Lu XUN - la veritable histoire de Ah Q - le Journal d'un fou (farce) (1921)
La Véritable Histoire de Ah Q est une nouvelle longue de l'écrivain Lu Xun, initialement parue en feuilleton hebdomadaire dans Nouvelles du matin du 4 décembre 1921 au 12 février 1922. Écrite après le mouvement du 4 mai 1919, elle est une satire de la société chinoise et de la révolution inachevée de 1911.
La nouvelle s'inscrit dans le courant progressiste, né au début du xxe siècle, qui cherchait à comprendre les raisons des malheurs de la Chine8, et qui à l'origine du Mouvement du 4 mai 1919. Dans le préface (le premier chapitre), Lu Xun parle de son langage, qu'il revendique, « celui des colporteurs et des tireurs de pousse-pousse ». Ce langage est le baihua, la langue parlée, que Lu Xun avait le premier utilisé dans une œuvre littéraire moderne (Le Journal d'un Fou, publié en 1918 dans la revue Nouvelle Jeunesse, fondée par Chen Duxiu), à la suite du manifeste de Hu Shi, qui appelait à l'abandon du chinois littéraire, manifeste publié par la même revue en 1917. C'est des partisans de la tradition, favorable au chinois littéraire, dont Lu Xun se moque, cherchant parmi les innombrables sous-genres (biographie officielle, non officielle, grande, petite, familiale...) du genre biographique celui qui correspondrait le mieux à la biographie qu'il veut écrire. Lu Xun s'oppose d'autant plus à la tradition que sa biographie n'est pas celle d'un personnage d'importance, mais celle, littéralement, d'un anonyme. La lettre Q représenterait en outre la tête du Chinois, avec sa natte, symbole de soumission des Hans aux Mandchous9. À la fin du premier chapitre, Lu Xun vise nommément Hu Shi, qui, après avoir été l'un des principaux initiateurs du mouvement réformiste, en était devenu l'un des principaux critiques.
La Véritable Histoire de Ah Q est aussi une satire de la révolution ratée (dans l'optique de Lu Xun) de 1911, révolution à laquelle il a assisté, et participé, dans sa ville natale de Shaoxing. De ces événements, il écrit en 1926 : « En apparence, tout avait changé, mais sous la surface, tout continuait comme avant10. » Les mêmes notables, les Zhao et les Qian de la nouvelle, et la même administration sont toujours en place. Lu Xun revient aussi sur sa nouvelle pour dénoncer, dans les années 1920, une réalité qui a empiré : « J'ai cru à un moment que j'avais exagéré et je ne le crois plus. Si je me mettais à décrire tels quels des événements qui se produisent aujourd'hui en Chine, ils apparaîtraient grotesques aux gens des autres pays ou à ceux d'une Chine à venir, meilleure11. » À un critique lui reprochant la présence, « par trop exagérée », d'une mitrailleuse lors de l'arrestation de Ah Q, Lu Xun répond : « Selon les nouvelles, des étudiants voulurent faire une pétition auprès des autorités, mais celles-ci en avaient été averties et elles envoyèrent des renforts à la Porte de l'Ouest et firent placer deux mitrailleuses à la Porte de l'Est [...]. Mais voilà qu'on place maintenant deux mitrailleuses, une seule ne suffisant pas12. »