans doute pour satisfaire un public adolescent, Kormákur saborde son film en adoptant une structure en flashbacks : on assiste, en parallèle, à l’avant et à l’après tempête. D’abord, ces retours en arrière sont extrêmement mièvres : il faut entendre la conversation du premier rendez-vous amoureux, succession de clichés sur la navigation en solitaire. Ensuite, ils diluent l’efficacité des scènes spectaculaires, y compris celle de l’ouragan, censée constituer l’acmé du film. Cette volonté de marier survival et mélo pour jeunes adultes se lit aussi dans le casting, qui réunit deux héros de dystopies adolescentes : Shailene Woodley de la saga Divergente et Sam Claflin de la franchise Hunger Games. La première a un jeu trop démonstratif, le second est transparent. Dommage… Avec une meilleure caractérisation des personnages, A la dérive aurait pu devenir la représentation, quasi littérale, des tempêtes traversées par un couple en crise. Avec ce long métrage qui reconstitue un accident maritime survenu en 1983, Baltasar Kormákur (“Everest”) rate le mariage entre récit de survie et mélo pour jeunes adultes. La structure du film et le j ... |
![]() | BOHEMIAN RAPSHODY, Bryan Singer 2018, Rami Malek, Ben HardyLe chanteur Freddie Mercury, le guitariste Brian May, le batteur Roger Taylor et le guitariste John Deacon prennent d'assaut le monde de la musique lorsqu'ils forment le groupe de rock Queen en 1970. Entouré d'influences sombres, Mercury décide de quitter Queen pour poursuivre une carrière solo. TELERAMA: De la plus fantasque et exaltante des envolées du fameux groupe anglais Queen, ce biopic n’a gardé que le titre, pas la folie débridée. Bien rangée dans l’ordre chronologique, la vie de Freddie Mercury, l’âme du fameux quatuor, nous est présentée dans les règles du genre, une vignette après l’autre : de l’irrésistible ascension d’un jeune homme excentrique et inspiré, dans les années 1970, jusqu’à l’arrivée de la maladie, vers la fin de la décennie suivante. Entre une rock star dépeinte avec tendresse, mais plutôt en victime de son entourage, et une pelote de grosses ficelles psychologiques, le récit confine à l’hagiographie. Le pire étant de s’attarder trop sur Mary Austin, que Freddie Mercury, gay flamboyant, demanda en mariage et à laquelle il resta attaché jusqu’au bout. Les faits sont véridiques, mais ici surexposés. Comme si, en plus de la moustache et des fausses dents, le réalisateur, Bryan Singer, cherchait à coller un déguisement de trop à son héros. Le chanteur Freddie Mercury, le guitariste Brian May, le batteur Roger Taylor et le guitariste John Deacon prennent d'assaut le monde de la musique lorsqu'ils forment le groupe de rock Queen en 1970. Entouré d'influences sombres, Mer ... |
![]() | HIGH LIFE Uma Nova Vida, Claire Denis 2018, Juliette BinocheDes criminels condamnés à mort sont envoyés dans l'espace hors du système solaire en échange d'une peine moindre. Leur mission est d'extraire d'un trou noir une énergie vitale pour la Terre. TELERAMA Pour Un vaisseau flotte à la dérive, au-delà du Système solaire. Les membres de l’équipage sont des criminels condamnés à mort, à qui ce voyage expérimental a été proposé comme une alternative à leur peine. Même la scientifique (Juliette Binoche), figure d’autorité, partage l’infamie avec les autres. Ce lourd passé, ajouté à l’ambiance de déréliction, rappelle Solaris, d’Andreï Tarkovski (1972), où des cosmonautes perturbés rencontrent, dans leur station spatiale, d’étranges visiteurs — leurs proches, y compris disparus —, les renvoyant à leur sentiment de culpabilité. Mais High Life est un Solaris où la sexualité aurait supplanté la métaphysique. Seul principe de vie, à la place de l’âme : la pulsion. Le protocole originel d’expériences sur la reproduction dans l’espace a viré à d’humiliants rituels érotiques infligés aux hommes par la scientifique. Entre l’onanisme organisé, l’abstinence rebelle de l’un et la violence sexuelle des autres, la cinéaste retrouve tout son art transgressif. L’évidence que les personnages ne pourront plus revenir sur Terre lui permet aussi d’interroger, comme in vitro, les tabous et la morale — chancelante en l’occurrence. Dans le dernier mouvement, l’enfant née à bord est devenue une jeune fille, qui n’a connu et ne connaîtra qu’un seul homme, son père… Ce tête-à-tête en huis clos, à la fois autosuffisant et plein de désirs impossibles, fait culminer le trouble, avec le néant en ligne de mire. Tableau stylisé d’une humanité au pied du mur, sans idéal ni espérance, High Life est un vrai film de mise en scène, totalement fascinant. — Louis Guichard Contre Le concept, fumeux, l’emporte sur l’organique. On ne voit que les coutures, les intentions, la volonté de faire sens : en un mot l’ambition, colossale, de revisiter le space opera, genre propice aux délires extrêmes. Claire Denis déconstruit le récit pour mieux dissimuler l’absence d’enjeux narratifs — ça commence par la fin et progresse ensuite à coups de retours en arrière. Persuadée que son talent et ses provocations gore ou sexuelles suffisent à tenir le spectateur en éveil, la cinéaste ne se donne pas la peine de construire ses personnages. Juliette Binoche, qui brillait dans le précédent film de Claire Denis, Un beau soleil intérieur, se livre à un numéro grand-guignolesque de Dr Frankenstein de la PMA et chamane du sperme, sans parvenir à être autre chose que ridicule. A l’image du film tout entier. Des criminels condamnés à mort sont envoyés dans l'espace hors du système solaire en échange d'une peine moindre. Leur mission est d'extraire d'un trou noir une énergie vitale pour la Terre. |
![]() | MAMMA MIA Here we go again, Ol Parker 2018En 1979, les jeunes Donna, Tanya et Rosie sont diplômées de l'Université d'Oxford, laissant Donna libre de se lancer dans une série d'aventures à travers l'Europe. Au cours de ses voyages, elle fait la connaissance de Sam, dont elle tombe amoureuse, mais c'est aussi l'homme qui lui brisera le coeur. En 1979, les jeunes Donna, Tanya et Rosie sont diplômées de l'Université d'Oxford, laissant Donna libre de se lancer dans une série d'aventures à travers l'Europe. Au cours de ses voyages, elle fait la conn ... |
![]() | MON CHIEN STUPIDE, Yvan Attal 2018, Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg (comique)@Un énorme chien mal élevé décide de s'installer chez un père de famille en pleine crise de la cinquantaine. Si ce dernier s'en réjouit, sa femme et ses enfants ne voient pas les choses du même oeil. TELERAMA Une adaptation poussive de John Fante, changée en autofiction. L’humour régressif visé par Yvan Attal tourne souvent à la plate vulgarité. Yvan Attal vise un humour régressif à l’américaine pour cette transposition française du roman éponyme de John Fante (paru aux États-Unis en 1986). Mais il n’obtient souvent que de la plate vulgarité — ce père qui répète à l’envi que son grand fils « aime les culs », quand une fois aurait suffi. Le sujet principal est la crise existentielle d’un romancier-scénariste (Attal, donc) velléitaire, marié depuis un quart de siècle à la même femme, avec laquelle il a eu quatre enfants. L’homme tient les siens pour responsables de son impuissance à créer et rêve de tout plaquer, mais ce sont les autres qui partent. Le film se veut ainsi la chronique d’une famille en voie d’éparpillement, dans la lumière de la côte basque la plus chic. Entre les lignes de l’adaptation, l’acteur-réalisateur flirte avec l’autofiction, après Ma femme est une actrice (2001) et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants (2004), deux comédies où il mettait déjà en scène son couple avec Charlotte Gainsbourg. Mais Mon chien Stupide s’enlise inexorablement dans les banals rebondissements adultères, sans émotion. Difficile de compatir aux souffrances de l’homme qui ne parvient pas à se décider entre sa grande maison d’architecte près de Biarritz et une installation à Rome, dans les parages de la Villa Médicis… Un énorme chien mal élevé décide de s'installer chez un père de famille en pleine crise de la cinquantaine. Si ce dernier s'en réjouit, sa femme et ses enfants ne voient pas les choses du même ... |
![]() | EARTH QUAKE BIRD, Wash Westmoreland 2019, Alicia Vikander, Naoki Kobayashi (thriller)@Dans les années 80, à Tokyo, une étrange expatriée est soupçonnée d'avoir tué son amie, disparue à la suite d'un triangle amoureux entre elles et un photographe local. TELERAMA Vous êtes tokyophile, vous n’êtes pas insensible au charme d’Alicia Vikander et vous aimez les histoires à dormir debout, mêlant amour romantique, sexe et crime ? Il y a des chances que L’Oiseau-tempête vous retienne dans ses noirs filets. Le film est adapté d’un roman de l’écrivaine britannique Susanna Jones intitulé L’Oiseau-séisme (la modification du titre original est d’autant plus bêta que ledit volatile est mentionné, son trille particulier survenant aussitôt après le tremblement de terre). L’action se situe en 1989. Lucy, une jeune Suédoise expatriée à Tokyo depuis cinq ans, est interrogée par la police au sujet de la disparition d’une amie proche, Lily. Ses réponses sont évasives, laissant soupçonner quelque chose. La police accentue la pression. Lucy se met alors à raconter comment elle a rencontré en pleine rue un photographe, aussi énigmatique qu’attirant, qui travaille la nuit dans un petit resto de ramen… Construit à partir de flash-back, le film reconstitue peu à peu la singulière passion de Lucy pour son beau Japonais. Une relation d’abord harmonieuse, mais de plus en plus compliquée et perverse à mesure qu’elle tend vers le triangle amoureux, avec l’amie Lily (Riley Keough, faux air de Drew Barrymore). Divers épisodes dramatiques laissent à penser que Lucy provoque des catastrophes. Est-elle schizophrène ? A-t-elle des hallucinations ? Est-elle la victime ou la meurtrière ? Autant de questions qui se bousculent dans ce thriller tarabiscoté, mix de roman-photo à l’eau de rose et de fantasmagorie un poil sadique. Le film reste un peu trop lisse, mais on se laisse prendre au piège. Derrière la caméra, on retrouve Wash Westmoreland, qui a coréalisé plusieurs films (dont Echo Park, L.A.) avec son compagnon, Richard Glatzer, avant le décès de ce dernier, en 2015. En solo, il a depuis réalisé Colette, qui souffrait des mêmes défauts que cet Oiseau-tempête, mais aussi du même atout, à savoir offrir un écrin pour que brille l’actrice principale. Saluons ainsi la prestation d’Alicia Vikander. Celle qui joua Lara Croft et qui ne cesse de promettre sans jamais avoir trouvé un rôle vraiment marquant est très bien dans son rôle ambigu, mi-jeune ingénue, mi-femme fatale. On ne saurait lui donner un âge. 18 ans ? 25 ? 30 ? Timide et impérieuse, elle donne de l’étoffe à son personnage d’expatriée, sachant parler le japonais. La voir ainsi, à la fois décalée et attachée au pays du Soleil-Levant, contribue au plaisir. Dans les années 80, à Tokyo, une étrange expatriée est soupçonnée d'avoir tué son amie, disparue à la suite d'un triangle amoureux entre elles et un photographe local. TELERAM ... |
