Les Ambassadeurs (1903) est, avec les Ailes de la colombe et la Coupe d’or, un des trois grands romans de Henry James : toute l’affaire se résume à la déclaration irrépressible de Lambert Strether au petit Bilham, un dimanche après-midi, dans le jardin de Gloriani, et à la franchise avec laquelle il cède, pour l’instruction de son jeune ami, à la charmante exhortation de ce moment de crise. L’idée de cette histoire réside en réalité dans le fait même qu’il ait pu ressentir comme un moment de crise une circonstance aussi exceptionnellement agréable, et qu’il ait de la peine à l’exprimer pour nous aussi clairement que nous pourrions le désirer.» Difficile après cela pour le lecteur d’imaginer qu’il va se retrouver dans un des plus émouvants romans de James et, surtout, dans un des plus passionnants, dont on tourne les pages dans l’espoir d’arriver à la résolution de l’intrigue qui réglera tout on ne sait comment et qui règle en définitive une question éthique.
Les Ambassadeurs est un chef-d’œuvre que l’auteur ne sait vendre qu’avec ses arguments à soi, c’est-à-dire pratiques et théoriques à la fois (comment lui est venue l’idée du livre et comment il la réalisa). La leçon que le lecteur doit en tirer est «que le Roman demeure encore, mené par une juste conviction, la plus indépendante, la plus élastique, la plus prodigieuse des formes littéraires».