Bible

La Bible est le nom français donné au regroupement des textes saints du judaïsme (24 livres), ou du christianisme (autour de 40 livres suivant les divers canons), en un seul livre. Toutefois, chacune de ces religions, voire chacun de leurs courants internes, entretient un rapport différent avec ces textes fondamentaux.

Le mot « Bible » désigne l’ensemble des textes religieux juifs (Bible hébraïque) ou judéo-chrétiens (Bible chrétienne). La Bible rassemble, en un ouvrage unique, une collection d’écrits très variés (récits des origines, textes législatifs, récits historiques, textes sapientiaux, prophétiques, poétiques, hagiographies, épîtres) dont la rédaction s’est échelonnée sur plusieurs siècles (VIIIe-IIe s. AEC pour la Bible hébraïque). Les versions connues aujourd'hui, comme le Codex Sinaiticus pour le Nouveau Testament, sont notablement plus tardives que la période supposée de rédaction. Ceci laisse un immense champ d'exploration aux exégètes et aux historiens et pose en termes aigus la question d'un recours littéral au texte.

La Bible hébraïque se nomme TaNaKh, acronyme formé à partir des titres de ses trois parties constituantes : la Torah (la Loi), les Neviim (les prophètes) et les Ketouvim (les autres écrits)1. Elle fut traduite en grec ancien à Alexandrie. Cette version, dite des Septante, fut utilisée plus tard par Jérôme de Stridon pour compléter sa traduction latine de la Bible à partir de l'hébreu (la Vulgate) et par les « apôtres des Slaves » Cyrille et Méthode pour traduire la Bible en slavon.

Les chrétiens nomment Ancien Testament la partie qui reprend le Tanakh et d'autres textes antiques non repris par la tradition judaïque2. La Bible chrétienne contient en outre un Nouveau Testament qui regroupe les écrits relatifs à Jésus-Christ. Il s'agit des quatre Évangiles, des Actes des Apôtres, des Épîtres et de l'Apocalypse3.

Le mot « bible » vient du grec ancien βιϐλία (biblia), un mot neutre au pluriel qui signifie « livres ». Comme les papyrus égyptiens étaient particulièrement bien préparés dans la ville de Byblos, les Grecs adoptèrent le terme de « biblion » (βιϐλίον) pour désigner le livre. Ce mot s'est conservé jusqu'à nos jours. Il est passé dans la langue française par l’intermédiaire du latin bíblia, de même sens, à savoir « les Livres (saints) ».

Le corpus biblique réunit plusieurs livres d'origines diverses, d'où le pluriel originel du mot « bible ». La liste actuelle de ces livres, appelée canon (mot grec κανων signifiant règle), ne varie que pour quelques livres du judaïsme tardif se trouvant initialement présents dans les versions en langue grecque de l'Ancien Testament comme la Septante. Leur nombre va de 22 à 73 livres ; la différence est aussi due à des regroupements.

L'histoire de la fixation du canon est complexe, d'autant qu'elle concerne les deux religions, elles-mêmes différentes, et qui se sont séparées à cette époque. Ainsi, le Talmud garde trace des discussions pour savoir s'il fallait admettre dans le canon juif le Cantique des Cantiques et le Livre d'Esther, qui ont été acceptés, ou la Sagesse de Ben Sira (Siracide ou Ecclésiastique), qui ne l'a pas été.

La version hébraïque canonique est dite « massorétique ». La Biblia Hebraica Stuttgartensia en est la principale édition critique, publiée pour la première fois en 1936. Elle se fonde sur le Codex de Léningrad, un manuscrit du xe siècle dont on dit qu'il fut mis au point par la famille d'éminents massorètes Ben Asher.

La Bible hébraïque connaît un type de division particulier, celui des parashiyot (singulier : parasha) (marquées par la lettre dans le texte), qui représente la répartition des lectures hebdomadaires de la Torah. Ces passages bibliques sont au nombre de 54.

Les Massorètes ont divisé les Écritures hébraïques en versets.

La version King James (en anglais) comprend 1 189 chapitres et 31 171 versets. En 1227, Stephen Langton, professeur à l'Université de Paris, puis archevêque de Cantorbéry, divise la Bible en chapitres ; auparavant, la taille du parchemin commandait la division. En 1250 le cardinal Hugues de Saint-Cher reprend cette division. Les versets furent créés par Robert Estienne en 1539 à l'occasion de l'impression de la Bible d'Olivétan, 2e édition. En 1555 fut publiée l'édition de la Vulgate latine par Robert Estienne; c'était la première Bible complète avec la numérotation actuelle des chapitres et des versets. Ce système permet de faire correspondre les versions hébraïque, grecque, latine et autres (pour autant qu'elles aient le même texte).

Dans les éditions récentes de la Bible, certains versets de la division établie par Robert Estienne ont disparu (en fait leur nombre est limité) ou ont été remplacés par '-'. Les manuscrits les plus anciens ne contenant pas ces versets (c'est également vrai pour certains mots), ils ont été écartés des textes admis comme fiables par les spécialistes4.