![]() | JUMANJI next level, Jake Kasdan 2019, Dwayne Johnson, Jack Black (science fiction)@@Lorsque Spencer retourne dans le monde fantastique de Jumanji, ses amis Martha, Fridge et Bethany y retournent aussi pour le sauver, mais le jeu est maintenant brisé. TELERAMA Même si l’effet de répétition se fait un peu ressentir, le troisième opus de la franchise conserve les ingrédients qui ont fait son succès. Que fait un garçon quand il se retrouve soudain dans le corps d’une fille ? Et un geek dans la peau de Dwayne Johnson ? Une autruche peut-elle être dangereuse ? Parlez-vous le cheval ?... Idiotes, ces questions ? Pas tant que ça : si vous vous retrouvez en plein désert, certaines réponses peuvent s’avérer très utiles ! Cette troisième partie de Jumanji est toujours aussi délirante, même si l’effet de répétition la rend un peu pantouflarde au début. Pour les débutants, Jumanji, c’est ce jeu vidéo qui envoie ses participants dans un monde virtuel, dangereux évidemment, « pour de vrai ». Chacun avec un avatar très éloigné de ce qu’il est dans le monde réel. Par exemple, cette fois-ci, la bimbo se retrouve en… cheval ! Nouveauté réjouissante : l’arrivée du duo Danny De Vito - Danny Glover, deux papys ronchons dont les avatars n’arrêtent pas de changer (mais qui, à chaque fois, jouent en cabotinant comme eux : Dwayne Johnson fait du Danny De Vito plus vrai que nature par exemple !). Comme dans un bon vieux Spielberg des années 1980, le film va crescendo, d’une introduction très familiale intergénérationnelle jusqu’à des scènes assez bluffantes (surtout celle des passerelles envahies de singes qu’on jurerait sortie d’un Indiana Jones), pour finir avec une morale rassurante comme de bien entendu : « Vieillir, c’est un cadeau », nous assure Danny De Vito. Carpe diem, et tutti quanti. Lorsque Spencer retourne dans le monde fantastique de Jumanji, ses amis Martha, Fridge et Bethany y retournent aussi pour le sauver, mais le jeu est maintenant brisé. TELERAMA Même si l’effet de rép&ea ... |
![]() | LA BELLE EPOQUE, Nicolas Bedos 2019, Daniel Auteuil, Guillaume Canet (science fiction)@@Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d'un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l'époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour. TEERAMA Son cadeau ? Revivre le 1974 de sa jeunesse… mais dans un décor de cinéma. Nicolas Bedos met en abyme le temps qui passe. Sympathique. Ou en toc. Pour Le cinéma comme machine à remonter le temps : merveilleuse évidence qui sert à La Belle Époque un argument en or. Allergique à notre siècle « connecté », Victor (Daniel Auteuil), dessinateur de BD en manque d’inspiration et vieux mari en panne d’amour, se voit offrir un voyage vers… la date de son choix. Rien de surnaturel dans les séjours que commercialise Antoine (Guillaume Canet), puisque ses mises en scène doivent tout aux artifices de la fiction : décors, costumes, éclairages, comédiens, et hop, le tour est joué. Quand sa femme (Fanny Ardant, électrique) le jette dehors — « J’ai l’impression de vieillir plus vite quand je m’endors avec toi ! » —, Victor met le cap sur le jour de leur rencontre, en 1974… Pantalon pattes d’eph’, moustache et blouson de cuir ajusté, voilà le sexagénaire qui revisite le bon vieux temps dans un faux café peuplé de faux clients mais vraiment enfumé — tout le monde clope et tout le monde fait l’amour, deux clichés d’époque dont le film s’amuse, pas dupe. Son acide épouse prend, dans la reconstitution, les traits de la piquante Dora Tillier, à qui l’on indique dialogues et didascalies via une oreillette depuis la régie. L’Homo nostalgicus tombera-t-il amoureux de la doublure ? Le couple à l’épreuve du temps. La question taraudait déjà le premier long métrage de Nicolas Bedos, Monsieur et Madame Adelman, auquel cette ambitieuse Belle Époque, présentée hors compétition à Cannes 2019, offre un écho profondément émouvant. Si le vaudeville contemporain qui se joue en coulisses, centré sur le duo Canet-Tillier, convainc nettement moins, il y a un bonheur mélancolique à se réfugier dans ce passé retrouvé, et nécessairement réinventé par le biais du film dans le film, avec Daniel Auteuil. Dont on se souvient soudain quel acteur immense il peut être et combien, faute de rôles à sa mesure, il nous a manqué ces dernières années. — Marie Sauvion Contre La mode vintage, la nostalgie, le café bien français aux vitres moirées, le casting multigénérationnel… Un conformisme aimable infuse a priori dans cette « grande comédie populaire » autoproclamée. C’est moins simple, en vérité. Derrière l’apparat de son voyage temporel, peu vertigineux malgré ses promesses, le film renferme surtout deux histoires de couple. D’un côté, celui d’un metteur en scène, irascible et dédaigneux (Canet englué dans un rôle qu’il a déjà joué), et de sa comédienne fétiche. Un autoportrait de Nicolas Bedos en néo-beauf cynique ? Ce geste d’autodépréciation serait à saluer s’il n’était aussi pesant et caricatural. C’est l’autre couple, Auteuil et Ardant, qui est assurément le plus intéressant, le mieux incarné. Seulement voilà, Bedos saborde très souvent leur partition, en gâche l’émotion par une vulgarité systématique. En insistant trop sur son alter ego de « jeune » morveux, il passe à côté du « vieux » sentimental en lui. C’est dommage. — Jacques Morice Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d'un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et ... |
![]() | SHAFT, Tim Story 2019, Samuel L. Jackson, Jessie T. Usher (thriller)@Œuvre plus consensuelle, le cru 2019 raconte l’enquête sur fond de stupéfiants menée conjointement par Shaft n°2 (toujours Samuel L. Jackson, désormais détective à son compte) et par son fils, analyste de données au FBI (le fade Jesse Usher, né en 1992). S’y joue, en filigrane, une réflexion sur l’identité afro-américaine après Obama – pas inintéressante. Entre le vieux black rebelle et le jeune black intégré, le débat aboutira finalement à un compromis, puisque le premier tempérera ses ardeurs tandis que le second s’affirmera davantage. Sorti en salle aux Etats-Unis deux semaines avant sa distribution par Netflix, le Shaft 2019 est le cinquième film mettant en scène le détective privé de Harlem, après celui de Gordon Parks (1971), œuvre culte de la Blaxploitation, ses deux suites (1972, 1973) et la version de John Singleton (2000). Porté par le charismatique Richard Roundtree (né en 1942, Shaft n°1), l’original était un polar urbain rugueux, en prise directe avec les conflits raciaux de l’époque. Même si la force contestataire s’était diluée en 2000, celui de Singleton restait un solide film d’action, où un policier noir et prolo (Samuel L. Jackson, né en 1948, Shaft n°2) tentait d’appréhender un fils de riche blanc (odieux Christian Bale), coupable d’un crime raciste mais bénéficiant d’une impunité conférée par son statut social. Œuvre plus consensuelle, le cru 2019 raconte l’enquête sur fond de stupéfiants menée conjointement par Shaft n°2 (toujours Samuel L. Jackson, désormais détective à son compte) et par ... |
![]() | 30 JOURS MAX, Tarek Boudali 2020, Tarek Boudali, Philippe Lacheau (comique thriller)@@Rayane, un policier peureux et maladroit dont les collègues se moquent toujours, apprend par son médecin qu'il ne lui reste que 30 jours à vivre. TELERAMA Tarek Boudali (“Épouse-moi mon pote”) donne la réplique à son complice Philippe Lacheau (“Nicky Larson”) dans ce film loufoque qui se moque des polars “burnés” à la française. Cette nouvelle série B loufoque confirme Boudali et Lacheau en tant qu’apprentis héritiers de Preston Sturges, maître de la comédie « screwball » au début des années 1940. Soit un amour des chutes, un sens du running gag, une utilisation boomerang du comique de répétition, autant de qualités disparues depuis des lustres du cinéma populaire français. Le tout assemblé selon une mécanique plus ou moins volontairement déréglée, donc imprévisible. Condamné à mourir dans les trente jours à cause d’une morsure de rongeur, un policier introverti fait équipe avec un agent des stups misogyne et son collègue lèche-bottes (impayable Julien Arruti) pour coincer un dealer, surnommé « le rat ». L’intrigue compte à rebours n’est qu’un prétexte pour multiplier les idées de parodie policière, entre apparition navrante d’Hugo Lloris et hommage réussi au dévidoir de lance à incendie, dans Piège de cristal (John McTiernan, 1988). Face au tout-venant de la comédie grand public, les productions « Bande à Fifi » possèdent un autre atout : l’absence de cynisme. Il suffit de noter l’attention portée à un hérisson, de passage pour quelques scènes. Ou le sort réservé au macho de service, incarné avec jubilation par Lacheau. Au concours de l’outrance, ce dernier s’avère néanmoins battu par un excellent José Garcia, méchant qui profère des menaces ultra-tranchantes dans un kebab à la lumière archi-tamisée. Histoire de nous venger de vingt ans de polars français « burnés », ceux d’Olivier Marchal, de Frédéric Schoendoerffer ou de Fred Cavayé. Ce n’est pas le moindre des mérites de 30 jours max. Rayane, un policier peureux et maladroit dont les collègues se moquent toujours, apprend par son médecin qu'il ne lui reste que 30 jours à vivre. TELERAMA Tarek Boudali (“Épouse-moi mon pote&rd ... |
