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(taille reelle)
Salvador DALI - la persistance de la mémoire (1931)
La Persistance de la mémoire est un tableau surréaliste peint en 1931 par Salvador Dalí. C'est une huile sur toile connue dans le grand public sous le titre Les Montres molles et l'un des plus célèbres tableaux du peintre. Exposé pour la première fois à la galerie d'art de Julien Levy en 1932, le tableau est désormais dans la collection du Museum of Modern Art à New York depuis 1934.

Représentant la plage de Portlligat agrémentée de montres à gousset fondantes telles du camembert, la toile tourne autant en dérision la rigidité du temps — opposée ici à la persistance de la mémoire, titre de l’œuvre — qu'elle reflète les angoisses du peintre devant l'inexorable avancée du temps et de la mort. Dalí exploita ici les éléments les plus caractéristiques de sa période surréaliste pour développer un thème universel : le temps et la mort. Il en résulte une œuvre à la fois emblématique de l’œuvre dalienne et une portée universelle.

D'après la fondation Gala-Salvador Dalí, bien qu'il n'y ait aucune certitude sur le lieu de création de la toile, il est probable qu'elle fut créée à Portlligat, peu après que le couple y eut acheté une maison de pêcheur, en mars 1930, et au début de l'intense bouillonnement artistique qui marqua l'avènement de la Seconde République espagnole (1931-1936), avec la formation du GATCPAC par exemple. Dali était alors en pleine période surréaliste ; il avait été intégré dans le cercle des surréalistes parisiens depuis 19293 et avait inventé récemment la méthode paranoïaque-critique. Sa relation avec Gala et une accusation de blasphème sur sa mère avaient entraîné la rupture des rapports avec sa famille deux ans auparavant. L'artiste était en plein renouveau tant artistique que personnel.

Dans son œuvre autobiographique La Vie secrète de Salvador Dali le peintre explique qu'après un repas avec des amis et sa femme, il devait accompagner le groupe au cinéma mais une migraine l'ayant pris il préféra les laisser y aller sans lui. Quand ils furent partis, son regard se perdit dans le camembert mou qui traînait dans son assiette. En y pensant, il se remémora les moments passés avec sa femme ; il en conclut qu'avec le fort caractère qu'elle avait, elle lui avait forgé comme une carapace qui le protégeait de l'extérieur mais il trouvait qu'à l'intérieur, il était « comme tout mou ».

Appliquant sa méthode surréaliste paranoïa-critique, il laissa la mollesse du camembert inspirer son imagination et réinterpréter sa hantise de la mort, comme mollesse du temps, en montres molles. Il avait déjà fait le fond de son prochain tableau : le paysage désertique de Port Lligat avec les rochers, et esquissé un olivier. Il y ajouta les montres, pendant le temps que dura la séance de cinéma.

De ce tableau qui devint une des œuvres les plus emblématiques de Dalí, le peintre raconta que Gala lui affirma que « personne ne peut l’oublier après l’avoir vu ».

En fond est représentée la crique de Portlligat, à laquelle Dali était très attaché et qui, d'après Robert Descharnes servit de « toile de fond, de portant et de rideau de scène » aux œuvres du peintre. Dali affirma à ce propos :
« lié à jamais à ce Portlligat – qui veut dire port lié - où j’ai défini toutes mes vérités crues et mes racines. Je ne suis chez moi qu’en ce lieu ; ailleurs je campe. »
Occupant le tiers supérieur de la toile, et de haut en bas, le tableau représente un ciel crépusculaire dominant une plage et la Méditerranée. L'horizon marin qui sert de point de fuite est le seul élément lumineux de la toile. La crique, les rochers et les falaises de Portlligat sont représentés à droite. Pour la fondation Gala et Salvador Dali, le peintre « offre une vision simple et austère de la nature, un paysage plutôt statique qui transmet une certaine idée de stérilité ». La lumière semble vitrifier le paysage.

Les deux tiers inférieurs de la toile sont occupés par la plage où se trouvent trois montres molles et une dure. Les couleurs dominantes sont froides. Des montres, l'une est suspendue à une branche « d'olivier », l'autre repose sur une forme blanche cadavérique allongée sur le sable qui n'est autre qu'une représentation déformée du Grand masturbateur. Cet élément récurrent et obsessionnel de Dali depuis la réalisation de la toile homonyme, contient un autoportrait du peintre sous la forme des rochers de Portlligat qui sont déjà représentés en fond de cette toile (les falaises à droite). Enfin, les deux dernières montres reposent sur le bord d'un meuble situé à l'extérieur du champ de vision du spectateur et dont seul un angle est visible dans le coin inférieur gauche de l’œuvre.

