Un cinéaste dépressif fuit le monde du cinéma et se réfugie dans un univers peuplé de souvenirs et de fantasmes. Surgissent des images de son passé, son enfance et l'école religieuse de sa jeunesse, ses rêves fous de "harem", ses parents décédés. Dans la station thermale où il s'est isolé, son épouse Luisa, sa maîtresse Carla, ses amis, ses acteurs, ses collaborateurs et son producteur viennent lui tourner autour, pour qu'enfin soit réalisé le film sur lequel il est censé travailler.
TELERAMA
Voici un chef-d’œuvre façonné non seulement par un cinéaste de génie, mais par son époque. Au début des années 1960, le quadragénaire Fellini est devenu une légende vivante : La dolce vita, sa Palme d’or, son oscar et son immense succès ont parachevé sa mutation en figure de l’artiste absolu. Est-il seulement encore un homme ? C’est la question qui hante son huitième film et demi (après sept longs métrages et trois courts qui comptent pour un et demi). Sous les traits de son complice Marcello Mastroianni, le réalisateur se met en scène en créateur perdu dans sa propre identité, faite de souvenirs, de visions, de vérités, de mensonges et de fantasmes. Dans une station thermale qui évoque une antichambre du paradis ou un purgatoire, ce Guido travaille au film qu’il doit tourner, ou, plutôt, est-ce ce film rêvé qui le travaille…
Aujourd’hui, Fellini est presque aussi ignoré qu’il était adulé il y a soixante ans, et le contraste qu’il établissait entre son rayonnement mondial et cet exercice d’introspection est moins sensible — sinon à travers la présence de la foule qui accompagne Guido dans son cheminement intérieur. Une fièvre s’est dissipée mais la modernité, elle, saute toujours aux yeux. Tout particulièrement avec les sublimes portraits de femmes, qui sont le cœur battant de Huit et demi. Quand les belles se rebellent et que Guido feint de pouvoir les dompter avec un fouet, ce kaléidoscope vertigineux semble nous faire des clins d’œil et défier le temps.