Le chef d'orchestre et compositeur américain Leonard Bernstein tombe sous le charme de l'actrice costaricienne Felicia Montealegre lors de leur rencontre en 1946. Cet amour complexe est aussi grandiose que téméraire.
TELERAMA
L’acteur et réalisateur de “A Star is Born” entre cette fois dans la peau du compositeur de génie de “West Side Story”. Entre création et vie privée, Cooper a le bon goût de faire briller une Carey Mulligan déchirante.
r Très Bien
Cinq ans après sa revisite folk du classique A Star is Born, Bradley Cooper embrasse goulûment le genre casse-binette du biopic avec Maestro, présenté en compétition officielle sous pavillon Netflix à la 80e Mostra de Venise en septembre et désormais disponible sur la plateforme. Soit l’histoire d’un géant, le compositeur et chef américain Leonard Bernstein (1918-1990), auquel Cooper lui-même prête sa fougue et ses yeux bleus.
L’acteur-réalisateur fait le show à la hollywoodienne, avec prothèse nasale, mimétisme millimétré, préparation monstre (il fait illusion tant au piano qu’à la baguette, en particulier lors d’une longue séquence de direction d’orchestre oscillant entre possession et performance sportive) et bénédiction des héritiers, qui ont ouvert leur maison de famille. Franchement ? Ça marche.
Du coup de fil qui a changé sa destinée en 1943 – un chef malade et hop, voilà l’assistant appelé au pupitre du Philharmonique de New York – à la mort de son épouse Felicia Montealegre, Maestro survole la légende sur trois décennies, entre success et love story pas gnangnan. Pour y parvenir, le scénario alterne ellipses longue durée et plongées signifiantes dans l’intimité du couple formé par le musicien – dont le film révèle l’homosexualité dès le début – et la comédienne, mère de leurs trois enfants.
S’il est évidemment question de travail et de création, c’est bien ce compagnonnage au long cours, parfois transformé en triangle des Bermudes par un gars à joli minois, qui passionne Cooper. Après Lady Gaga, il offre cette fois un rôle en or à la merveilleuse Carey Mulligan (Promising Young Woman, She Said), pas là pour jouer les utilités – mais pour faire pleurer nos yeux, ça oui.
Cumulant les casquettes (il est aussi producteur, avec Scorsese et Spielberg, c’est chic), Bradley Cooper assure en homme-orchestre, notamment dans une première partie très enlevée qui s’autorise des embardées du côté de la comédie musicale. Les scènes de réception mondaines rendues dans leur brouhaha joyeux, les raccourcis stylisés (où le protagoniste passe, par exemple, directement de sa chambre à une loge de Carnegie Hall), autant de réussites qui vous embarquent pour deux heures neuf de mélo en musique.
La Deuxième de Mahler, West Side Story, la Mass, composée pour Kennedy… évidemment, la bande originale, sublime et familière, contribue à ce tourbillon d’émotion. In fine, Maestro en fait beaucoup, peut-être trop, mais trouve la note juste dans l’attention qu’il porte à Felicia et à sa place essentielle, fut-elle en coulisse