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PROXIMA, Alice Winocour 2019, Eva Green, Matt Dillon, Sandra Muller (espace)@@@



PROXIMA, Alice Winocour 2019, Eva Green, Matt Dillon, Sandra Muller (espace)@@@
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PROXIMA, Alice Winocour 2019, Eva Green, Matt Dillon, Sandra Muller (espace)@@@ ()

Sarah est une astronaute française qui s'entraîne avec acharnement au Centre spatial de Cologne, unique femme au milieu des astronautes européens. Elle vit seule avec sa fille de sept ans, Stella, qu'elle couve d'un amour inquiet, se sentant coupable de ne pas pouvoir lui consacrer plus de temps. Quand Sarah est choisie pour partir à bord d'une mission spatiale d'un an, baptisée Proxima, sa vie et celle de Stella sont bouleversées.

TELERAMA
Alice Winocour signe un film spatial original, où l’intime prime sur le spectaculaire. De Claire Denis (High Life) à James Gray (Ad Astra), on assiste à un renouveau du film spatial qui passe désormais par l’intime. Proxima participe de ce courant, à ceci près qu’il ne quitte pas le plancher des vaches. Sa seconde originalité repose sur son héroïne, astronaute et mère. Sarah (Eva Green) s’apprête à partir un an pour une galaxie lointaine. Elle s’en réjouit, mais cela n’est simple ni pour elle ni pour sa fille, Stella, 8 ans, avec qui elle vit seule. Sarah doit se familiariser avec la séparation et s’organiser. Heureusement, le père, conciliant, prendrait en charge l’enfant.

L’éloignement de Sarah et Stella commence sur Terre. De la base d’entraînement de l’Agence spatiale européenne, à Cologne, au cosmodrome de Baïkonour, Proxima décrit de manière très documentée comment Sarah s’entraîne physiquement et mentalement à vivre dans l’espace. On la voit courir allongée (!), tourbillonner dans une centrifugeuse, répéter les exercices périlleux (certains sous l’eau), s’isoler en quarantaine. À travers cette mise à l’épreuve, on reconnaît le tropisme d’Alice Winocour (Augustine, Mary­land) pour un cinéma corporel, médical. Un cinéma vigoureux, occupé au centre par une femme. Le combat de Sarah est d’autant plus louable qu’elle est seule au milieu d’hommes et doit vaincre le machisme ambiant. Son équipage comprend deux autres astronautes, russe et américain. Si le premier est affable, le second (Matt Dillon) la prend de haut. Avant de ravaler son sexisme, bluffé, comme nous, par les performances de sa partenaire.

Reste qu’elle est humaine, qu’elle a des failles. C’est ce qui rend Eva Green si convaincante. À la fois machine de guerre et femme ordinaire qui craque dans les toilettes, elle est surtout une mère troublante. Car remuée à l’idée de laisser sa fille, qui sait, peut-être pour toujours — la mort fait partie des risques du voyage. Stella (étonnante Zélie Boulant-Lemesle, jamais mièvre, toujours juste) ne l’ignore pas. Tout ce qui se joue entre elles, le cœur du film, est abordé avec déli­catesse et droiture. Leur lien tendre, qu’on ressent fusionnel, est fait d’écoute et d’intelligence, ce qui n’empêche pas les tensions, les peurs, les faiblesses. Aucune n’est parfaite — Stella est une enfant éveillée mais qui souffre entre autres de dyslexie. Un moment, face à Sarah qui s’inquiète des mauvais résultats en maths de sa fille, le père tempère : « Pourquoi veux-tu qu’elle soit absolument normale ? Comme si nous, on l’était. »

Il faut en effet être un peu dingue pour monter dans une fusée. C’est aussi cette part d’extravagance que Proxima prend joliment en compte. En cultivant l’imaginaire, malgré la discipline imposée. On voit ainsi les trois cosmonautes bivouaquer et se réciter à la belle étoile des poèmes. On entend Sarah confier dans un blog comment elle perçoit le monde sous un jour neuf et étrange. De son côté, Stella a ses échappées fantasques, ses jeux, ses secrets. Proxima est un film à la fois lunaire et pragmatique. À mesure que le jour J (le décollage) approche, une forme de suspense silencieux monte, de même que l’émotion. L’arrivée des astronautes, le public amassé, le compte à rebours, la réalisatrice filme tout cela en suggérant bien la solennité du moment, mais sans rompre le fil de l’intimité. L’envol final a ceci de magnifique qu’il est vécu par la mère, mais aussi par sa fille.


(edit IPTC)