Aucune de ces montres n'indique la même heure, même si les couleurs et la lumière sont celles du crépuscule. Des deux dernières montres, l'une est molle et est surmontée par une mouche - insecte volant et lié à un sentiment positif chez Dali. La dernière montre est la seule rigide et la seule peinte dans une couleur chaude, orangée, se démarquant nettement des montres molles aux tonalités bleutées froides. C'est une montre à gousset tournée sur son envers et masquant en conséquence l'heure. Elle est infestée de fourmis - insecte au contraire, lié à un sentiment d'horreur chez le peintre. Jean-Hubert Martin suggère que cette dernière soit la montre du père de Dali avec lequel il était profondément brouillé.

Dali exploite dans cette œuvre la plupart de ses éléments picturaux récurrents de cette période : l'opposition dur-mou (rigidité du temps, de l'olivier mort, mollesse du fromage), le comestible (camembert), le bestiaire (fourmis, mouches), la sexualité et l'autoportrait (Le Grand Masturbateur) et le paysage de Portlligat comme fond. Il développe un thème universel, le temps, la mort.

Par sa construction - lignes de fuites du meuble, plans successifs des montres, horizon marin - la peinture guide l’œil du spectateur. Il existe deux axes de lecture. Le premier, suivant l'angle du meuble sur la plage aboutit au point de fuite situé au-delà (et au-dessus) de la toile. La succession des couleurs va des couleurs froides de la plage et du meuble, vers les couleurs chaudes et claires de l'horizon, opposées au reste de la toile et qui attirent le regard. La vision passe, plan par plan, de la plage sombre vers l'horizon, puis vers un au-delà marqué par la clarté du point de fuite, interprété souvent comme une invitation à l'au-delà, tant du tableau comme de la vie : le thème central est ici la mort et l'angoisse du temps qui passe. Un second axe de lecture est la diagonale depuis l'angle inférieur gauche jusqu'à l'angle supérieur droit, qui est matérialisée par le bord supérieur du grand masturbateur sur la plage, et qui passe également d'une zone froide et sombre aux lumineux rochers de Portlligat sur l'horizon.

Montrant au centre une étrange créature qui n'est qu'un autoportrait de lui-même avec des longs cils également présent dans la toile Le Grand Masturbateur, la toile tourne en dérision la rigidité du temps chronométrique et est une allégorie de l'immortalité. Pour l'association els amics del museu de Dali

« Il est évident que Dalí évoque ici l’une des préoccupations les plus artificielles et abstraites inventées par l’homme : l’obsession de contrôler le temps par les heures que marque la montre [...] Dalí déforme les instruments même qui doivent nous informer sur le temps et il en annule la fonction. »

Ces éléments doivent enfin être mis en relation avec le titre. Comme le firent souvent les surréalistes, Dalí oppose frontalement le contenu de la peinture à son titre. Si la toile représente la fugacité du temps par ses montres molles aux heures différentes, si l'image oblige l’œil à parcourir rapidement le tableau, le titre la persistance de la mémoire renvoie aux notions opposées de statique et de durée.

Dans un entretien télévisé de 1961, Dalí explique que « Les montres molles sont comme du fromage, et surtout comme le camembert quand il est tout à fait à point, c’est-à-dire qui a la tendance de commencer à dégouliner », justifiant le mysticisme du tableau par le fait que « Jésus, c’est du fromage », et même « des montagnes de fromage », ce qui selon lui est affirmé par saint Augustin dans une interprétation d'un psaume incertain de la Bible comparant Dieu à une ou des montagnes16 ; et, en effet, Augustin, dans son Discours sur le Psaume LXVII, commente le verset 16Note 2 dudit psaume de la façon suivante :

« C'est cette montagne de Selmon que le Prophète appelle ensuite « Montagne de Dieu, montagne fertile, montagne laiteuse, ou grasse ». Quel autre sens que celui de la fertilité peut-on donner à une montagne grasse ? Car cette montagne, c'est-à-dire « Selmon » est encore appelée de ce même nom. Mais nous, quelle montagne devons-nous entendre par cette « montagne de Dieu, cette montagne fertile, cette montagne grasse », sinon ce même Christ, Notre-Seigneur, dont un autre Prophète a dit : « Voilà que dans les derniers jours, la montagne du Seigneur se manifestera au-dessus du sommet des montagnes ? » »

Dans la Vulgate, on retrouve bien au verset 16 de ce psaume « Mons Dei mons pinguis mons coagulatus mons pinguis ». Pinguis et coagulatus, qui devraient être interprétés selon des sens imagés (« terre fertile »), sont ici pris dans leurs sens littéraux : « gras » et « caillé, coagulé en fromage » respectivement.

Influences[modifier | modifier le code]
Il reprit cette évocation vingt ans plus tard, sous l'influence manifeste de sa lecture artistique des avancées scientifiques (de la physique quantique en particulier), qui étaient en plein développement. Il réétudia son tableau en créant La Désintégration de la persistance de la mémoire.