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SCOOP, Philip Martin 2024, Gillian Anderson, Rufus Sewell (histoire bio)@



SCOOP, Philip Martin 2024, Gillian Anderson, Rufus Sewell (histoire bio)@
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SCOOP, Philip Martin 2024, Gillian Anderson, Rufus Sewell (histoire bio)@ ()

L'interview désastreuse donnée par le prince Andrew à la BBC, en 2019, alors en plein tourbillon médiatique concernant son implication dans l'affaire Jeffrey Epstein, cet homme d'affaires et criminel sexuel.

TELERAMA
Le film de Netflix retrace la genèse de l’interview du prince Andrew, impliqué dans l’affaire Epstein, qui ébranla la couronne en 2019. Trop opportuniste pour marquer les consciences, un sous- “She Said” sans finesse.

L'affaire avait fait grand bruit aux États-Unis et s’était propagée jusque chez l’oncle anglais : la mise en accusation de Jeffrey Epstein, ce riche homme d’affaires aux commandes d’un réseau mondial de prostitution « mondaine » et infantile, avait fini par éclabousser la couronne, par l’intermédiaire du prince Andrew, proche du milliardaire, et coupable au mieux de complaisance, au pire de pédocriminalité.

Scoop revient sur la création de Newsnight, un programme de la BBC au cours duquel a été interviewé le duc d’York en 2019, provoquant sa chute (très symbolique). On y suit surtout le parcours de la productrice Sam McAlister (dont l’autobiographie est ici adaptée), sorte de provinciale d’extraction populaire qui tente de se faire une place dans l’establishment très pincé de la télévision britannique, au moyen de méthodes moins conventionnelles, notamment en s’acoquinant avec un paparazzi…

Le film de Philip Martin (réalisateur d’épisodes de The Crown et Tunnel) souffre considérablement de la comparaison avec She Said, qui revenait en 2022 sur la révélation par le New York Times de l’affaire Weinstein. D’abord parce que le film de Maria Schrader ne mentait pas sur son sujet, la libération de la parole, donnant la primauté à la voix des femmes (« She said » soit « Dit-elle », un pied de nez aux prophètes, souvent des hommes). Scoop, au contraire, n’a pour lui plus grand-chose d’inédit : le « scoop », si c’en est un, est éventé depuis belle lurette. Il y avait quelque chose de l’ordre de la litanie, des sillons que creuse la conscience dans She Said ; ici on essaie de nous vendre une intrigue réchauffée, forcément, et pataude qui plus est.

Rufus Sewell remarquable en duc d’York
Pire, le sujet est traité avec une légèreté indifférente, presque irresponsable : on fait de la réussite de l’interview du prince Andrew, du scoop donc, le climax d’un suspense dont l’affaire Epstein n’est que le simple canevas ; la pédocriminalité, une tapisserie. On patauge ainsi dans un gloubi-boulga entre film d’émancipation très daté, une sorte de sous-Working Girl (1988), et enquête journalistique qui lorgne du côté des Hommes du président (1976), avec la finesse et la grâce d’un pachyderme, le tout emballé comme un téléfilm des pires heures de M6.

Seule bonne surprise, le charmant Rufus Sewell est absolument remarquable et méconnaissable en duc d’York rondouillard, affable, discrètement rongé par la culpabilité. Problème (assez éloquent) : on s’étonne que son personnage ait bénéficié de la meilleure écriture ainsi que de l’ensemble du budget maquillage, quand les journalistes interprétées par Gillian Anderson et Billie Piper sont sacrifiées sur l’autel d’un arc narratif grotesque, figées sous des tonnes de fond de teint bon marché.

Au final flotte le parfum désagréable de l’euphémisation et d’un geste moins conscient politiquement que bassement opportuniste. Comble de l’ironie pour un réalisateur de séries : on vous conseillera haut la main le traitement qu’en avait fait The Good Fight (certes pas du côté anglais, ni de la presse) dans sa quatrième saison, assez enlevée.


(edit IPTC)