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delbo - aucun de nous ne reviendra
"(...) il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent/ une gare où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui sont partis ne sont jamais revenus./ C'est la plus grande gare du monde./ C'est à cette gare qu'ils arrivent, qu'ils viennent de n'importe où./ Ils y arrivent après des jours et après des nuits (...) Tous ont emporté ce qu'ils avaient de plus cher parce qu'il ne faut pas laisser ce qui est cher quand on part au loin./ Tous ont emporté leur vie, c'était surtout sa vie qu'il fallait prendre avec soi./ Et quand ils arrivent/ ils croient qu'ils sont arrivés/ en enfer/ possible. Pourtant ils n'y croyaient pas./ Ils ignoraient qu'on prît le train pour l'enfer mais puisqu'ils y sont ils s'arment et se sentent prêt à l'affronter/ avec (...) les vieux parents avec les souvenirs de famille et les papiers de famille./ Ils ne savent pas qu'à cette gare-là on n'arrive pas (...)"

Première partie d’une trilogie intitulée Auschwitz et après, Aucun de nous ne reviendra est un récitatif porté à l’intensité de la douleur. De l’arrivée des trains à Auschwitz, « la plus grande gare du monde », aux souffrances et découragements de chaque jour, semblables à une Passion portée par toutes les déportées, le récit de Delbo ne tait rien. Mais son refus d’ignorer les horreurs est contrebalancé par une attention constante portée aux déportées devenues amies, aux disparues dont il faut rappeler le nom par-delà la mort, aux prochaines condamnées, désespérées, épuisées, au bord de la folie. C’est par cette tendresse poignante que le texte de Delbo bascule de page en page vers la poésie, le témoignage devenant chant repris par toutes, choeur pour les mortes, sépulcre de celles enfouies par la neige, effacées par la crémation, aux membres disloquées par le froid et la brutalité.