![]() | LES ONDES DU SOUVENIR, Sylvie Ayme 2020, Gaëlle Bona, David Kammenos (histoire social)@@Dans les environs de Longwy, des jeunes jouent aux explorateurs dans une usine sidérurgique abandonnée. Soudainement, la grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder et laisse apparaître un squelette dissimulé à l'intérieur. Clara, Guillaume et François vont démarrer leur enquête. TELERAMA Troisième volet d’une collection de téléfilms dans le Grand Est. Plein de scories mais supérieur à la moyenne des polars régionaux de France Télévisions. Le précédent volet de cette série de téléfilms de Sylvie Ayme s’achevait sur une séquence violente, dont la sécheresse rappelait les films noirs d’Anthony Mann ou de Richard Fleischer. La tendance se confirme avec ce troisième épisode au cadre industriel (typique des polars de série B), qui débute par une bonne scène d’exploration urbaine avec drone au cœur d’une aciérie désaffectée et se termine en course-poursuite autour du haut-fourneau. Entre les deux, la capitaine de police et l’anthropologue judiciaire enquêtent, mollement, sur un cadavre découvert à l’intérieur d’un conduit de ventilation de l’usine. Malgré ses scories, pourquoi cette collection reste supérieure à la moyenne des policiers régionaux de France Télévisions ? Parce qu’elle parvient à saisir la dimension mythique du passé sidérurgique, en alliant travail de documentation solide (sur Lorraine Cœur d’acier, la radio pirate de la CGT), décor expressif (les vitraux Majorelle, à Longlaville, dans l’ex-siège des aciéries de Longwy) et excellent suspect (Lionnel Astier en ancien flic membre du Service d’action civique). Sans doute, aussi, que l’ambiance lorraine pluvieuse est, en France, celle qui se rapproche le plus du polar nordique. Aux environs de Longwy, dans une usine sidérurgique abandonnée, sous les verrières brisées, des jeunes jouent aux explorateurs. La grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder laissant apparaître un squelette dissimulé à l'intérieur. Clara, Guillaume et François démarrent leur enquête : le corps est rapidement identifié, il s'agit d'Hervé Chaumont, ancien ouvrier sidérurgiste, militant syndical et l'un des bénévoles de la radio libre "Lorraine coeur d'acier", voix de la contestation ouvrière des années 1970-1980... Dans les environs de Longwy, des jeunes jouent aux explorateurs dans une usine sidérurgique abandonnée. Soudainement, la grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder et laisse apparaître un squelette d ... |
![]() | LES ONDES DU SOUVENIR, Sylvie Ayme 2020, Gaëlle Bona, David Kammenos (histoire social)@@Dans les environs de Longwy, des jeunes jouent aux explorateurs dans une usine sidérurgique abandonnée. Soudainement, la grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder et laisse apparaître un squelette dissimulé à l'intérieur. Clara, Guillaume et François vont démarrer leur enquête. TELERAMA Troisième volet d’une collection de téléfilms dans le Grand Est. Plein de scories mais supérieur à la moyenne des polars régionaux de France Télévisions. Le précédent volet de cette série de téléfilms de Sylvie Ayme s’achevait sur une séquence violente, dont la sécheresse rappelait les films noirs d’Anthony Mann ou de Richard Fleischer. La tendance se confirme avec ce troisième épisode au cadre industriel (typique des polars de série B), qui débute par une bonne scène d’exploration urbaine avec drone au cœur d’une aciérie désaffectée et se termine en course-poursuite autour du haut-fourneau. Entre les deux, la capitaine de police et l’anthropologue judiciaire enquêtent, mollement, sur un cadavre découvert à l’intérieur d’un conduit de ventilation de l’usine. Malgré ses scories, pourquoi cette collection reste supérieure à la moyenne des policiers régionaux de France Télévisions ? Parce qu’elle parvient à saisir la dimension mythique du passé sidérurgique, en alliant travail de documentation solide (sur Lorraine Cœur d’acier, la radio pirate de la CGT), décor expressif (les vitraux Majorelle, à Longlaville, dans l’ex-siège des aciéries de Longwy) et excellent suspect (Lionnel Astier en ancien flic membre du Service d’action civique). Sans doute, aussi, que l’ambiance lorraine pluvieuse est, en France, celle qui se rapproche le plus du polar nordique. Aux environs de Longwy, dans une usine sidérurgique abandonnée, sous les verrières brisées, des jeunes jouent aux explorateurs. La grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder laissant apparaître un squelette dissimulé à l'intérieur. Clara, Guillaume et François démarrent leur enquête : le corps est rapidement identifié, il s'agit d'Hervé Chaumont, ancien ouvrier sidérurgiste, militant syndical et l'un des bénévoles de la radio libre "Lorraine coeur d'acier", voix de la contestation ouvrière des années 1970-1980... Dans les environs de Longwy, des jeunes jouent aux explorateurs dans une usine sidérurgique abandonnée. Soudainement, la grille d'un vieux conduit de ventilation finit par céder et laisse apparaître un squelette d ... |
![]() | THE GOOD CRIMINAL, Mark Williams 2020, Liam Neeson, Kate Walsh (thriller)@Tom, un légendaire voleur de banque décide de se ranger et passe un deal, contre son immunité, avec le FBI qui n'a jamais réussi à lui mettre la main dessus. Il réalise vite que les Fédéraux ont un autre plan en tête : partager son butin et le faire accuser d'un meurtre. Pris au piège, pourchassé par la police et le FBI, il décide de reprendre les choses en main et se lance dans une vengeance explosive. TELERAMA Sans prétention, Mark Williams élabore un honorable succédané des polars de Michael Mann (“Heat”, “Miami Vice”), fusionnant action et romantisme. Parmi les films d’action que le vétéran Liam Neeson tourne à la chaîne depuis quinze ans, il y a parfois de bonnes surprises. The Good Criminal (2020) en fait assurément partie. Après avoir dévalisé douze banques à travers les États-Unis, sans laisser le moindre indice — butin estimé : 9 millions dollars —, un cambrioleur (Neeson, donc) choisit de se rendre au FBI pour l’amour d’une femme (sobre Kate Walsh, de la série Grey’s Anatomy). Sans prétention, le réalisateur élabore un honorable succédané des polars de Michael Mann (Heat, Miami Vice). Il fusionne fusillades et mélodrame avec un certain lyrisme des lumières nocturnes de Boston — néons, réverbères, phares de voitures. La scène d’ouverture, où le héros perce un coffre-fort grâce à du matériel sophistiqué, est un hommage à celle du Solitaire (1981). Plus tard, la rencontre du couple, de part et d’autre d’un comptoir à l’accueil d’une entreprise de location de box, se révèle digne des meilleures comédies romantiques. L’ensemble donne un film singulier, presque languide. Détail amusant : la rigueur morale reste ici l’apanage des aînés, « voleur insaisissable » et vieux briscards du FBI, face à l’arrivisme des jeunes de l’agence. Manière, sans doute, de faire confiance au cinéma à l’ancienne. Tom, un légendaire voleur de banque décide de se ranger et passe un deal, contre son immunité, avec le FBI qui n'a jamais réussi à lui mettre la main dessus. Il réalise vite que les Féd&eacut ... |
![]() | UN TRIOMPHE, Emmanuel Courcol 2020, Kad Merad, Marina Hands, Pierre Lottin, Laurent Stocker (societe)@@@Étienne, un acteur passé son apogée donne des cours d'art dramatique en prison; le talent des détenus surprend Étienne; il tente de mettre en scène une production de "En attendant Godot" de Samuel Beckett, qui représente l'état d'attente constant des prisonniers. TELERAMA Un acteur désœuvré monte un atelier théâtre avec des prisonniers. Et rêve bientôt d’une vraie tournée. Une comédie sociale élégante, et réconfortante. Étienne, un acteur qui n’est plus monté sur scène depuis longtemps, accepte, faute de mieux, d’animer un atelier théâtre en prison. Après une prise de contact un peu rude avec ses « élèves », il commence à deviner un réel potentiel dramatique chez ce petit groupe de prisonniers, auxquels, jusque-là, on n’a proposé que d’apprendre des fables de La Fontaine. Que font ces taulards toute la journée ? Ils attendent. La fin de la journée, le lendemain, le parloir, la fin de leur peine, ils ne cessent d’attendre… Réalisant que leur existence carcérale les rend familiers de l’absurde, Étienne décide de les mettre en scène dans En attendant Godot, de Samuel Beckett : un pari fou, mais, petit à petit, Patrick, Moussa, Kamel, Dylan et Alex se prennent au jeu, et voilà que le comédien animateur brave le règlement pénitentiaire pour les mener sur la scène d’un vrai théâtre… Après Le Grand Bain, de Gilles Lellouche, il y a trois ans, ce Triomphe prouve, à son tour, que le cinéma français maîtrise, lui aussi, l’art, traditionnellement anglo-saxon, du « feel good movie », ce genre de comédie réconfortante, savamment dosée entre humour et émotion, où la lumière doit poindre au bout d’un sombre tunnel social ou personnel. Le réel a fourni un sujet en or à Emmanuel Courcol : l’histoire vraie de Jan Jönson, un acteur suédois qui, en 1985, monta le chef-d’œuvre du célèbre dramaturge irlandais avec les détenus d’une prison de haute sécurité, et les mena en tournée. Samuel Beckett lui-même, encore vivant, jugea alors l’issue de l’aventure tout à fait accordée à sa pièce… Sans jamais tomber dans l’angélisme, le réalisateur adopte un point de vue résolument humaniste : comme Étienne, qui ne veut voir dans ces détenus que des acteurs prometteurs, on ne saura jamais les crimes qui les ont conduits derrière les barreaux. Seuls comptent leurs efforts sur un texte ardu, leur indiscipline, leur remuante solidarité de troupe, leur fierté neuve, et enivrante, de se produire devant un public. Et, bien sûr, l’obstination de l’apprenti metteur en scène, qui lui aussi retrouve, grâce à ce défi théâtral, son estime de soi et un chemin vers les planches. Kad Merad dans un de ses meilleures rôles La réalisation, discrète et élégante, alterne entre l’intérieur et l’extérieur de la prison, entre frictions incessantes et tendresse comique, et certaines séquences touchent par leur intensité ou leur lyrisme : quand Dylan, le petit nerveux analphabète, réussit, enfin, à réciter d’une traite la longue tirade folle et sans ponctuation de Lucky, l’esclave presque muet de la pièce. Ou lorsque les détenus crient leurs répliques des fenêtres de leurs cellules, faisant résonner les mots de leurs personnages dans le silence de la nuit carcérale… Entre acharnement et mélancolie, Kad Merad (Étienne) livre sa meilleure composition depuis la série Baron noir . Face à lui, David Ayala, Wabinlé Nabié, Pierre Lottin ou Sofian Khammes, l’acteur qui monte, sont tous enthousiasmants, d’autant que la vedette les laisse briller, attentive, fidèle à son rôle de chef de troupe. Étienne, un acteur passé son apogée donne des cours d'art dramatique en prison; le talent des détenus surprend Étienne; il tente de mettre en scène une production de "En attendant Godot" d ... |
