WAHOU, Bruno Podalydes 2023, Karin Viard, Sabine Azema, Eddy Mitchell (comique)@ ()
Catherine et Oracio sont conseillers immobiliers et enchaînent les visites de deux biens : une grande maison bourgeoise piscinable, vue RER, et un petit appartement moderne situé en plein triangle d'or de Bougival.
TELERAMA
Mieux qu’une satire des agences immobilières et de leurs clients, une comédie humaine fine et enlevée sur les logements que l’on quitte et ceux que l’on cherche. Avec les excellents Karin Viard et Bruno Podalydès.
Ceci n’est pas une satire du petit monde des agences immobilières. Pas seulement. Des rendez-vous successifs entre deux « conseillers » de l’enseigne Wahou et leurs clients, le cinéaste Bruno Podalydès (Les 2 Aflred) tire toute une comédie humaine, avec des personnages récurrents, des coups de théâtre, des gags, des sentiments, et même des larmes. Si satire il y a, elle se concentre avec brio sur la langue, le jargon, les euphémismes (pour les défauts) et les expressions pleines d’emphase, souvent trompeuses (pour les qualités) qui accompagnent les visites de logement. L’un des deux décors principaux du film, un appartement à louer, est ainsi présenté par Oracio (que joue avec délice le réalisateur) comme situé « dans le triangle d’or de Bougival », ce qui ne manque pas de sel. L’autre site, une maison bourgeoise, en vente, est régulièrement taxé de « bien d’exception », alors que le jardin borde la ligne du RER… Parfois, le burlesque de Jacques Tati, l’un des maîtres éternels de Podalydès, n’est pas loin.
Mais la belle idée de l’auteur consiste à dépasser l’ironie de départ et à sonder plus profondément, sans renoncer à l’humour, ce qui se joue dans une visite ou dans une transaction annoncée : un tournant de la vie, pour ceux qui partent comme pour ceux qui aspirent à s’installer. Des époux seniors (savoureux Eddy Mitchell et Sabine Azéma) se préparent ainsi, le cœur lourd, à quitter leur maison adorée, désormais trop grande pour eux. Un jeune couple fusionnel projette son désir de vie commune dans l’appartement à louer : les deux vasques de la salle de bains font rêver les amoureux, tandis qu’elles renverront, soudain, tel autre visiteur à sa solitude.
Malice et humanisme
Subtilement, le film glisse des écarts d’âge aux différences de catégorie sociale. Des profils nouveaux apparaissent, d’un rendez-vous à l’autre, l’agence immobilière devenant une fenêtre sur le monde contemporain et ses petites ou grandes folies. Si Oracio garde quelque chose de clownesque, avec son professionnalisme à la fois ostentatoire et pris en défaut, l’autre « conseillère », Catherine, émerge d’un deuil — Karin Viard excelle sobrement dans ce rôle. Le chagrin qu’elle réprime imprègne les interactions avec les clients ; son regard et son écoute en font une sorte de psy, à son corps défendant. L’un des sommets de cette tragi-comédie est assurément le baiser inopiné que Catherine reçoit d’une dame intéressée par l’appartement, elle-même traversant une passe difficile… Bruno Podalydès réussit alors la synthèse irrésistible de l’improbable et du plausible.