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--HOGARTH (William), ivresse 1732 - BREL (Jacques), ces gens la


Les moeurs déréglées sont l'ivresse des mortels

proverbe oriental

William HOGARTH - La Carrière d’un Roué: orgie 1732
L'artiste met en en scène un libertin type : Tom, un jeune homme in­fluençable, qui originaire de la campagne vient de débarquer à Londres après avoir hérité d’une grosse somme et dilapide son argent. À trois heures du matin, il se trouve dans une taverne à prostituées, Rose Tavern, Drury Lane, à Covent Garden, au beau milieu d’une orgie. Avachi, épuisé, il a l’air émasculé et ridicule. Les « vins étrangers » l’ont rendu aussi saoul qu’un lord (As drunk as a Lord).
Sir John Soane's Museum, Londres

Illustration musicale: Jacques BREL - ces gens là

D'abord il y a l'aîné, lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez, lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qu'il boit ou tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts mais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuit et qui se prend pour le roi
Qui se saoule toutes les nuits avec du mauvais vin
Mais qu'on retrouve matin dans l'église qui roupille
Raide comme une saillie, blanc comme un cierge de Pâques
Et puis qui balbutie et qui a l'oeil qui divague
Faut vous dire Monsieur que chez ces gens-là
On ne pense pas Monsieur, on ne pense pas, on prie


Et puis, il y a l'autre des carottes dans les cheveux
Qu'a jamais vu un peigne, qu'est méchant comme une teigne
Même qu'il donnerait sa chemise à des pauvres gens heureux
Qui a marié la Denise, une fille de la ville
Enfin d'une autre ville et que c'est pas fini
Qui fait ses petites affaires avec son petit chapeau
Avec son petit manteau, avec sa petite auto
Qu'aimerait bien avoir l'air mais qui n'a pas l'air du tout
Faut pas jouer les riches quand on n'a pas le sou
Faut vous dire Monsieur que chez ces gens-là
On ne vit pas Monsieur, on ne vit pas, on triche

Et puis, il y a les autres, la mère qui ne dit rien
Ou bien n'importe quoi et du soir au matin
Sous sa belle gueule d'apôtre et dans son cadre en bois
Il y a la moustache du père qui est mort d'une glissade
Et qui regarde son troupeau bouffer la soupe froide
Et ça fait des grands *shllls* et ça fait des grands *shllls*
Et puis il y a la toute vieille qu'en finit pas de vibrer
Et qu'on attend qu'elle crève vu que c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on écoute même pas ce que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire Monsieur que chez ces gens-là
On ne cause pas Monsieur, on ne cause pas, on compte

Et puis, et puis, et puis il y a Frida
Qui est belle comme un soleil et qui m'aime pareil
Que moi j'aime Frida même qu'on se dit souvent
Qu'on aura une maison avec des tas de fenêtres
Avec presque pas de murs et qu'on vivra dedans
Et qu'il fera bon y être et que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-être, parce que les autres veulent pas
Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça, qu'elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon à égorger les chats
J'ai jamais tué de chats ou alors y a longtemps
Ou bien j'ai oublié ou ils sentaient pas bon
Enfin ils ne veulent pas parfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprès avec ses yeux mouillants
Elle dit qu'elle partira, elle dit qu'elle me suivra
Alors pour un instant, pour un instant seulement
Alors moi je la crois, Monsieur
Pour un instant, pour un instant seulement
Parce que chez ces gens-là Monsieur, on ne s'en va pas
On ne s'en va pas Monsieur, on ne s'en va pas
Mais il est tard Monsieur
Il faut que je rentre chez moi