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CORSAGE, Marie Kreutzer 2022, Vicky Krieps, Florian Teichtmeister (histoire bio)@@@



CORSAGE, Marie Kreutzer 2022, Vicky Krieps, Florian Teichtmeister (histoire bio)@@@
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CORSAGE, Marie Kreutzer 2022, Vicky Krieps, Florian Teichtmeister (histoire bio)@@@ ()

Élisabeth d’Autriche (Vicky Krieps, sensationnelle) fête ses 40 ans, le début de la fin…

TELERAMA
Loin du biopic, cette rêverie glacée réinvente le destin de Sissi à l’aune du féminisme contemporain. Anachronique et fascinant.

Un jour, Sissi a eu 40 ans. Corsage raconte ce début de la fin, soit quelques mois dans la vie de l’impératrice d’Autriche, en 1877, avant qu’elle ne s’éclipse volontairement — dans le scénario, du moins, qui prend des libertés radicales avec les faits. Le film, en effet, n’émarge pas vraiment au genre du biopic, s’apparentant plutôt à un récit d’émancipation fantasmé à l’aune du féminisme contemporain. On doute que la souveraine ait jamais quitté un dîner officiel en faisant un doigt d’honneur ou traité le valet de son époux de « gros connard »… Mais si Quentin Tarantino peut tuer Hitler dans Inglourious Basterds (2009) ou sauver Sharon Tate dans Once Upon a Time… in Hollywood (2019), l’Autrichienne Marie Kreutzer a le droit, elle aussi, de réécrire l’histoire par la magie du cinéma.

Elle le fait littéralement, en imaginant une rencontre, a priori fictive, entre Sissi et un pionnier du cinématographe, Louis Le Prince (Finnegan Oldfield), qui lui propose de la filmer. « Je peux dire ce que je veux tant que je souris ? » s’étonne l’intéressée, prélude à une amusante séquence muette où la captive — de son genre et de son statut — se lâche comme jamais. Car sous le titre Corsage, c’est d’une existence absolument corsetée qu’il s’agit.

Invisibilisée et scrutée
Soumise à des diktats insoutenables de minceur, de pondération, de respectabilité, Élisabeth étouffe dans ses vêtements, sous sa tonne de cheveux, dans son rôle de représentation. L’autrice insiste sur ses repas — une louche de potage transparent, deux tranches d’orange fines comme du papier à cigarette… —, les séances d’habillement qui virent à la torture, sa pratique obsessionnelle du sport, détails fameux qui viennent se frotter à d’audacieuses inventions et à des décors parfois anachroniques (gymnase aux murs écaillés, interrupteurs électriques, téléphone…), produisant des étincelles de présent dans ces images d’une impressionnante beauté glacée.

Aux antipodes de la Sissi à la guimauve d’Ernst Marischka, qui révéla (et encagea un temps) la juvénile Romy Schneider en 1955, cette chronique étrange, sorte de rêverie languide et vengeresse, offre un rôle très physique à l’éblouissante Vicky Krieps, récompensée dans la section Un certain regard de Cannes, en 2022. L’actrice luxembourgeoise campe une femme à la fois invisibilisée et scrutée, au centre de tous les regards mais s’y dérobant sans cesse — voilée, voire remplacée par une doublure — et réussit à susciter tout autant l’antipathie que l’empathie. Reste l’issue du film… La vraie Élisabeth est morte en 1898, assassinée par un anarchiste. Celle-ci a droit à une libération anticipée, dont on dira seulement qu’elle laisse un goût amer. On n’est pas chez Tarantino.


(edit IPTC)