![]() | CRUELLA, Craig Gillespie 2021, Emma Stone, Emma ThompsonLondres, années 70. Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d'amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécient ses compétences d'arnaqueuse et mène avec eux une existence criminelle dans les rues de Londres. Un jour, ses créations se font remarquer par la baronne von Hellman, une grande figure de la mode. Mais leur relation va amener Estella à se laisser envahir par sa part sombre, au point de donner naissance à l'impitoyable Cruella. TELERAMA: Il était une fois Estella, une petite orpheline qui se métamorphose, s’impose et se venge, dans le milieu de la mode londonienne des années 1970… En inventant de toutes pièces une jeunesse à la Cruella des 101 Dalmatiens, le classique animé de 1961, Disney réussit son divertissement en images réelles le plus insolent, pimpant et rythmé depuis la nuit des temps. Avec une direction artistique léchée, pleine d’inventions visuelles, le film ne cesse de faire des clins d’œil malins au Diable s’habille en Prada, tout en s’amusant du mouvement punk-rock anglais. Même la styliste Vivienne Westwood pourrait jalouser certaines créations d’Estella-Cruella, version féminine du Joker de Marvel, incarnée par une Emma Stone convaincante. Face à elle, la grande Emma Thompson inscrit son personnage de snob odieuse aux panthéons des méchantes de cinéma. Du plaisir cousu main. Londres, années 70. Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d'amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécient ses compétences d'arnaqueuse et mène avec eu ... |
![]() | MADRES PARALELAS, Pedro Almodóvar 2021, Penelope Cruz, Milena Smit (societe)@@@Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital, sur le point d'accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d'âge mûr, n'a aucun regret et durant les heures qui précèdent l'accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu'elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l'hôpital. TELERAMA Avec “Madres paralelas”, le roi Pedro joue une nouvelle fois avec nos émotions. La géométrie simple suggérée par le titre cache bien des zigzags autour de ces deux « mères parallèles », l’une quadragénaire, l’autre à peine sortie de l’adolescence. Après leur rencontre dans une maternité de Madrid et leurs accouchements simultanés, elles éprouveront, en effet, toutes sortes de sentiments aigus l’une pour l’autre. Et une tragédie viendra briser, au milieu du film, la symétrie apparente de leurs trajectoires. Depuis longtemps, chez Pedro Almodóvar, la surface est trompeuse. L’image reste séduisante, la lumière, flatteuse, et les décors, accueillants, mais la mélancolie et le chaos couvent. Malgré un travail de photographe pour papier glacé et un magnifique appartement, la vie de Janis (Penélope Cruz) baigne ainsi dans une indéfinissable tristesse, une inquiétude diffuse. La mère célibataire gère son quotidien (femme de ménage, nounou à domicile ) avec froideur. Elle s’est accommodée de la perspective d’élever seule son enfant, puisque le père, amant désiré, n’était pas libre. Et voici qu’elle se met à douter, comme cet homme, revu de loin en loin, que le bébé soit véritablement le sien. La belle Janis sourit peu, comme si la méfiance et l’intranquillité l’avaient submergée. Enterrer les morts et réparer les vivants C’est que l’Espagne dépeinte par le cinéaste n’en finit pas de panser les plaies causées par des décennies de franquisme, jusqu’au milieu des années 70. Pays non réconcilié, puisque l’ancien dictateur a toujours des fans, mais surtout meurtri. L’arrière-plan très présent de Madres paralelas et la hantise de Janis sont la fosse commune où furent jetés certains de ses aïeux par des phalangistes, près de son village. Depuis, une loi d’amnistie invitant les Espagnols à un « pacte de l’oubli » (en 1977) a rendu difficile ou impossible l’ouverture de telles fosses. Janis se bat pour faire déterrer les victimes et les rendre à leurs familles. Un juriste et anthropologue en position de l’aider est ainsi apparu dans sa vie — et devenu le père supposé de son enfant. Le thème de la restitution, Almodóvar le développe aussi au premier plan, et au présent, à travers l’histoire d’un échange malencontreux des deux bébés à la maternité. Contre toute attente, le réalisateur issu de la Movida, et chantre, alors, des familles électives, biscornues, fondées sur les seules affinités, signe donc, aujourd’hui, un éloge des liens du sang : tout le film tend à ramener chacun(e), vivant ou mort, auprès de sa famille biologique, d’une manière ou d’une autre. Mais ce mouvement n’a rien d’un repli. Il tient davantage d’un nécessaire travail de mémoire, de connaissance de soi et des autres. Milena Smit, une héritière de la Movida L’articulation, passablement rocambolesque, entre les deux intrigues peut apparaître comme un point faible de Madres paralelas : l’échange de nourrissons évoquerait, en creux, les trafics de bébés organisés avec la complicité de l’État sous Franco. Or ce parallèle-là n’est jamais explicité par les personnages. Si le film n’a pas tout le temps l’éclat magique des deux précédents longs métrages d’Almodóvar (Julieta, Douleur et gloire), il reste un modèle d’intensité. Le destin en marche, le tragique des existences s’y expriment comme chez bien peu de cinéastes aujourd’hui, remarquablement incarnés par Penélope Cruz (prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise) et ses partenaires, moins connus (Milena Smit, la jeune mère, Israel Elejalde, l’anthropologue). Tous s’acheminent vers un tableau final inoubliable, aussi bouleversant que réparateur. Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital, sur le point d'accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d'âge mûr, n'a aucun regr ... |
![]() | SERRE MOI FORT, Mathieu Amalric 2021, Vicky Krieps, Arieh Worthalter (sentimental)@@Parce qu'il lui est insupportable d'être quittée par ceux qu'elle aime, Clarisse quitte le domicile conjugal, laissant son mari Marc élever seul leurs deux enfants. TELERAMA Par un matin calme, Clarisse (renversante Vicky Krieps) abandonne son monde endormi, le mari, les deux enfants, la maison aux volets bleus. La belle échappée met le cap sur la mer au volant d’une curiosité américaine, une AMC Pacer break de 1979, tandis que le montage révèle en parallèle son désormais hors-champ : la tribu qui s’éveille, se presse autour du petit déjeuner, craint d’arriver en retard à l’école… La vie qui va sans elle. Entre rêve et réalité La mise en scène déchire progressivement un voile de tristesse : Clarisse invente. Son fils qui la réclame, les progrès de la grande au piano, son époux qui fait des crêpes, les scènes du quotidien où ceux qui restent continuent d’exister loin de son regard, puisqu’elle est « partie ». Tout se passe dans sa tête. Et rien, à la surface du film, ne différencie la réalité du rêve. On pense au cinéma d’Alain Resnais, quelque part entre Je t’aime, je t’aime et Smoking/No Smoking, devant cet éclatement devenu familier chez Mathieu Amalric, qui brouillait déjà les temporalités dans La Chambre bleue (2014) et signait, avec Barbara (2017), un envoûtant antibiopic aux miroitements de kaléidoscope. Tiré d’une pièce de Claudine Galea, Serre-moi fort l’emmène cette fois sur les cimes assumées du mélodrame — sortez les mouchoirs ! — et le confirme en guide de haute voltige. Son héroïne au cœur glacé attend le dégel en se fabriquant des souvenirs du futur, spectatrice de projections intérieures peuplées d’absents chéris. Bouleversant. Parce qu'il lui est insupportable d'être quittée par ceux qu'elle aime, Clarisse quitte le domicile conjugal, laissant son mari Marc élever seul leurs deux enfants. TELERAMA Par un matin calme, Clarisse (ren ... |
![]() | SOS FANTOMES, l heritage, Jason Reitman 2021, Bill Murray, Dan Aykroyd, Mckenna Grace (fantastique)@@Après avoir déménagé dans une petite ville, une mère et ses deux enfants commencent à découvrir leur lien avec les Ghostbusters d'origine et l'héritage secret légué par leur grand-père. TELERAMA Au gré d’une intrigue toute neuve, de nombreux clins d’œil et retrouvailles réjouissantes attendent les fans de la fameuse saga. La chasse aux fantômes est une affaire de famille. La preuve : trente-sept ans après la plus culte (et peut-être la plus drôle) de toutes les comédies fantastiques, réalisée en 1984 par Ivan Reitman, c’est son propre fils, Jason, qui pilotait cette nouvelle aventure, entièrement conçue comme un hommage affectueux aux facéties d’origine. Difficile d’en raconter plus sans « divulgâcher » les petites et grandes surprises que ce film très « filial » réserve aux fans des bons vieux Ghostbusters d’autrefois. Si elles n’égalent pas tout à fait l’humour et le rythme du premier SOS Fantômes, les retrouvailles sont bien plus divertissantes et réussies que les précédentes tentatives de relancement. Et de Paul Rudd à Finn Wolfhard (l’un des gamins de la série Stranger Things), les nouveaux venus sont aussi réjouissants que les anciens, qu’on vous laisse le plaisir de (re)découvrir… Après avoir déménagé dans une petite ville, une mère et ses deux enfants commencent à découvrir leur lien avec les Ghostbusters d'origine et l'héritage secret légué par l ... |
![]() | TROMPERIE, Arnaud Desplechin 2021, Denis Podalydès, Léa Seydoux (psychologique)@@Londres, 1987. Philip est un écrivain américain célèbre exilé à Londres. Sa maîtresse vient régulièrement le retrouver dans son bureau, qui est le refuge des deux amants. Ils y font l'amour, se disputent, se retrouvent et parlent des heures durant. Des femmes qui jalonnent sa vie, de sexe, d'antisémitisme, de littérature et de fidélité à soi-même. Londres, 1987. Philip est un écrivain américain célèbre exilé à Londres. Sa maîtresse vient régulièrement le retrouver dans son bureau, qui est le refuge des deux amants. Ils y f ... |