Le texte en hébreu

La Bible hébraïque est écrite en hébreu (comme le nom l'indique) avec quelques passages en araméen. La tradition juive divise la Bible en trois grandes parties, désignées par le terme TaNaKh, acronyme de leurs titres en hébreu, la Torah, les Neviim, les Ketouvim :

Les Juifs considèrent traditionnellement que la Torah fut dictée par Dieu et écrite par Moise lui-même. Un travail de structuration est attribué à Esdras et à la Grande Assemblée. À l'époque romaine, les prophètes n'étaient pas reçus par la totalité du judaïsme, et la liste des Écrits restait encore ouverte. Avant même la traduction grecque, ont existé en araméen, langue officielle de l'empire perse à l'ouest de l'Euphrate, des traductions commentées, appelées « Targoum », qui attestent une lecture publique des livres bibliques.

Les origines du Tanakh ne font pas consensus. La tradition attribue sa composition actuelle aux Pères de Yabné sans doute au début du iie siècle EC. C'est la Bible selon le judaïsme. Ce texte sera retenu en 1530 comme Ancien Testament par les protestants, qui l'éditeront pourtant dans l'ordre des livres de la Bible grecque.

La version grecque des Septante

Le Tanakh fut traduit en grec à Alexandrie, suivant l'obligation faite à tout navire mouillant dans son port de livrer une traduction et un original des livres tenus à bord au dépôt de la bibliothèque d'Alexandrie, et aussi pour permettre aux Juifs résidant en Égypte d'étudier un texte devenu pour eux incompréhensible, car ils ne connaissaient plus l'usage de l'hébreu.

Selon une légende rapportée par la Lettre d'Aristée 5 et amplifiée depuis, la traduction en grec de la Torah, dite « des Septante » ou « alexandrine », est l'œuvre de soixante-douze savants juifs, six par tribu, qui, à la demande des autorités grecques d'Égypte (et isolés pendant soixante-douze jours, selon certaines versions), aboutirent à un texte commun.

Cette traduction devait être reçue comme ayant autant de valeur que l'œuvre originale, malgré certaines critiques. Cette version fut conservée à la bibliothèque d'Alexandrie avec les « Lois » : elle ne relève pas alors de la religion, mais du code coutumier du peuple juif. Toujours est-il que le nom de « Septante » est resté à cette traduction du IIIe siècle AEC et à toute la Bible grecque par extrapolation. Les autres livres ont été traduits, voire écrits directement, en grec, au fil des siècles suivants.

Ce corpus, largement répandu dans la diaspora juive hellénophone du Ier siècle, sera adopté tel quel par les premiers chrétiens6, et constitue l'Ancien Testament.

Lors de l’instauration du judaïsme rabbinique, pour se démarquer du christianisme naissant, le texte grec est abandonné dans le monde juif au profit du texte hébreu, pour des raisons à la fois linguistiques et religieuses7. Après avoir été la version la plus répandue dans le monde juif hellénistique, la Septante devient l'Ancien Testament des chrétiens. Dès lors, le judaïsme la rejette de plus en plus à partir de la fin du Ier siècle EC8. Dans le monde chrétien, en revanche, la Septante continue d'être la référence et connaît plusieurs traductions en latin. Elle ne sera remplacée par la Vulgate que tardivement, au viiie siècle9.

La Vulgate

Lors de sa traduction de la Bible en latin, la Vulgate, Jérôme choisit la version hébraïque lorsqu'elle existe, et met en annexe les livres pour lesquels elle n'existe pas ou plus. Mais les Églises catholique et orthodoxe garderont l'ordre des livres de la Septante, à savoir :

Jérôme entreprend la traduction du Nouveau Testament en 382, trois ans avant celle de l'Ancien Testament. Pour l'Ancien Testament, il travaille à partir d’un manuscrit original en hébreu, proche du texte massorétique, et se rend en Terre sainte pour consulter les érudits juifs afin de respecter la veritas hebraica au-delà de la tradition hellénisante. Il n’a sans doute pas traduit les livres deutérocanoniques, à l'exception de ceux de Tobie et de Judith, puisque ces textes ne font pas partie du canon hébraïque.

Pour les Évangiles, la Vulgate utilise les manuscrits grecs. Les autres livres du Nouveau Testament ne doivent rien à Jérôme : leur traduction latine est attribuée à ses contemporains, dont Rufin le Syrien.

Il achève son œuvre en 405.

