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UN COEUR INVAINCU, Michael Winterbottom 2007, Angelina Jolie, Dan Futterman



UN COEUR INVAINCU, Michael Winterbottom 2007, Angelina Jolie, Dan Futterman
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UN COEUR INVAINCU, Michael Winterbottom 2007, Angelina Jolie, Dan Futterman ()

Le 23 janvier 2002, le monde apprend l'assassinat de Daniel Pearl, un journaliste américain exécuté par des extrémistes pakistanais. Le reporter enquêtait sur Richard Reid, activiste et vendeur d'armes. Mariane, son épouse, rédige l'histoire de son enquête, de son enlèvement, de sa mort et de sa propre souffrance après la disparition de sa mari.

TELERAMA
La mort du reporter Daniel Pearl racontée par Michael Winterbottom, qui dose avec finesse suspense et réalisme.
Souvenez-vous, c'était en février 2002 : la technologie moderne se mettait au service de la barbarie. Une vidéo de mise à mort circulait sur le Web et des milliers d'internautes s'agglutinaient devant l'écran. Face caméra, Daniel Pearl, reporter international pour le Wall Street Journal, était décapité à Karachi par un groupuscule d'islamistes. Quelque temps après, son épouse, la journaliste Mariane Pearl, décrivait dans un livre les quatre semaines qui ont séparé l'enlèvement de son mari de l'annonce de sa mort. Un mois d'une enquête éprouvante aux allures de course contre la montre.

Dans les mains d'un quelconque faiseur de Hollywood, un tel récit aurait probablement servi de prétexte à un produit certifié conforme, avec scènes d'horreur, séquences émotion et épilogue patriotard. Heureusement pour la mémoire de Daniel Pearl, journaliste scrupuleux, le soin d'adapter Un coeur invaincu est revenu au Britannique Michael Winterbottom. Le choix n'a rien d'incongru : de Welcome to Sarajevo à The Road to Guantanamo, qui pointait les dérives de la croisade antiterroriste de Bush, le cinéaste a montré une certaine habileté à faire surgir la fiction d'une démarche documentaire.

Cette fois encore, il incarne plus qu'il ne reconstitue la réalité. La force du film réside principalement dans cet exercice d'équilibriste : rester sur le fil d'un troublant réalisme sans jamais tomber dans un naturalisme douteux. Sale, grouillant et assourdissant, Karachi est filmé sur le mode du reportage, souvent caméra à l'épaule. La ville semble s'étendre comme une lèpre. D'interviews en tuyaux, Daniel vit sa dernière journée d'homme libre mais il est déjà le jouet du destin. Catapulté au coeur des événements, là où tout se passe, il avance à l'aveugle, ballotté par le cours des choses, déjà piégé.

Au chaos de cette ville guêpier s'ajoute bientôt la désorganisation des services chargés de l'enquête. Dans la maison du couple Pearl, transformée en QG, commence un ballet désynchronisé : policiers locaux, membres des services de renseignement pakistanais et américains... Une collaboration difficile se met en place, non sans quelques ratés. Pour le cinéaste, c'est l'occasion de saisir à la volée la topographie de l'après-11 Septembre : bourbiers géopolitiques, sédiments de haine et diplomatie de la terre brûlée. De la complexité de ce nouveau monde, né dans les cendres de « Ground Zero », il glisse ici ou là quelques exemples : une image passe furtivement sur un écran de télé pour nous rappeler au bon souvenir de Guantánamo et de ses sbires accrédités. Ou bien c'est une scène d'interrogatoire musclé de la police pakistanaise qui énonce, en passant, une dérangeante vérité : la torture n'est pas l'apanage des méchants.

De la maison des Pearl à Karachi, en état de siège permanent, à celle des parents de Daniel à Los Angeles, assaillie par une armada de journalistes, le film montre comment l'enlèvement est devenu en l'espace d'un mois un feuilleton à rebondissements mondialement diffusé. Lorsqu'un journal révèle la judéité de Daniel, Mariane est folle de colère : elle sait qu'il n'en faudra pas plus pour que les ravisseurs de son mari fassent de lui un « espion du Mossad ». Autant dire un condamné à mort.

Plusieurs fois, on croit le dénouement tout proche, mais l'attente se poursuit, de demande de rançon en faux espoirs. Incontestablement efficace, cette tension dramatique nous laisse parfois mal à l'aise, nous qui connaissons trop bien la fin de l'histoire... Pourtant, une fois le martyre de Daniel révélé, le film évite tout sensationnalisme, préférant rendre hommage à la dignité de Mariane Pearl, au « coeur invaincu » par la haine. Grâce à Angelina Jolie, le film réussit ainsi son autre défi : le beau portrait d'une femme d'exception. De la présence intense (et inattendue) de l'actrice émane une énergie entêtée, tendue vers un seul objectif : connaître la vérité sur le sort de celui qu'elle aime. Et quand le pire arrive pour lui, le pire commence pour elle : apprendre à vivre avec.