![]() | UN DOUX DESASTRE, Laura Lehmus, 2021, Friederike Kempter, Florian LukasAu retour d'un voyage en Finlande, Frida rencontre Felix au bar de l'aéroport. L'homme noie son chagrin dans le champagne suite à une rupture. Tous deux se plaisent et entament une idylle. Après seulement quelques mois, Frida découvre qu'elle est enceinte, le jour même où Felix s'apprête à la quitter. Face à la gentillesse de ce dernier, qui propose malgré tout de l'aider pendant cette première grossesse s'annonçant compliquée, la future maman s'enferme dans le déni. TELERAMA Frida, 40 ans, tombe enceinte pour la première fois. Elle est heureuse mais aussi méfiante vis-à-vis de son compagnon, qu’elle soupçonne d’adultère. Pour écarter ses inquiétudes, elle décide de l’espionner… Derrière son pitch ambigu, ce film allemand mise d’abord sur une légèreté à rebrousse-poil, qui convoque les comédies romantiques américaines des années 1980, tout en développant une identité proprement excentrique. Mais le mélange se révèle très vite indigeste, plombé par des effets de mise en scène désuets, qui nous offrent une plongée dans la psyché d’une héroïne constamment dans la lune. Il devient dès lors difficile d’adhérer à sa cause, tant ses agissements se révèlent le fruit d’un narcissime qui peine à susciter de la compassion. Un désastre, pour de vrai. Au retour d'un voyage en Finlande, Frida rencontre Felix au bar de l'aéroport. L'homme noie son chagrin dans le champagne suite à une rupture. Tous deux se plaisent et entament une idylle. Après seulement quelques mois, ... |
![]() | VARSOVIE 83, Une affaire d etat, Jan P Matuszyński 2021 (histoire)@@Varsovie, 1983 : durant l'oppressante loi martiale décidée par le général Jaruzelski, la milice citoyenne tue Grzegorz Przemyk, fils d'une militante proche de Solidarność. Mensonges, menaces : le régime totalitaire du Général Jaruzelski va tenter par tous les moyens d'empêcher la tenue d'un procès équitable. TELERAMA Varsovie, le 14 mai 1983, un lycéen meurt après avoir été roué de coups dans un commissariat par la milice citoyenne. Sa mère est une opposante au régime, une poétesse connue pour sa proximité avec le syndicat Solidarnosc, encore actif malgré son interdiction dans la Pologne du général Jaruzelski, où a été décrétée la loi martiale. Pour que la mort ignoble de Grzegorz Przemyk ne devienne pas une affaire d’État, le pouvoir est prêt à tout. Une tension constante traverse ce film qui montre avec une extraordinaire vérité les grandes manœuvres entreprises afin de cacher la vérité. Autour du jeune Jurek, seul témoin du tabassage meurtrier, et de Barbara Sadowska, la mère de la victime, un tableau de société passionnant et glaçant se déploie. Chaque individu n’y est qu’un pion, qu’il s’agit de faire tomber ou de déplacer sur l’échiquier de la dictature. Les stratégies pour y parvenir sont connues, menaces, chantage, mise sur écoute, faux témoignages arrachés de force. Mais l’attention méticuleuse portée à chaque rouage du mécanisme de l’injustice a ici une force inédite. Un regard, une coiffure, une expression du visage : avec des comédiens savamment choisis, les portraits sont tous marquants — qu’il s’agisse de la procureuse dont l’apparence évoque une mascarade ou de la mère qui semble prise dans un linceul. Chaque détail est la pièce d’un puzzle faisant réapparaître une époque. Le début des années 1980 semble même revivre à travers la manière de filmer. Le réalisateur réussit un film en immersion totale dans la Pologne communiste sous contrôle soviétique. Une telle acuité rend très actuel, et encore menaçant, le souvenir de cette folie despotique. Varsovie, 1983 : durant l'oppressante loi martiale décidée par le général Jaruzelski, la milice citoyenne tue Grzegorz Przemyk, fils d'une militante proche de Solidarność. Mensonges, menaces : le régime ... |
![]() | CHRONIQUE D UE LIAISON PASSAGERE, Emmanuel Mouret 2022, Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne (sentimental)@@Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n'éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité naissante. TELERAMA Une célibataire entreprenante et un homme marié entament une relation où l’avenir est d’emblée exclu. Emmanuel Mouret signe une comédie réjouissante, portée par des acteurs remarquables. «On va boire un verre ou deux mais je ressens une envie irrésistible de faire l’amour avec toi. » Charlotte (Sandrine Kiberlain), bloody mary à la main, affiche la couleur sans rougir. Le film vient à peine de commencer. « Ça va vite, là », confirme son rencard, Simon (Vincent Macaigne). La quinqua enthousiaste, mère célibataire libre comme l’air, le suit chaque fois qu’il s’éloigne. Le quadra lent à la détente, marié avec enfants, avance et recule, déchiré entre son désir et sa peur du « bazar ». Chronique d’une liaison passagère démarre sur ce feu d’artifice, alimenté par la fantaisie charmante de deux acteurs exceptionnels — elle, radieuse et conquérante en « femme brute », lui émouvant car désarçonné en « homme délicat ». Alors que Charlotte et Simon passent un contrat explicite – jouir sans entraves –, l’auteur chronique, au fil de leurs rendez-vous, une cristallisation que chacun sait inéluctable. L’intérêt de ce suspense éventé ? Son éblouissante sophistication. Le onzième long métrage d’Emmanuel Mouret (Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait) évoque un Woody Allen grand cru – les clins d’œil à Annie Hall (1977) foisonnent –, mais aussi le Lubitsch de Sérénade à trois (1933) pour l’élégance ludique et cet art de ne penser qu’à « ça » sans verser dans l’égrillard. Il faut dire que le sexe, s’il figure au centre ou, plutôt, au cœur (et c’est bien là qu’est l’os !) du propos, demeure obstinément dans le hors-champ de l’image. Le réalisateur filme la parole en mouvement avec une invention constante, entraînant ce pas de deux « éroticomique » vers la mélancolie. Les choses qu’on ne dit pas, les choses qu’on rate… En attendant, même si c’était éphémère – mais l’était-ce vraiment ? –, on aura été très heureux. Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n'éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complici ... |
![]() | DANS UN PAYS QUI N EXISTE PLUS, Aelrun Goette 2022,Marlene Burow, Sabin Tambrea (histoire societe mode)@@À Berlin-Est, Suzie est renvoyée du lycée pour avoir arboré un insigne pacifiste. Privée d'études et assignée à un travail d'ouvrière dans la câblerie Oberspree, Suzie voit bifurquer ce destin qui l'accable en rencontrant Coyote qui gravite dans le milieu de la mode. Publié dans Sybille, le "Vogue" est-allemand, un portrait d'elle lui ouvre les portes du journal et surtout, de la marque d'État Exquisit, qui entend rivaliser avec la haute couture occidentale. TELERAMA Ex-mannequin en Allemagne de l’Est, la réalisatrice Aelrun Goette s’est inspirée de sa propre histoire pour écrire cette fiction ayant pour toile de fond les grands bouleversements de la fin des années 1980. Hélas, la sauce ne prend jamais vraiment. La faute à un rythme faiblard, à une protagoniste trop passive pour être réellement intéressante, et à un scénario se contentant d’aligner sans grande inventivité les poncifs du récit initiatique (la découverte de l’amour, de la rébellion…). Le film peut cependant valoir le coup d’œil pour sa reconstitution convaincante d’une RDA finissante, déchirée entre conservatisme et soif de liberté. À Berlin-Est, Suzie est renvoyée du lycée pour avoir arboré un insigne pacifiste. Privée d'études et assignée à un travail d'ouvrière dans la câblerie Oberspree, Suzie voi ... |
![]() | UN HOMME PARFAIT, Xavier Durringer 2022, Didier Bourdon, Valerie Karsenti (comique)@@Florence, débordée par sa vie de famille et son travail, décide d'acheter un robot à l'apparence humaine et au physique parfait. Il répond à toutes ses attentes : entretenir la maison, s'occuper des enfants, et plus encore. Mais le robot va vite susciter de la jalousie chez Franck, son mari acteur je-m'en-foutiste au chômage. De peur de perdre sa femme, Franck décide de reprendre les choses en mains, d'autant que le robot semble trouver un malin plaisir à semer le trouble dans leur couple. TELERAMA Madame a acheté un blond musclé qui fait la cuisine et le ménage, le robot Human 3, alors Monsieur se crispe ! Avec une bonne distribution, cette comédie qui croque les différences entre hommes et femmes réussit à amuser. Jusqu’à un certain point. Un peu de science-fiction française ? À la bonne franquette, bien sûr. Moins sophistiquée que La Soupe aux choux (1981), mais parfois inspirée, cette comédie imagine l’arrivée d’un androïde flambant neuf (modèle Uman 3) chez Frank et Florence. C’est elle qui l’a commandé sur Internet, parce que lui ne fait rien à la maison et qu’elle n’en peut plus de s’occuper de tout et des deux enfants en plus. Mais la solution miracle va vite poser problème. Face à la machine surnommée Bobby, un blond bien musclé qui cuisine, nettoie et range, Monsieur, acteur sans emploi en pleine andropause, développe un méchant complexe. Surtout quand il découvre que Bobby a un programme « Love-Love », alors que pour lui, c’est la panne sèche… Avec Didier Bourdon dans le rôle du mari, Valérie Karsenti parfaite dans celui de l’épouse et Pierre-François Martin-Laval en robot, il y a facilement matière à rire. La simplicité même de la situation favorise la farce. Et le jeu avec les clichés sur les différences hommes-femmes est souvent bienvenu. Mais, esprit franchouillard oblige, le programme « Love-Love » devient envahissant. Tout semble vraiment se tenir là, dans cet « équipement standard » à l’entrejambe de l’androïde, qui obsède Frank et électrise les amies de Florence. Emportés par le pouvoir du phallus, les scénaristes ont abandonné toute autre piste en route. Florence, débordée par sa vie de famille et son travail, décide d'acheter un robot à l'apparence humaine et au physique parfait. Il répond à toutes ses attentes : entretenir la maison, s'occuper des ... |