Hypothèses sur les divergences textuelles

La Septante est souvent plus proche de la version samaritaine que du texte massorétique actuel, et, de même, les textes juifs des manuscrits de la mer Morte retrouvés à Qumrân et écrits entre le iiie siècle av. J.-C. et ier siècle divergent parfois (dans les textes en hébreu) du texte massorétique, ou reprennent (dans les quelques textes en grec) le texte de la Septante. Plus encore, certaines traductions grecques de la Septante correspondent étroitement à des textes hébreux des manuscrits de la mer Morte15. Ces ressemblances entre ces textes juifs et la version samaritaine du Pentateuque peuvent être interprétées de quatre façons :

En toute hypothèse, si les divergences concernant la place du mont Garizim et de Jérusalem s'expliquent aisément, tant elles sont fondatrices pour l'existence même des Juifs et des Samaritains, les divergences ou les ressemblances entre la Bible samaritaine et les différentes versions juives connues (Septante, texte massorétique et manuscrits de la mer Morte) ont des origines plus obscures.

Les religieux de chaque groupe sont persuadés que c'est l'autre communauté qui a modifié le texte dicté par Dieu.

Les livres deutérocanoniques (apocryphes pour les protestants)

Les Livres deutérocanoniques sont des textes ajoutés au cours du temps au canon officiel de la Septante, que catholiques et orthodoxes considèrent comme faisant partie de la Bible, mais qui n'ont pas été acceptés dans le canon par Luther, puisque lui-même se fonde sur la Bible hébraïque. Luther les jugeait néanmoins utiles. Les protestants les nomment « apocryphes » (du grec αποκρυφος, caché) ; les catholiques les nomment « deutérocanoniques », c’est-à-dire entrés secondairement dans le canon (du grec δευτερος, deuxième), ce qui a été définitivement confirmé au concile de Trente en 1546.

Certains des livres de la Septante n'ont pas été admis même comme deutérocanoniques. Ils ne sont reconnus par aucune Église et sont appelés « apocryphes » ou « pseudépigraphes » (écrits sous une fausse signature). Ils forment avec d'autres de la même époque ce que l'on nomme aujourd'hui les « écrits intertestamentaires ».

Le Nouveau Testament

Le Nouveau Testament est l'ensemble des 27 livres canoniques du christianisme. Ils témoignent de la personne de Jésus de Nazareth que les chrétiens vénèrent en tant que Christ et Messie, de sa prédication, de sa résurrection et de son annonce par les Apôtres. Il est rédigé, comme la Septante, en grec commun, la κοινή (koinè), au ier siècle avec de nombreuses formes syntaxiques calquées de l'hébreu formant un judéo-grec.

Comme pour l'Ancien Testament, la canonicité de plusieurs livres du Nouveau Testament a longtemps été débattue. Il s'agit de l'Épître aux Hébreux, des Épîtres de Jacques, de la Deuxième Épître de Pierre, des Deuxième et Troisième de Jean, de celle de Jude et de l'Apocalypse ; celle-ci a fait l'objet de discussions jusqu'au ve siècle. D'autres textes, les écrits des Pères apostoliques et les apocryphes du Nouveau Testament, pour la plupart du iie siècle, n'ont pas été inclus dans ce canon.

L'exégèse biblique

Bible hébraïque et Ancien Testament

L'exégèse biblique fut une activité majeure tant de la littérature rabbinique que des églises chrétiennes. Cependant, un champ de recherches bibliques fondé non plus sur l'appartenance confessionnelle mais sur la critique textuelle vit le jour à partir du seizième siècle, et est actuellement la plus répandue. Après avoir été répandue pendant le xxe siècle, l'hypothèse documentaire, partie de l'idée que les différents noms donnés à Dieu reflétaient des sources différentes, est aujourd'hui largement abandonnée. La recherche actuelle penche aujourd'hui en faveur d'une datation plutôt « basse » de la mise au point finale des différents corpus. Deux consensus s'organisent : L'un allant une rédaction s'étendant du viie siècle ou vie siècle à l'époque perse, l'autre (l'école de Göttingen) reportant la rédaction finale à la période hellénistique.

Nouveau Testament

Article détaillé : Problème synoptique.

La théorie dominante aujourd'hui sur la composition des Évangiles est celle dite « des deux sources » : Matthieu et Luc auraient été écrits à partir de Marc et d'une source de paroles de Jésus (dite « Q », de l'allemand Quelle, source) ; Jean viendrait d'une tradition indépendante, qui aurait aussi produit les épîtres et l'Apocalypse placées sous le même patronage. Les Actes sont incontestablement la suite de Luc. Les épîtres reconnues par tous comme étant de Paul sont celles aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, et la première aux Thessaloniciens (peut-être le plus ancien écrit du Nouveau Testament). La période de rédaction est donc très brève : trois générations au maximum, au plus tard au début du iie siècle. Certains chercheurs (le théologien John A. T. Robinson, Jean Carmignac et Claude Tresmontant sur le plan de l'origine linguistique, le papyrologue Carsten Peter Thiede ou encore Jacqueline Genot-Bismuth en ce qui concerne l'archéologie) tendent à ramener la date de rédaction de tous les livres du Nouveau Testament à une date antérieure à 70 apr. J.-C.