Henri de MONTHERLANT - Les Jeunes filles (roman) (1939)
En se penchant un peu en arrière, il voyait, derrière le dos de Solange, la jeune femme qui était assise à côté d’elle ; adossée dans son fauteuil, elle écoutait, bouche entrouverte et les yeux clos. Elle n’était pas jolie, mais Costals la désirait:
1° parce qu’il trouvait convenable que, dans la même minute où il caressait pour la première fois une jeune personne, il en désirât une autre ;
2° parce que, donnant l’apparence du sommeil, il était impossible qu’elle ne levât pas en lui la pensée d’abuser de ce sommeil ;
3° parce qu’il lui semblait que, pour éprouver une telle extase d’un phénomène aussi insipide que cette musique, il fallait qu’elle fut détraquée ; or, il n’aimait que les jeunes filles saines et simples, comme Solange, c’est pourquoi cela lui était agréable d’avoir envie d’une femme détraquée.
« Lisez cela. C’est plus qu’un roman. C’est à mon sens ce qui a été dit de plus cruel et de plus vrai sur les jeunes filles. » Romain Rolland
Montherlant propose ici une étude quasi zoologique sur la femme, mais il le fait avec l’élégance et la finesse nécessaires. une satyre sociale et culturelle de son époque ne se limitant pas à la femme. « Une singerie unanime portait les auditeurs à s’imiter les uns les autres dans leurs airs pénétrés, tandis que de la scène la glaire sonore continuait à s’épendre, intarissablement. »
A noter la présence d’un personnage féminin à l’intelligence et à la culture venant apporter un contrepoids au ton du livre et venant rappeler indirectement que Les jeunes filles reste une fiction.