![]() | LES NUITS DE MASHHAD, Ali Abbasi 2022, (thriller)@@Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s'apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l'affaire résolue. TELERAMA Les prostituées d’une ville sainte sont assassinées à l’approbation quasi générale. Un film choc qui met l’Iran à nu… trop littéralement, peut-être. POUR L’histoire, aussi incroyable que véridique, semble écrite en lettres de feu… En Iran, dans la ville sainte de Mashhad, lieu de pèlerinage pour les musulmans chiites, un tueur en série a sévi à partir du mois d’août 2000, pendant toute une année. Il s’appelait Saeed Hanaei et assassinait des prostituées. De cette affaire criminelle qui expose crûment la noirceur cachée de la société iranienne, Ali Abbasi a osé s’emparer avec réalisme. Né à Téhéran en 1981, ce réalisateur formé en Scandinavie (où il avait tourné Border) a été contraint de reconstituer les faits en Jordanie. Mais les images auxquelles il nous confronte n’en sont pas moins d’une véracité sidérante. Les visages maquillés des femmes, leurs corps, la maison du meurtrier, ouvrier et père de famille, sa cruauté : plus rien n’est caché. Mené comme un thriller, Les Nuits de Mashhad est un choc éclairant. Un monde nous est ouvert où la misère des prostituées se réfugie dans l’ombre, où la misogynie s’étale, où la violence est un droit qui s’exerce sur les femmes, à peine considérées comme des êtres humains quand elles se vendent. Mis en scène avec une parfaite maîtrise, le film s’affirme comme un geste de dévoilement très réfléchi. Car, tout en nous montrant la vérité, le réalisateur nous dit, avec pessimisme et lucidité, qu’elle n’éclatera jamais. Le personnage de Rahimi, la journaliste jouée par l’étonnante Zar Amir Ebrahimi, Prix d’interprétation à Cannes, trouve là toute son importance. En suivant l’enquête des policiers, elle y voit une mascarade. Une chasse à l’homme qui ne veut mener nulle part. Le serial killer peut laver Mashhad de ses pécheresses sans être dérangé : ses crimes sont une bénédiction pour la ville... Même quand la justice sera rendue, ce sera seulement dans l’intérêt du pouvoir. Des victimes, personne ne veut rien savoir. Sauf Rahimi. Fragile et solitaire, elle garde les yeux ouverts. Un beau symbole pour ce film aussi prenant que politique, courageusement engagé. – Frédéric Strauss CONTRE Certes, le constat terrible d’Ali Abbasi sur la société iranienne en général, et la condition des femmes en particulier, ne manque pas d’intérêt. Le problème est que le cinéaste ne recule devant aucun effet choc pour appuyer son propos. Tourner en gros plan l’agonie d’une femme qu’on étrangle pour mieux faire ressentir les souffrances qui lui sont infligées, pourquoi pas. Mais quand le procédé se répète pour une deuxième, puis une troisième victimes, le réalisateur fait preuve d’une complaisance malsaine pour le spectacle de la violence. Dès la première séquence, où une femme apparaît seins nus face à un miroir, on devine la volonté d’Ali Abbasi de montrer l’Iran tel qu’on ne l’a jamais vu à l’écran. Sauf que l’Iran des bas-fonds, du crime et de la misère, on l’a découvert au cinéma l’an dernier dans un film formidable, réalisé, lui, sur place, La Loi de Téhéran, sans que son auteur, Saeed Roustaee, n’ait eu besoin de rajouter du glauque au sordide. – Samuel Douhaire Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s'apercevoir rapidement que les au ... |
![]() | LES PASSAGERS DE LA NUIT, Mikhael Hers 2022, Charlotte GainsbourgParis, années 80. Elisabeth vient d'être quittée par son mari et doit assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias et Judith. Elle trouve un emploi dans une émission de radio de nuit, où elle fait la connaissance de Talulah, jeune fille désoeuvrée qu'elle prend sous son aile. Talulah découvre la chaleur d'un foyer et Matthias la possibilité d'un premier amour, tandis qu'Elisabeth invente son chemin, pour la première fois peut-être. TELERAMA Les années 1980 se parent d’une magie inattendue alors qu’une mère seule, anéantie, prend un nouveau départ… Un grand film d’actrices, par l’auteur sensible de “Amanda” et de “Ce sentiment de l’été”. a douce lumière de mi-saison qui baigne la totalité du film a peu à voir avec l’esthétique tape-à-l’œil généralement associée aux années 1980. Cette décennie-là, qui a mené l’auteur-réalisateur de ses 5 à ses 15 ans, est figurée par un impressionnisme subtil, du grain de la photographie aux discrètes archives insérées dans la fiction. Comme s’il s’agissait d’un continent englouti, Mikhaël Hers (Amanda) en restitue amoureusement l’atmosphère, les sons, presque la texture, par des détails infimes. Si le film bouleverse autant, c’est que beaucoup d’événements évoqués y ont la saveur exaltante d’un début, quand bien même ils sont déjà une fin, à l’insu des personnages. Après le départ de la fille aînée, une relation neuve s’établit entre la mère et son fils, d’égal à égal, comme une promesse, mais, bientôt, il faudra quitter les lieux, se séparer. Dans les coulisses de l’émission nocturne, synonyme de conquête pour l’héroïne, l’animatrice, elle, voit déjà venir le déclin. Quant à la jeune fille recueillie, aussitôt le fils follement épris d’elle, elle disparaît… Mikhaël Hers sait donner aux moments furtifs un air d’éternité. Paris, années 80. Elisabeth vient d'être quittée par son mari et doit assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias et Judith. Elle trouve un emploi dans une émission de radio de nuit, où elle fait ... |
![]() | LES RASCALS, Jimmy Laporal-Trésor 2022 (soiete)@@Milieu des années 1980, à Paris. En balade dans la capitale, un groupe de jeunes banlieusards croise par hasard un jeune skinhead impliqué dans une rixe avec l'un d'entre eux. Les coups ne tardent pas à pleuvoir, sous l'œil discret et attentif de la petite soeur du jeune extrémiste pris à partie... TELERAMA Paris, 1984. Deux bandes rivales, fils d’immigrés d’un côté, skinheads de l’autre, s’affrontent sur fond de racisme et de loi du talion. Un film puissant sur la banalisation du mal. Paname, 1984. À Châtelet-Les-Halles, dans la rue ou chez le disquaire, les bandes s’affrontent. Venus de banlieue et tous fils d’immigrés, les Rascals écoutent du rock, du hip-hop et s’habillent à la James Dean. Leurs ennemis, nuque bien dégagée, bras levé et punk dans les oreilles : les skinheads, graines de fascistes en rangers et bombers, légitimées par la récente percée du Front national (11 %) aux élections européennes. Le décor, musical et politique, est planté. Heureuse surprise que ce premier film, qui retrouve une formule qu’on croyait oubliée en combinant un style visuel éclatant et un propos à la fois engagé et nuancé. On pense autant aux Guerriers de la nuit, de Walter Hill (1979), qu’à Ma 6-T va crack-er, de Jean-François Richet (1997). Dans cette banale histoire de vengeance réciproque, chacun a ses raisons et tout le monde a tort. Si le cœur du réalisateur, d’origine antillaise, penche bien à gauche, c’est à l’extrême droite qu’il réserve le traitement le plus original et le plus complexe. Notamment à travers le personnage de Frédérique (Angelina Woreth, impeccable), sœur d’un skinhead passé à tabac par les Rascals, qui va développer en retour une haine légitime et une fascination irrationnelle pour l’idéologie fasciste, théorisée sur les bancs de la fac d’Assas le jour et dans des meetings politiques la nuit par des professeurs duplices et dangereusement manipulateurs… Un film coup de poing, dans tous les sens du terme, sur la banalisation du mal. Milieu des années 1980, à Paris. En balade dans la capitale, un groupe de jeunes banlieusards croise par hasard un jeune skinhead impliqué dans une rixe avec l'un d'entre eux. Les coups ne tardent pas à pleuvoir, ... |
![]() | LES RASCALS, Jimmy Laporal-Trésor 2022 (soiete)@@Milieu des années 1980, à Paris. En balade dans la capitale, un groupe de jeunes banlieusards croise par hasard un jeune skinhead impliqué dans une rixe avec l'un d'entre eux. Les coups ne tardent pas à pleuvoir, sous l'œil discret et attentif de la petite soeur du jeune extrémiste pris à partie... TELERAMA Paris, 1984. Deux bandes rivales, fils d’immigrés d’un côté, skinheads de l’autre, s’affrontent sur fond de racisme et de loi du talion. Un film puissant sur la banalisation du mal. Paname, 1984. À Châtelet-Les-Halles, dans la rue ou chez le disquaire, les bandes s’affrontent. Venus de banlieue et tous fils d’immigrés, les Rascals écoutent du rock, du hip-hop et s’habillent à la James Dean. Leurs ennemis, nuque bien dégagée, bras levé et punk dans les oreilles : les skinheads, graines de fascistes en rangers et bombers, légitimées par la récente percée du Front national (11 %) aux élections européennes. Le décor, musical et politique, est planté. Heureuse surprise que ce premier film, qui retrouve une formule qu’on croyait oubliée en combinant un style visuel éclatant et un propos à la fois engagé et nuancé. On pense autant aux Guerriers de la nuit, de Walter Hill (1979), qu’à Ma 6-T va crack-er, de Jean-François Richet (1997). Dans cette banale histoire de vengeance réciproque, chacun a ses raisons et tout le monde a tort. Si le cœur du réalisateur, d’origine antillaise, penche bien à gauche, c’est à l’extrême droite qu’il réserve le traitement le plus original et le plus complexe. Notamment à travers le personnage de Frédérique (Angelina Woreth, impeccable), sœur d’un skinhead passé à tabac par les Rascals, qui va développer en retour une haine légitime et une fascination irrationnelle pour l’idéologie fasciste, théorisée sur les bancs de la fac d’Assas le jour et dans des meetings politiques la nuit par des professeurs duplices et dangereusement manipulateurs… Un film coup de poing, dans tous les sens du terme, sur la banalisation du mal. Milieu des années 1980, à Paris. En balade dans la capitale, un groupe de jeunes banlieusards croise par hasard un jeune skinhead impliqué dans une rixe avec l'un d'entre eux. Les coups ne tardent pas à pleuvoir, ... |
