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samedi 06 juillet 2024 - 14h28rech / rep
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(taille reelle)
Thérèse et Isabelle (Violette Leduc) ()
«Isabelle allongée sur la nuit enrubannait mes pieds, déroulait la bandelette du trouble. Les mains à plat sur le sol, je faisais le même travail de charme qu’elle. Elle embrassait ce qu’elle avait caressé puis, de sa main légère, elle ébouriffait et époussetait avec le plumeau de la perversité. La pieuvre dans mes entrailles frémissait, Isabelle buvait au sein droit, au sein gauche. Je buvais avec elle, je m’allaitais de ténèbres quand sa bouche s’éloignait. Les doigts revenaient, encerclaient, soupesaient la tiédeur du sein, les doigts finissaient dans mon ventre en épaves hypocrites.»

Un monde d’esclaves qui avaient même visage que celui d’Isabelle, éventaient mon front, mes mains. »
« Isabelle grisait mes chevilles, mes genoux pourris de délices. J’étais fendue de chaleur comme un fruit, j’avais le même écoulement de liqueur. »
« Je modelais son épaule, je voulais pour elle des caresses marines, je désirais sous ma main une épaule houleuse, une écorce. Elle fermait mon poing, elle lissait un galet. »
« Elle foulait mon cœur, mon ventre, mon front avant d’entrer. Une ville-lumière venait vers moi. »
« J’encadre son visage avec de la folie. »
« J’entrais dans sa bouche comme on entre en guerre.
Nous avons enveloppé de zéphyrs nos jambes, nous avons eu des rumeurs de taffetas au creux des mains. »
« Ce déferlement de douceur me finit. J’avais le genoux en cendres. Nous étions ruisselantes de lumière. »
« Isabelle m’embrassait partout. Elle me couvrait de décorations : je l’accablais de médailles. »
« Ma bouche rencontra sa bouche comme la feuille morte la terre. Nous nous sommes baignées dans ce long baiser… »
« Mon petit fragile, mon anémone mouillée. »
« Mon regard me revenait comma la vague qui s’est fait mal. Je domptais les miroirs dans ses yeux, elle domptait les miroirs dans mes yeux. »
« Le temps venait et passait avec ses foulards de crêpe. Ma main se voulait moiteur d’étable. Mon cœur battait sous mes paupières, dans mon gosier. La chair dilatée remercia, le plaisir sévère se propagea dans les pétales. Le doigt sortit d’un nuage, entra dans un autre. »
« Le sexe nous montait à la tête. Un nombre incalculable de cœurs battaient dans son ventre, sur mon front. Ma langue cherchait dans de la nuit salée, dans de la nuit gluante, sur de la viande fragile. Plus je m’appliquais plus mes efforts étaient mystérieux. J’hésitai autour de la perle. »
« La chair polissait mon doigt et mon doigt polissait la chair d’Isabelle. Le mouvement se fit sans nous : nos doigts rêvaient. J’assouplis les trépassés, je fus ointe jusqu’aux os avec les huiles païennes… »