![]() | NOPE, Jordan Peele 2022, Daniel Kaluuya, Keke Palmer (science fiction)@@Les habitants d'une vallée perdue du fin fond de la Californie sont témoins d'une découverte terrifiante à caractère surnaturel qui affecte humains et animaux. Les gérants d'un ranch de chevaux tentent de comprendre ce phénomène mystérieux alors que le propriétaire d'un parc à thème tente d'en tirer profit. TELERAMA Dans un Far West désarçonnant, un ovni aspire tout, dès lors qu’on le regarde. Une métaphore originale et efficace sur les dangers de la société du spectacle. Méfiez-vous des nuages. En particulier de ce qui se cache à l’intérieur… Une mystérieuse menace plane au-dessus d’un ranch californien perdu en pleine campagne. C’est létal, ni tout à fait organique, ni tout à fait technologique, ça vient d’un autre monde pour semer la terreur. Après avoir passé le racisme endémique de la société américaine à la moulinette du cinéma d’épouvante (Get Out, très applaudi en 2017), enchaîné avec un thriller sur l’horreur du conformisme dans Us, en 2019, le réalisateur Jordan Peele revient avec un film-ovni, à tous les sens du terme. D’abord parce qu’il s’agit bien d’une entité extraterrestre, d’une rencontre du troisième type encore plus énigmatique (et inquiétante) que celle qu’imaginait Steven Spielberg en 1977. Ensuite parce que ladite entité, entre soucoupe volante, méga tube digestif et grand prédateur, hante une production éminemment étrange. Où un gaillard taiseux (Daniel Kaluuya, qui était déjà la vedette de Get Out), éleveur de chevaux en perpétuelle bisbille avec sa sœur (la pétulante Keke Palmer), se retrouve à l’épicentre d’un genre presque neuf, voire expérimental : l’horreur méditative. Place aux grands espaces creusés de silence, à un parc d’attractions miteux sur le thème du western, au bruit blanc des appareils électriques avant chaque attaque de la « chose »… Une grande métaphore de la société du spectacle Cette dernière fonctionne comme un aspirateur aérien géant, arrachant hommes, bêtes et objets à la pesanteur pour les recracher sous forme de pluie acérée et sanguinolente (grand déluge de vomi cosmique sur la maison des héros). Or l’ovni sauvage ne devient aspirateur que quand il est regardé, et tout le monde veut tirer profit des images du phénomène, par tous les moyens, des téléphones portables aux caméras de surveillance, en passant par les vieilles bobines de films. Jordan Peele offre ainsi une grande métaphore sur la société du spectacle et sur la fascination pour les images, dans ce qu’elle a de plus dangereux (un vide abstrait, qui gobe et digère tout ce qui passe à sa portée), mais aussi de plus mystérieux : le film rend un hommage, un brin cinglé, à la puissance onirique du cinéma. Avec, aussi, une réappropriation militante et culturelle de ses mythes. Les personnages principaux de l’aventure sont ainsi des cow-boys noirs, tout comme l’était le premier cavalier hollywoodien imprimé sur pellicule, que l’on aperçoit sur d’authentiques images d’archives… Les habitants d'une vallée perdue du fin fond de la Californie sont témoins d'une découverte terrifiante à caractère surnaturel qui affecte humains et animaux. Les gérants d'un ranch de chevaux tent ... |
![]() | NOTRE DAME BRULE, Jean-Jacques Annaud 2022 (histoire catastrophe)@@@Une reconstitution heure par heure de l'invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019, lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque. TELERAMA Le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame s’enflamme. À la manière d’un reportage en direct, ce film raconte de façon informative et surtout prenante l’étonnant déroulé des événements, nous transportant au cœur du grand spectacle de l’incendie. Pour reconstituer l’incendie qui faillit ravager le joyau du patrimoine français, le 15 avril 2019, le réalisateur de La Guerre du feu (1981) et du Nom de la rose (1986) a d’abord misé sur ses talents de conteur. D’une manière aussi efficace qu’éclairante, il remet en ordre de bataille le déroulement d’une journée qui fonçait, l’air de rien, vers la catastrophe… Car c’est justement le 15 avril 2019 qu’un nouveau surveillant de la sécurité incendie arrive à Notre-Dame. Le temps de se familiariser avec les voyants, ils virent au rouge ! Il faut appeler le grand chef, qui ne répond pas : il tond sa pelouse ! Vérification faite, c’était une fausse alerte. Mais ce n’est pas au bon endroit qu’on a regardé… Une malignité entêtée semble s’être emparée de tous les faits et gestes, jusqu’à provoquer un contre-la-montre dont le film tire les meilleurs effets. Par tous les moyens, mêlant vraies images d’infos, faux reportage et cinéma de reconstitution en studio, Jean-Jacques Annaud a voulu nous donner une vision globale d’un désastre que quelques images saisissantes avaient fini par résumer. Le résultat surprend. Très documenté sans être pour autant documentaire, il interroge parfois. Les pompiers étaient-ils vraiment d’une raideur aussi héroïque ? Leur action, en tout cas, est montrée dans toute sa démesure. Des toits de Notre-Dame ruisselle du plomb en fusion. Et le souffle de l’incendie nous saisit. Une reconstitution heure par heure de l'invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019, lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hom ... |
![]() | THE FABELMANS, Steven Spielberg 2022, Gabriel LaBelle, Michelle Williams (bio)@@@Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l'ont emmené voir "The Greatest Show on Earth". Armé d'une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient. TELERAMA Dans cette famille abritant un secret, l’apprentissage du fils futur cinéaste prend des allures romanesques. Le réalisateur raconte sa jeunesse. Magistral et bouleversant. Chez les Spielberg, à la fin de chaque repas, on ne débarrassait pas la table au sens habituel de l’expression. Couverts, gobelets, assiettes en plastique, tout était jetable et finissait empaqueté dans la nappe, elle-même en papier, avant d’être jeté… La folie de ce rituel quotidien, pendant de longues années, dit certainement l’aisance matérielle et, plus encore, l’insouciance d’une époque (les années 1950-1960), où les ressources naturelles semblaient inépuisables à jamais. Dans l’enceinte du foyer, l’explication était tout autre : il s’agissait d’épargner les mains de la mère pianiste, et donc de la dispenser définitivement de la corvée de vaisselle. Mais au fur et à mesure que le film avance, cette bizarrerie familiale paraît bien mince au regard d’une autre, tellement plus troublante… Quand le cinéaste d’E.T. raconte sa jeunesse à l’écran, après nombre de ses confrères (comme James Gray ou Paul Thomas Anderson), ce n’est pas un film de plus, mais un exploit. Pas seulement un roman familial bouleversant – où les Spielberg s’appellent donc Fabelman –, mais une réflexion lumineuse sur le cinéma, et le récit d’un cheminement personnel qui sidère. Et encore une grille d’analyse limpide de toute la filmographie de l’auteur, dont la cohérence, les thèmes majeurs et même l’alternance de genres apparaissent éclairés comme jamais. Aux origines d’une vocation L’inventeur du blockbuster qui fait peur (Les Dents de la mer, 1975) remonte ainsi à cette séance de cinéma où, enfant, entouré de ses deux parents attendris, il assiste à son premier accident – un train qui déraille dans la superproduction Sous le plus grand chapiteau du monde, de Cecil B. DeMille (1952). Le mélange d’effroi et d’extase, au milieu du confort affectif, provoque en lui un déclic. Mais aussi un vif tourment. Et le train électrique qu’on lui offre innocemment, dans la foulée, n’est pas un remède un soi. « J’ai besoin de voir un accident », dit le garçonnet. Avec la complicité de sa mère, et la caméra de son père, il apprend à filmer, sous plusieurs angles, une collision sur son circuit ferroviaire miniature. C’est ainsi qu’il expérimente, sans mots, les bienfaits de la catharsis à l’antique devant la représentation du pire. Mais aussi le bénéfice supérieur qu’il y a à prendre le contrôle d’une telle représentation… L’apprivoisement à tâtons, à l’aveuglette pour ainsi dire, d’une vocation : ce thème porte The Fabelmans à des hauteurs exceptionnelles, d’émotion comme d’analyse. Alors que Sammy (le Steven de la fiction), une fois adolescent, maîtrise de mieux en mieux la caméra et parvient à imiter, dans ses premiers courts métrages, les scènes de western ou de guerre vues en salles, il devient aussi le documentariste de la maisonnée. Et voilà qu’en visionnant un de ses films sur les vacances des Fabelman, Sammy découvre, effondré, ce qu’il n’avait pas vu de ses propres yeux : le secret de sa mère adorée et fantasque, une réalité inconnue qui menace l’équilibre familial. Un gouffre s’ouvre alors dans l’esprit du fils. Les images peuvent révéler ce qui est caché, elles peuvent blesser, détruire, et il est possible de les escamoter, ou non, par le montage. Les questions de regard, de morale, de libre arbitre, de sensibilité renvoient soudain les qualités techniques d’un film à une place subalterne. Ce manifeste informulé, s’imposant à celui qui, adulte, sera souvent associé au seul grand spectacle, à la technologie et aux effets spéciaux, s’incarne magnifiquement dans The Fabelmans. La délicatesse inouïe avec laquelle sont filmés Michelle Williams (la mère musicienne contrariée, entre exubérance et mal-être), Paul Dano (le père scientifique, doux et aimant) et Seth Rogen (le collègue blagueur du père, omniprésent dans la vie de familiale) subjugue. Tout comme les nuances de la narration, rythmée par les déménagements successifs, d’est en ouest (New Jersey, Arizona, Californie), la carrière ascensionnelle du père, génie de l’informatique, entraînant un cortège de brisures pour ses trois enfants, et plus encore pour son épouse. En Californie, le jeune Sammy, parachuté au pays des « hommes-séquoias géants » (il se découvre petit de taille, à côté de ses nouveaux condisciples), doit faire face aux brimades antisémites. Cette fois, filmer devient une stratégie de survie sociale, puis la source d’un pouvoir considérable, proche de la manipulation : les séquences que l’adolescent agence après une journée du lycée à la plage peuvent transformer un redoutable ennemi en demi-dieu, en star, ou au contraire en bouffon. Là encore, The Fabelmans éblouit par son alliage d’humour et de complexité, et par la poursuite méticuleuse de son récit d’apprentissage. Il en va de même quand Sammy, au seuil de sa vie professionnelle, a la chance de rencontrer, quelques minutes, à son bureau, le mythique réalisateur John Ford. Car Steven Spielberg fait jouer le vétéran hollywoodien par David Lynch (il fallait y penser), parfaitement accordé à l’extravagant conseil technique que le vieil homme hurle au débutant… Jusqu’au bout demeure cependant, en filigrane, l’image la plus belle et la plus émouvante, la plus déterminante aussi : cette mère qui danse une nuit d’été, impudique et magique, dans le halo des phares de la voiture familiale, en pleine nature. Moment d’épiphanie et de transgression, point de non-retour, message subliminal adressé au fils filmeur, comme pour l’encourager à vivre pleinement, coûte que coûte, sa vie d’homme et d’artiste. Il n’y avait, a priori, rien de commun entre Angels in America (1991), la pièce de Tony Kushner sur les années sida (devenue une série pour HBO en 2003), et la filmographie de Steven Spielberg. Alors qu’il préparait Munich (2005), le second fit appel au premier pour son expertise sur le conflit israélo-palestinien. Une collaboration au long cours débuta ainsi, Tony Kushner cosignant trois scénarios pour Spielberg, dont celui de Lincoln (2012). De leurs échanges, et de la curiosité du dramaturge pour le cinéaste, naquit l’idée des Fabelmans : Kushner incita Spielberg à raconter dans un film l’histoire de sa famille. Près de vingt ans après leur première rencontre, le résultat, entièrement nourri des souvenirs et confidences du réalisateur, bénéficie indéniablement de la profondeur romanesque apportée par l’ami scénariste. Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l'ont emmené voir "The Greatest Show on Earth". Armé d'une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à ... |
![]() | L ENCHANTEUR, Philippe Lefebvre 2023, Charles Berling, Claire de La Rüe du CanEn 1975, Romain Gary fait incarner Émile Ajar par son petit cousin Paul Pavlowitch. Tout le monde tombe dans le panneau, sauf une jeune étudiante originaire de Nice, où Gary a passé une partie de son enfance, fraîchement montée à Paris pour étudier la littérature à la Sorbonne. Elle est persuadée qu'Émile Ajar et Romain Gary sont un seul et même écrivain. Elle va le trouver rue du Bac, où vit l'écrivain, pour le confronter. En 1975, Romain Gary fait incarner Émile Ajar par son petit cousin Paul Pavlowitch. Tout le monde tombe dans le panneau, sauf une jeune étudiante originaire de Nice, où Gary a passé une partie de son enfance, fra ... |
![]() | ORPHEA IN LOVE, Axel Ranisch 2023 (societe)@@Nele s'échappe régulièrement de son triste quotidien professionnel à Berlin grâce à la musique et à l'opéra. Originaire d'un petit village d'Estonie, elle travaille dans un centre d'appel. TELERAMA Le mythe d’Orphée et Eurydice est revisité avec humour – et maladresse – dans cette fiction combinant chant lyrique et danse contemporaine. Pour le meilleur et le pire, cette relecture du mythe d’Orphée compte parmi les films les plus créatifs du jeune cinéma allemand. Orphée est cette fois une jeune Estonienne (la soprano Mirjam Mesak), qui rêve d’une carrière de chanteuse d’opéra à Munich, de nos jours. Eurydice, son amour, est un pickpocket acrobate de rue (le danseur Guido Badalamenti), pour qui elle descendra aux Enfers, tout en affrontant les démons de son passé (et aussi le dieu Hadès, relooké en impresario avec Ray-Ban et cigare). L’inversion du genre des deux héros est ce qu’il y a de plus normal dans cette fantasmagorie, dont le programme musical consiste en un va-et-vient effréné d’airs à succès entre baroque, contemporain et gospel. Quant à la mise en scène, tout en bonds chorégraphiques et rebonds dramatiques, elle mêle onirisme, délires circassiens et esthétique publicitaire des années 1980, avec une exaltation et une absence de sérieux plutôt communicatives. Les frontières entre kitsch opératique et formalisme ringard deviennent malheureusement trop floues, dans la seconde partie du film, et l’ampleur tragique du récit mythologique se dilue. Reste une tentative bienvenue de rapprocher l’opéra et la danse contemporaine du grand public. Nele s'échappe régulièrement de son triste quotidien professionnel à Berlin grâce à la musique et à l'opéra. Originaire d'un petit village d'Estonie, elle travaille dans un centre d'app ... |
![]() | SISSI ET MOI, Frauke Finsterwalder 2023, avec Susanne Wolff, Sandra Huller (fiction histoire)@@À la fin du XIXe siècle, l'impératrice Élisabeth d'Autriche-Hongrie, connue sous le nom de Sisi vit dans une commune de femmes aristocratiques en Grèce. La comtesse Irma y est envoyée pour être la compagne de Sisi, et elle tombe sous le charme de cette recluse excentrique et extravagante. Cependant, le monde extérieur veut briser Sisi. Irma et Sisi ont beau résister, il ne reste qu'une voie fatale qui liera à jamais les deux femmes. TELERAMA Une célibataire un peu godiche devient dame de compagnie de l’impératrice d’Autriche… et en tombe amoureuse. Avec Sandra Hüller, toujours aussi impressionnante. De quoi Sissi est-elle devenue le nom ? Loin des bluettes froufroutantes d’Ernst Marischka (entre 1955 et 1957) et du drame crépusculaire de Luchino Visconti (1973) qui la canonisèrent sous les traits de Romy Schneider, l’impératrice d’Autriche inspire aujourd’hui des relectures audacieusement féministes. Après l’Autrichienne Marie Kreutzer et son Corsage sorti fin 2022, c’est au tour de l’Allemande Frauke Finsterwalder de lui faire endosser d’anachroniques atours à travers une fiction revendiquée comme telle. Parmi leurs points communs, ces deux films brodent librement sur la mort de l’altesse assassinée par un anarchiste italien en 1898, envisageant le trépas (sous la forme du suicide pour l’un, d’un genre de crime passionnel pour l’autre) comme la seule échappatoire possible à ses tourments de captive. L’originalité de Sissi et moi tient évidemment à ce « moi » qui introduit un point de vue extérieur : celui de la comtesse Irma Sztáray (Sandra Hüller), célibataire maladroite et maltraitée par sa mère, soudain propulsée dame de compagnie d’une tête couronnée dépeinte en rock star (Susanne Wolff). Soumise aux caprices de sa maîtresse, la godiche se met au sport, au jeûne, aux voyages qui permettent à Élisabeth d’éviter la cour. Sous la domination point une amitié, qui vire chez Irma en un amour fanatique — voir la scène où elle ingère une boule de cheveux de Sissi —, protecteur et jaloux. Moins saisissants que ceux de Corsage, auquel sa photographie conférait une froide étrangeté, les partis pris de ce film-ci sont autant de décalages, tant dans les costumes que dans la bande originale, exclusivement composée de voix féminines — Portishead, Tess Parks, Nico… Même s’il aurait sans doute gagné à être resserré et un peu moins explicite — certaines répliques frôlent le manifeste —, Sissi et moi intrigue et réussit, vraie gageure, à créer un récit inédit. Il donne par ailleurs l’occasion d’admirer un nouvel avatar de Sandra Hüller (Anatomie d’une chute), impressionnante en groupie énamourée. 1894. Officieusement séparée de son mari depuis de nombreuses années, l'impératrice Sissi, âgée de 40 ans, désigne sa nouvelle dame d'honneur, Irma Sztáray, une jeune aristocrate naïve et un peu maladroite, pour l'accompagner dans ses nombreux voyages à travers l'Europe. Contre toute attente, la jeune femme s'entend bien avec la souveraine au tempérament excentrique, à la personnalité maniaco-dépressive et au comportement parfois cruel. Mais, à leur retour à la cour d'Autriche, l'amitié entre les deux femmes est mise à mal par les conventions. Sissi se révèle alors très attachée au protocole et à la place que chacun occupe dans la société. À la fin du XIXe siècle, l'impératrice Élisabeth d'Autriche-Hongrie, connue sous le nom de Sisi vit dans une commune de femmes aristocratiques en Grèce. La comtesse Irma y est envoyée pour êtr ... |
![]() | BENIE SOIT SIXTINE, Sophie Reine 2024, Capucine Valmary, Adrien Dewitte (religion)@@@Le téléfilm raconte le parcours d'une jeune femme prise au piège après son mariage avec un catholique intégriste. Une plongée glaçante au cœur d'un mouvement sectaire, librement adaptée du roman coup de poing de Maylis Adhémar, paru en août 2020 aux éditions Julliar. Cette fiction choc de 90 minutes, réalisée par Sophie Reine, est un témoignage édifiant sur le long chemin vers l'émancipation d'une femme sous emprise. Au commencement, on trouve donc Sixtine, jeune femme pieuse et sage qui rencontre son futur époux lors d'une messe de mariage "à l'ancienne". Il est le gendre idéal, Saint-Cyrien, cheveux ras, engagé dans un mouvement religieux traditionaliste. C'est aussi un "excellent parti" qui séduit sa famille. Mais Sixtine va voir sa vie basculer après son mariage avec Pierre-Louis. Une fois mariée, elle abandonne ses études pour se consacrer à son foyer, "comme il se doit". Sauf que le conte de fées tourne au cauchemar, puis au combat pour que Sixtine parvienne à s'extraire de valeurs religieuses réactionnaires et d'un mode de vie sectaire. Isolée, sous l'emprise d'une belle-famille intégriste qui va jusqu'à vouloir lui "voler" son enfant à naître, la jeune femme étouffe et ne voit qu'une seule issue : fuir pour sauver sa peau. Son émancipation sera semée d'embûches mais lui permettra de se reconstruire et de s'épanouir, en rejetant ce modèle imposé pour embrasser la vie. Portée par les interprétations intenses de Capucine Valmary et Adrien Dewitte dans les rôles principaux, Bénie soit Sixtine ne laissera personne indifférent. D'autant que le premier roman très remarqué de la journaliste Maylis Adhémar, dont s'inspire le téléfilm, s'est lui même basé sur une histoire vraie, celle de sa propre vie. Née en 1985 dans une famille catholique traditionaliste, l'auteure y fait le récit poignant de sa lente émancipation d'un milieu étouffant l'individu sous le poids des interdits, du contrôle et de la culpabilité Rare plongée dans la bourgeoisie catholique intégriste Au delà d'une histoire individuelle bouleversante, le roman Bénie soit Sixtine et son adaptation sont aussi une plongée saisissante et rare dans une frange méconnue de la société : la bourgeoisie catholique intégriste, repliée sur elle-même et ses valeurs d'un autre temps. Un monde où la femme doit rester à sa place, soumise à son mari et dévouée à ses enfants. Où le refus de Vatican II côtoie la haine de "l'étranger" et de tout ce qui s'écarte de la norme traditionnelle. En s'inspirant de son propre vécu, Maylis Adhémar porte ici un témoignage précieux sur les mécanismes d'emprise qui broient l'individu au sein de groupes radicaux, fussent-ils d'obédience catholique. Le processus d'émancipation, long et douloureux, est admirablement restitué, "sans manichéisme, tout en nuances" selon les premières critiques qui saluent l'interprétation de Capucine Valmary, vue précédemment dans Ovni(s). Ainsi pour Télérama, "le téléfilm de Sophie Reine (scénario de Zoé Galeron et Dominique Garnier) touche surtout grâce à son portrait contrasté, délicatement incarné par Capucine Valmary". Le Parisien loue également "la lumineuse Capucine Valmary, 23 ans à peine", qui a d'ailleurs été récompensée du prix du jeune espoir féminin au Festival de la fiction TV de la Rochelle en 2024. Le téléfilm raconte le parcours d'une jeune femme prise au piège après son mariage avec un catholique intégriste. Une plongée glaçante au cœur d'un mouvement sectaire, librement adapt& ... |